jeudi 27 février 2020

LE BAL DE LA KA-KA-RANTAINE


LE BAL DE LA KA-KA-RANTAINE

Version française – LE BAL DE LA KA-KA-RANTAINE – Marco Valdo M.I. – 2020
Chanson italienneIl ballo del qua qua(rantena)L'Anonimo Toscano del XXI Secolo e la Piccola Orchestrina del Costo Sociale – 2020







Dialogue Maïeutique

Notre ami l’A.T. du 21e Siècle, excédé par cette délirante histoire de quarantaine en a fait une chanson ; pour être plus exact, une parodie et pour donner toute sa dimension à la chose, il a eu recours à la danse des canards, cette sublime scie – mieux connue sous le titre de la danse des conards – dont j’avais toujours pensé que seuls les malheureux locuteurs et auditeurs de langue française avaient dû subir les effets délétères. Je découvre qu’elle est candidate au titre de la plus grande idiotie de tous les temps dans le domaine de la chanson. En tout cas, elle a ravagé le monde autant qu’un coronavirus, peut-être même a-t-elle fait plus de victimes (pour les morts, je ne sais pas).
Une invention suisse : Het nummer is oorspronkelijk gecomponeerd door de Zwitser Werner Thomas als het instrumentale Tchip tchip, ce qui se dit en français : Le morceau a été originellement composé par le Suisse Werner Thomas comme l’instrumental Tchip tchip, une onomatopée aviaire, qui prit donc son envol en 1957. Ensuite, on lui a adjoint des paroles et la chose s’est répandue comme la peste sur le monde.
Voici pour info le relevé, pas vraiment exhaustif, de son expansion linguistiquement définie :

  • Allemand : Der Ententanz / Ja, wenn wir alle Englein wären
  • Anglais : Birdie Song (GB) / Chicken Dance (USA)
  • Bulgare : Патешкият танц (Pateškijat tanc)
  • Brésilien : Baile dos Passarinhos
  • Coréen : 모두가 천사라면 (Moduga cheonsaramyeon)
  • Espagnol : El baile de los pajaritos
  • Estonien : Tibutants
  • Finnois : Tiputanssi
  • Grec : Ta papakya
  • Hébreu : ריקוד הציפורים (Rikud Ha'Tsiporim)
  • Hongrois : Kacsatánc
  • Islandais : Fugladansinn
  • Italien : Il ballo del qua qua
  • Japonais : Okashii Tori
  • Lituanien : Ančiukų šokis
  • Néerlandais: De Vogeltjesdans
  • Norvégien : Fugledansen
  • Polonais : Kaczuszki, Kaczuchy
  • Portugais : A dança do passarinho
  • Roumain : O rățușcă stă pe lac
  • Serbe : Pačiji ples
  • Russe : Танец маленьких утят
  • Slovaque : Kačací tanec / Vrabčák
  • Slovène : Račke
  • Suédois : Fågeldansen
  • Tchèque : Ptačí tanec (kuřátka)

Oh, dit Lucien l’âne, ce monde me consternera tout comme il l’a fait précédemment. J’ai connu la peste pendant des siècles, comme je te l’ai dit lors de notre entretien à propos de Peste nerala Peste Noire. Passons et tissons le linceul de ce monde pestilent, pestiféré, noir, noirâtre et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane






C’est la danse de la ka-ka,
De la quarantaine, on y va tout droit.
Tout le monde enfermé dans le « ka »,
Ka-ka-ka.


Maman, mémé et papa,
Tout le monde est dans le ka-ka.
La frontière est fermée déjà
Ici et là.


Priez, faites vos emplettes,
Faites un petit tour sur le net,
Salvini tousse, rouspète,
Et fait ka-ka.


D’un saut, avancez
Et puis, reculez !
La quarantaine durera,
Ka-ka-ka !


Et alors, moi, je fais quoi
Sans les matchs de série A ?
Je me sens comme une loque,
Maintenant, c’est l’époque
De la ka-ka-ka !


C'est la danse de ka-ka-ka,
La quarantaine, la voilà,
Les Lombards enfermés dans la « ka »,
Ka-ka-ka !


Un homme politique là,
Un virologue là-bas,
Et les coups de poing volent déjà
En veux-tu, en voilà !


Tout le monde est isolé,
Je suis devant la télé,
Mais ça m’emmerde d’être là
À faire ka-ka-ka.


Peu à peu un peu,
Et si je suis infectieux,
Elle vous attrapera,
La ka-ka-ka !


Maintenant, on m’a
Mis comme en prison,
Je suis un peu pigeon
Je dois rester à la maison
En ka-ka-ka !
En quarantaine,
Pour au moins deux semaines !
En ka-ka-ka !
En ka-ka-ka !
Ad LIBITUM.

mardi 25 février 2020

BIENVENUE EN ALLEMAGNE


BIENVENUE EN ALLEMAGNE

Version française – BIENVENUE EN ALLEMAGNE – Marco Valdo M.I. – 2020
d’après la version italienne BENVENUTI IN GERMANIA de Riccardo Venturi
d’une
Chanson allemande – Willkommen in Deutschland Die Toten Hosen – 1993
Texte : Andreas Frege (Campino)
Musique : Michael Breitkopf (Breiti)
Album « Kauf mich ! »




WIR SIND EIN VOLK
Nous sommes un Peuple




Dialogue Maïeutique


Figure-toi, Lucien l’âne mon ami, que j’avais eu l’idée saugrenue de publier cette version française de « Willkommen in Deutschland » – « Bienvenue en Allemagne » sans notre petite conversation préliminaire. Je devais sans doute être un peu las ou distrait ou préoccupé par autre chose. J’y avais cependant joint la photo d’une manifestation d’apparence pacifique de nationalistes allemands d’aujourd’hui, que j’avais pris soin d’illustrer d’une courte légende – en fait, la traduction du texte de la banderole en tête de cet émouvant cortège familial et national : « Wir sind ein Volk » – « Nous sommes un peuple ». J’en avais presque fini quand je me suis ravisé.


Et tu as bien fait, Marco Valdo M.I. mon ami, car autrement, à quoi aurais-je servi ici et surtout, car à voir ce slogan, j’en ai tous les poils qui se dressent. Des souvenirs anciens se rappellent à ma mémoire. Enfin, on sait ce qui arrive lorsque les Allemands veulent devenir un peuple. Inévitablement, on complète la sentence, comme je pense que le font ces « aimables marcheurs » et avec les mêmes mots qui sont de triste tradition : en allemand : « Ein Volk, ein Reich, ein Führer », ce qui donnerait en français : « Un Peuple, un Empire, un Guide » et en italien : « Un Popolo, un Impero, un Duce » ou quelque chose d’approchant et pour tous, en avant, marche ! Et bien sûr, ils marchent.


Je vois que tu as compris mon intention, répond Marco Valdo M.I., qui était double : celle de démythifier le peuple et celle de faire voir en dehors de l’Allemagne qu’il existe des Allemands qui ne veulent pas, ne veulent plus de ce fameux peuple.


Dans le fond, dit Lucien l’âne, c’est une seule et même chose : démythifier le peuple et ne plus vouloir de ce peuple.


Tu vois, Lucien l’âne mon ami, la démythification du peuple est la base de la mise en cause des attitudes racistes, xénophobes, méchantes et stupides du nationalisme, dont il importe peu – pour m’en tenir à cette petite partie du monde – qu’il soit russe, allemand, français, belge, autrichien, hongrois, italien, espagnol, etc. Ce qui caractérise le peuple, c’est son grégarisme, son goût de l’attroupement et son inévitable transformation en troupeau et ensuite, d’exaltation en exaltation, en meute.


Oh, dit Lucien l’âne, je connais cette façon d’être et j’ai vu les effets de cette gradation, laquelle est inévitable dès l’instant où on pense « peuple ». Des siècles de barbaries et de guerres ont montré combien cette mécanique est redoutable, menaçante et finalement, massacrante. Et à mon tour, j’insiste sur le fait qu’elle s’applique à n’importe quel peuple à n’importe quel moment de l’histoire humaine qui, jusqu’ici, se confond avec la Guerre de Cent Mille Ans que les riches et les puissants mènent contre les pauvres et les pacifiques afin d’imposer leur domination, d’étendre leurs possessions, etc. Dans les périodes de calme, où les affrontements sont feutrés, où on ne s’étripe pas militairement, où n’écrase pas les civils sous les coups des gens d’armes, où l’on vit dans une sorte de trêve sociétale, le peuple vit sous la forme du troupeau ; dans les périodes d’affrontements, le peuple prend alors la forme de la meute, il se transforme en un être vindicatif, en un agglomérat haineux, tel que le décrit la Tyrolienne haineuse, se mue en assassin collectif, en une hydre aux innombrables crânes tondus. Mais arrêtons-nous ici, sinon on n’en finira pas aujourd’hui ; ainsi tissons le linceul de ce vieux monde haineux, glauque, malodorant et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane






Ce pays est le pays où on ne comprend pas,
Que penser l’étranger comme ennemi, ça ne va pas.
Où les visiteurs sont seulement tolérés,
S’ils promettent de bientôt s’en retourner.
C’est aussi ma maison, même si c’est un aléa,
Un jour ou l’autre, ça finira par retomber sur moi,
Si un homme d’un autre pays,
Ne peut plus vivre ici sans souci.
Chaque jour, toujours plus, il en arrive
Et la haine des étrangers augmente
Et personne ne sait de quelle manière
Ni quand s’arrêtera cette manie démente.


C’est aussi mon pays,
Et je ne peux pas faire comme si
Ça ne me concernait pas.
C’est aussi votre pays,
Et vous êtes coupable si
Vous acceptez ça.


Ce pays est le pays où se taisent tant de gens,
Où des fous dans les rues s’en vont défiler
Pour prouver à eux-mêmes et au monde entier
Que les Allemands sont à nouveau des Allemands.
Cette provocation nous concerne vous et moi,
Car aussi nous sommes d’ici, moi comme vous ;
Ce problème ne concerne que nous :
Aucun étranger ne peut nous aider à régler ça.
Je n’ai aucune envie de rester ici,
Ni de supporter plus longtemps ça,
Je suis fatigué de parler et de rester là,
Je ne tournerai pas le dos à cet ennemi.


C’est aussi mon pays,
Et d’un quatrième Reich, je ne veux pas.
C’est aussi votre pays,
Faites que la haine aveugle ne le détruise pas.
C’est aussi mon pays,
Et sa réputation est déjà ruinée quoi qu’il en soit
C’est aussi votre pays,
Montrons que d’autres hommes vivent ici aussi.


lundi 24 février 2020

LA PESTE NOIRE


 LA PESTE NOIRE

Version française – LA PESTE NOIRE – Marco Valdo M.I. – 2020

Chanson italienne – Pesta neraDSA Commando2012



 Dialogue Maïeutique

La Peste, la Peste noire, telle est la chanson. Tel est le récit de la chanson ; mais, dis-moi, Lucien l’âne mon ami, as-tu toi-même connu la peste ?

Personnellement, franchement, Marco Valdo M.I. mon ami, je ne l’ai pas subie et pour cause, je suis un âne et les ânes sont connus, comme court la légende, pour être des animaux fort résistants. Cela dit, je l’ai vue, j’en ai vu les ravages et pas qu’une fois. J’ai vu tomber Constantinople, souviens-toi. Je dis ça pour rappeler que la peste n’est pas pour rien dans l’effondrement de cet Empire millénaire ; la grande peste avait tué la moitié de la population européenne. Le bon La fontaine avait raison dans sa façon de la caractériser : « Ils n’en mourraient pas tous, mais tous étaient frappés. » L’épouvantable fut qu’un âne, précisément, un lointain parent – non, ce n’était pas moi, sinon je ne serais pas là pour t’en parler – a dû subir le contrecoup. Écoute donc – en partie – cette fable des « animaux malades de la peste ». L’histoire commence ainsi :

« Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre
La Peste (puisqu’il faut l’appeler par son nom)
Capable d’enrichir en un jour l’Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés »

et elle finit ainsi que le bouc émissaire s’était mué en âne expiatoire.

Et de cela, demande Marco Valdo M.I., quelle leçon l’âne expérimenté que tu es peut tirer, hors les banalités qu’on nous a enseignées ?

La plus importante, Marco Valdo M.I., est pour les gens d’aujourd’hui : c’est qu’il ne sert à rien d’accuser l’âne, car à la vérité, le pauvre baudet n’y est pour rien. Ce serait même, comme on dit couramment à présent, dans cette langue technicole, contreproductif. Pour le reste, je ne suis ni médecin, ni virologue, ni en charge des maux des humains. Comme je t’ai de cette manière répondu, parle-moi quand même de la chanson qui me semble fort intéressante.

Eh bien, allons-y, Lucien l’âne mon ami. Il est d’abord à noter que ce n’est pas une chanson d’aujourd’hui, elle date de 2012. Le fait a son importance tant elle paraît anticiper les événements actuels. Comme tu le sais, j’aime beaucoup cette aptitude de la chanson, que j’appelle son profil de Cassandre. Elle anticipe. Pour les détails, j’ai définitivement pris le pli de renvoyer au texte lui-même, sans trop le paraphraser – chose inutile et superfétatoire, ni même, comme c’était coutume de le faire chez mes professeurs, d’en expliquer tous les mystères, qui dès lors n’auraient plus rien d’énigmatique et ce serait malheureux.

Donc, Dit Lucien l’âne, si je résume ton sentiment : ni commentaires directs, ni explication de texte. Soit, on n’est pas à l’école et tu ne te vois pas en professeur, ni les lecteurs, en élèves ignorants. C’est fort bien ainsi. Mais alors, quoi ?

Oh, juste un petit bout e phrase ou d’idée, de temps en temps, ça suffit, dit Marco Valdo M.I. Par exemple, celle-ci est un choral à quatre voix, qui sont notées dans le texte en tête de leur intervention : [Heskarioth] – [Macmyc] – [Hellpacso][Krin 183]. C’est une chanson complexe qui nécessiterait à elle seule une encyclopédie, ce que je ne peux faire. J’insisterais cependant sur deux points : le premier, c’est sa prescience, sa clairvoyance, son discours quasi-incantatoire, sa voix de Cassandre ; le second, c’est la luxuriance baroque de cette incantation. Même si elle est pure imagination, même si elle puise toute sa force dans la poésie, même si de quelque façon, elle est intemporelle, elle me paraît jeter ses sombres lueurs sur le monde du temps présent. Elle arrive à donner toue sa voix à la grande peur séculaire, à la simuler assez exactement. Ainsi, elle met en garde contre ce délire paranoïaque qui accompagna pendant des décennies et des décennies, des siècles pour tout dire, les vagues successives de la peste ancienne, laquelle pourrait se relancer de nos jours.

Parfait, dit Lucien l’âne assez causé, voyons ça et puis, tissons le linceul de ce vieux monde malade de la peur, paniqué, irrationnel et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




[Heskarioth]


Ecoutez l’écho du râle de la mort dans les couloirs de l’hôpital.
Crevant en pose fœtale, étranglé par un vomissement fécal,
Dysenterie, vertiges, fébrile infirmité mentale,
Dieu vous a abandonné ou vous déteste de façon viscérale.
Une horde de rats noirs montent de l’égout,
Mordent dans la chair, répandent la maladie, provoquent la panique,
Attirés par des piles de carcasses de corps corrompus où
Des vols de corbeaux arrachent les yeux, extatiques.
La putrescence dégorge des visages maculés
Némésis, divine, répand la ruine sous un ciel rosé.
Vous pensez aux jours passés pendant qu’enflent vos abcès,
La peste est une chanson, elle scande le tempo des décès.
Escariot, ver, oncteur, pestiféré, bouc expiatoire,
Je ris les yeux à l’envers sous les fers lors de l’interrogatoire.
Je me fous de crever, mon chemin est pavé d’os,
Jetez de la chaux et crachez sur moi dans la fosse.


[Macmyc]


Épidémie, mortalité, paralysie, cancer dans le vent
En train de métastaser, moissonnent les vivants.
Les fosses communes créent des collines de corps violets,
Le mot, un seul, terrifiant, violent, et c’est l’isolement complet.
En quarantaine, la maladie est bave dans la bouche des rats,
Le tunnel des horreurs vous sucera et vous tue, tue, tuera.
Les gens dépouillés de leur vie suent sous un linceul,
Puis font le dîner pour les vautours qui tournoient dans le ciel.
Agonie, magie, Mac Léod, Crowley le démon
À l’ange de l’Avent arrache les ailes.
Pour pleurer, je ne ressens pas assez d’émotion,
L’espoir vaut mieux qu’une vie éternelle.
Des croix peintes sur les portes, des barreaux de fenêtres cassés,
Dans les grottes, des campements de pestiférés.
J’ai vomi et j’ai vu dehors le feu, pas de soupape de sécurité.
Liez-moi avec les autres et brûlez-moi sur le bûcher !


[Hellpacso]


Déchets organiques entre les bouteilles et les rongeurs noirs,
Isolés dans de vieux quartiers conçus comme de nouveaux mouroirs,
Ici, on vit ou on meurt, on fait des expériences hors norme :
Des corps repoussant de pourriture prennent forme.
On crée l’épidémie de phobies, sans anesthésique.
Un membre à amputer nécrose sous un ciel en entonnoir,
Une autre maladie mortelle promène les têtes sur des piques,
Randonnant par les rues comme un chien noir,
Prêt à propager la gale, il mord.
Il n’y a pas de honte, brûlez doucement parmi les essences,
Sel vain et saveur d’égout pour couvrir toutes les apparences
Affligé, j’assiste, je résiste jusqu’à ma mort.
Le salut n’a pas de visage ; avec des gants de cuir, il caresse.
J’avale des blattes, je recule, je régresse ;
Je continue, je m’en vais vers l’extinction à tête basse.
Vers la fuite, je retourne dans le souterrain
Corrosif comme des larves sous la peau des mains.


[Krin 183]


Les rivières accompagnent les dépouilles
Dans un estuaire désormais saturé de charognes ;
Le mal inflige une peine immonde, un carnage social égal.
Dans les maisons, les pères se taillent la jugulaire,
Les fils oublient leur mère,
La ville sombre spectrale.
Pas de descendance, onanisme furieux sur des membres décharnés,
Lichen simplex, squames, corps pulvérisés
Nés sans zodiaque, de la même façon marqués de la croix
Sur les épaules, une voix atroce indique les renégats.
Les docteurs cherchent la cause obscure :
Poudres diaboliques, onguents, agents contre nature.
Les ventouses sucent le poison et cicatrisent
Tandis qu’à l’épuisement, les plaies conduisent.
Hors des murs, même vie, le feu guérit
Qui a fait vœu l’allume et le nourrit,
L’enfer est la seule sortie,
L’enfer sera le début d’une vie,
La fin de la contagion de la mort subite,
La mort du parasite.

dimanche 23 février 2020

VIVE QUI COMPTE POUR RIEN


VIVE QUI COMPTE POUR RIEN


Version française – VIVE QUI COMPTE POUR RIEN – Marco Valdo M.I. – 2020
Chanson italienne – W chi non conta niente – Eugenio Bennato – 2020





Les migrants débarquent au milieu des touristes 




Des frontières, des migrants et une humanité à raconter. Au milieu des mers, des déserts, des montagnes et de tout le poids de la musique du Sud. C’est l’histoire vraie de l’homme et de son environnement qui prend vie dans le nouveau clip vidéo « W chi non conta niente », dans lequel Eugenio Bennato et les vies racontées se fondent en un conte choral.

« W chi non conta niente » parle d’émigration – dit Eugenio Bennato – et vient d’une étincelle inconsciente qui veut mettre en évidence la capacité des derniers à se faire entendre. Et c’est précisément à qui ne compte pour rien, à qui ne monte pas dans le train des gagnants, des affaires, de l’univers nord-occidental, à qui se trouve de l’autre côté, est dédiée la chanson qui continue à naviguer, car étant une mélodie rien ne peut l’arrêter ». 

« W chi non conta niente » affronte le voyage, le refus, l’hostilité. « L’histoire – poursuit Eugenio Bennato – nous apprend qu’un mélange d’expériences différentes est toujours favorable pour l’humanité. Un exemple nous vient de notre migration vers l’Amérique ; je pense aussi aux esclaves africains qui ont produit de la grande musique comme le jazz, le blues, le gospel aux États-Unis. Dans ce cas, les États-Unis devraient remercier dans leur bilan ces pauvres hommes enchaînés pour avoir revitalisé leur culture ».

« La marée réactionnaire actuelle provient de conclusions simplistes et, surtout, du manque d’expérience. Car – conclut Eugenio Bennato – seul celui qui voyage en touriste et non en être humain ne peut pas remarquer que l’humanité est présente partout et doit être respectée partout ».


source : Voce di Napoli (Voix de Naples)






Vive qui compte pour rien
Et qui continue à compter pour rien
Avec sa musique d’autrefois,
Sa musique qui ne compte pas.


Vive qui embrasse la terre
D’où il est contraint de fuir,
Même s’il compte pour rien,
Vive sa nostalgie !


Vive l’art qui se rebelle,
L’art encore à faire,
Et n’admet aucun maître,
Et n’arrête pas de naviguer.


Vive la chanson
Qui traverse les frontières,
Qui par son humanité,
Ne peut être étrangère.


Vive la voile
Qui se meut lentement
Et peut aller où elle veut,
Car elle va contre le vent.


Vive qui compte pour rien
Avec son désert à franchir,
Avec son voyage vers l’espoir lointain,
Qui parfois peut mal finir.


Vive l’ingénuité de qui avance
Avec son laissez-passer rêvé
Vers la petite grande Europe
Dont il a tant fantasmé.


Vive le sens de la beauté
Qui va dans le monde et peut le changer
Et ne peut admettre qu’une race
Soit moins libre et moins égale.


Vive la chanson
Qui continue à naviguer,
Que mélodie et son,
Rien ne peut l’arrêter.


Vive son anarchie
Même si elle compte pour rien,
Mais peut dire des choses neuves,
Car elle va à contre-courant.


Vive les damnés de la terre
Migrant vers on ne sait où,
Vive le voyage de l’espoir,
Vive le désespoir !


Vive qui survit
Et qui nous dit
Le courage nécessaire
Là, seul au milieu de la mer.


Vive la chanson
Qui aborde le continent
Avec ses paroles neuves !
Vive qui compte pour rien !


Vive qui s’oppose
Avec son histoire éternelle,
Avec ses paroles nouvelles,
Vive qui compte pour rien !



jeudi 20 février 2020

Bonheur et Misère du Déserteur



Bonheur et Misère du Déserteur


Chanson française – Bonheur et Misère du Déserteur – Marco Valdo M.I. – 2020

ARLEQUIN AMOUREUX – 42

Opéra-récit historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola « Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J. Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de l’édition française de « LES JAMBES C’EST FAIT POUR CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez Flammarion à Paris en 1979.



Les armées du ciel au combat
Pieter Brueghel – 1564


Dialogue Maïeutique

Je vois, Lucien l’âne, à ton œil de basalte tout frétillant que tu es une fois encore perturbé par ce titre qui peut-être ne te dit rien ou sans doute, te rappelle quelque chose, comme un titre ancien.

C’est ça, en effet, répond Lucien l’âne, c’est la sensation que je ressens et je sens mon cerveau qui tourne à plein rendement comme s’il savait qu’il lui suffit de sasser et de ressasser pour retrouver l’origine de ce sentiment ; mais pour faire court, dis-moi quoi.

Figure-toi, Lucien l’âne mon ami, que j’ai eu la même sensation en composant ce titre «  Bonheur et Misère du Déserteur » et après avoir sassé et ressasser, il m’est apparu qu’il s’agit d’une réminiscence de Balzac ; oui, du brave et pantagruélique Honoré de Balzac et de son roman, en quatre tomes, « Splendeurs et misères des courtisanes ». Au passage, disons que Balzac n’a quasiment fait que ça dans sa vie, des romans, des romans, des romans, tant de romans, de quoi remplir une bibliothèque à lui tout seul ; enfin, on peut même y ajouter ses hétéronymes et tous ses autres écrits ; mais de Balzac je n’en dirai pas plus, tant il est gigantesque ; c’est une encyclopédie ; il faudrait y consacrer sa vie et je n’en ai pas le temps ; lui-même d’ailleurs ne l’avait pas).

Je l’ai entendu dire, dit Lucien l’âne. Il paraît qu’il carburait au café. Mais , je t’en prie, poursuis.

Dans le fond, c’était juste un clin d’œil à cet homme qui était lui aussi un fuyard, un fugitif, mais d’un autre genre que l’Arlequin déserteur, quoique. Quoique, s’il a fui toute sa vie adulte les créanciers, sautant d’une résidence à une autre, il a fui aussi son obligation de servir dans la Garde nationale, ce qui en fait un déserteur. D’ailleurs, la Garde nationale le rattrapa et le mit en prison. Heureusement pour lui, ce n’était pas une période de guerre ouverte.

En voilà assez, dit Lucien l’âne. Si je te laissais courir, tu nous assommerais tous de ces fragments biographiques ; qu’importe si Balzac se cachait sous la Veuve Durand, parle-moi de la chanson et de ce fuyard d’Arlequin amoureux.

Ah, Lucien l’âne, je t’avoue que je fuyais moi aussi devant la complexité des choses. À mon sens, il suffit de lire la chanson après avoir lu toutes celles qui la précèdent ; tout est clair quand on prend le temps de regarder. Cependant, je te concède qu’elle peut aussi – qu’elle doit aussi – valoir par elle-même.

Alors, dit Lucien l’âne, tenons-nous en là ; ce sera déjà beaucoup.

Soit, reprend Marco Valdo M.I., au début, Matthias – car c’est sa voix qu’on entend, sa voix intérieure et un peu plus tard, celle de Barbora ; bref, il dialogue – tient un discours sur l’inaccessible liberté.

« Pour nous, il n’y a de liberté nulle part !
Où que mes yeux regardent, nulle part ! »

En fait, je soupçonne qu’il parle de la Tchécoslovaquie de la fin des années soixante, dont l’horizon était bouché par la domination soviétique et même, plus traditionnellement, russe ; même, si elle fut antérieurement, autrichienne. Il ne faut pas perdre de vue cette manière de lire l’Arlequin amoureux. C’est la clé de toute cette histoire. Tout comme, à mon sens, doit l’être Barbora. Elle parle dès lors aussi de la Bohême au temps de François Ier d’Autriche ou peut-être également, en d’autres temps. Elle est transhistorique et transnationale, car notre Arlequin fugueur est lui-même la figure de tous les réfugiés et de tous les fuyards du monde qui dans la Guerre de Cent Mille Ans rassemblent dispersés un peuple considérable. L’Amérique ou l’Australie, par exemple et pour l’essentiel, sont remplies de fuyards, de gens qui fuyaient la misère et les guerres.

Et, dit Lucien l’âne, il en arrive toujours, de tous lieux de tous bords et je ne vois pas que ça va ralentir – là et ailleurs dans le monde. Le monde fuit de partout.

Pourtant, je pense que même s’il y a encore tant de choses à dire de cette chanson, comme pour Balzac et comme souvent, je me dois de ne rien dire de plus. Ici, dans ce petit monde de « Bonheur et Misère du Déserteur » même le ciel n’est pas une limite.

Certainement, répond Lucien l’âne, on n’en finirait pas et de ce fait, tu ne ferais plus rien d’autre. Je ne peux donc que t’approuver. Alors, tissons le linceul de ce vieux monde fugueur, fuyant, fugitif, fuyard, inhospitalier, bondé et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Pour nous, il n’y a de liberté nulle part !
Où que mes yeux regardent, nulle part !
Que faire ? Que faire ? C’est plein de militaires.
Chut ! Vous allez réveiller les vers de terre.

Et il n’y aura jamais de liberté ?
Il ne faut pas trop y compter.
À supposer qu’elle sorte de terre
Ou qu’ils rentrent dans leurs chaumières.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

Saleté d’exode, errance et aberrance.
Se priver, mais survivre pourtant,
Se nourrir de vent et de sentences.
Oh, Barbora ! Où es-tu maintenant ?

Ici, viens vite, ils nous font souffrir,
Ils traitent le petit de bâtard et moi pire.
Qui ? Qui ? Ce sont les soldats du ciel.
Quoi ? Quoi ? Le service éternel ?

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

Je viens juste de trouver le bonheur.
Oh Barbora, je ne sais pas mourir,
Souviens-toi, je suis déserteur,
Fuir, il nous faudra encore fuir !

Le bétail crève, les gens ont faim ;
Les prix volent toujours plus haut.
On arrête le meneur de la révolte du grain ;
Ivre, il raconte la bataille de Marengo.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.