mercredi 19 novembre 2014

GÖTTINGEN

GÖTTINGEN


Version française – GÖTTINGEN – Marco Valdo M.I. – 2014
Chanson allemande – GöttingenFranz Josef Degenhardt – 1983








Connais-tu la Gänseliesel de Göttingen ? Je vois à ton œil joyeux que bien évidemment, tu la connais et que sans doute, comme tant d'autres, tu l'a embrassée de façon gourmande…

Sûr que je l'ai embrassée et pourquoi ne l'aurais-je pas fait, vu que telle est la coutume et que, dit-on, cette charmante gardienne d'oies est la jeune personne la plus embrassée de par le monde… Les pulpeuses dénudées des magazines n'ont qu'à aller se rhabiller… C'était même récemment encore chose interdite… Il est vrai que le ridicule ne tue que rarement. Mais pourquoi me parles-tu de cette aimable Lison de Göttingen ? En serait-il question dans la canzone dont tu viens de faire une version française ?

Exactement, mon ami Lucien l'âne perspicace. D'ailleurs, la canzone se nomme : « Göttingen » et je précise tout de suite que son auteur, Franz-Josef Degenhardt savait très bien que la chanteuse française Barbara avait auparavant elle aussi écrit et interprété une chanson intitulée Göttingen [[705]]. En voici donc une deuxième, dans laquelle on trouve une explicite référence à la première :
« Ici, Barbara chantait les enfants blonds
Les roses aussi et la mélancolie, »

Mais bien évidemment, tu connais Degenhardt, la canzone raconte aussi autre chose… Le passage de l'avocat Degenhardt dans la ville est escorté du passage du chanteur Degenhardt, armé de sa guitare. Il raconte l'histoire de l'Allemagne (version ouest), son évolution marquée par les mouvements de contestation politique et écologique, par aussi certaines évolutions désastreuses nées de la désespérance d'une jeunesse allemande brisée dans ses élans généreux et libertaires.

« Car nous avons enterré une amie morte,
Qui s'était tiré une overdose de neige. »
Une histoire semblable était contée par la chanson Golden Shoot à Stuttgart [[41548]], qui parlait de 1971. Et comme tu le vois, des années plus tard, la même désespérance… Et maintenant encore, elle perdure… Le Mur [[7911]] auquel se heurte la population n'est pas encore tombé


Au fait, dis-moi, qu'en est-il advenu de ce « Christian Klar », dont parle la chanson…


Après 26 ans, Christian Klar est enfin sorti de la prison où on l'avait jeté en raison de ses activités révolutionnaires au sein de la Rote Armee Fraction. Il avait notamment participé en 1977 à l'enlèvement et à l'assassinat du patron des patrons allemands de l'époque (avant ça, Président de Daimler Benz), Hans Martin Schleyer, un nazi, officier SS de haut rang et à ce titre, du temps de l'occupation, responsable de la politique d’extermination en Tchécoslovaquie.


On comprend évidemment la désespérance qui ronge ce pays, qui n'a pas su vraiment se purger de son infection nazie. Comme quoi, il importe que nous continuions à tisser le linceul de ce vieux monde gangrené, désespérant, mortifère et cacochyme.



Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


Göttingen

Dans cette ville, on devrait cavaler, my love,
Comme un hussard, la cape au vent,
Se laisser glisser sur la Lison aux oies
S'asseoir, les cheveux flous,
Boire des coups de sa bière, se taire
Et se ressouvenir des nuits d'août :

On jouait là de l'harmonica et du violon,
Et autour de la fontaine, nous dansions sans façon.
Adenauer était en partance,
Nous chantions à haute voix une république libre,
Beaucoup rêvaient d'une nouvelle alliance
Noble orgueil de prince et chance d'enfant sale.

J'ai chanté ma chanson dans cette ville,
Éclaboussé et malmené par la gazette.
Elle me traitait de sale gamin prolétaire.
Ça m'a peu servi auprès des camarades.
Là, des enseignants ont tiré sur des élèves,
Dans ma robe, face à la Cour, j'ai hurlé.
Avec la guitare, j'ai riposté.
J'étais témoin, mais ici, on ne m'a pas fait confiance.
Ici, Barbara chantait les enfants blonds
Les roses aussi et la mélancolie,
Qu'en eux les enfants de vaincus ont,
Jusqu'à devenir des Mescaleros, et libérer leur vie.

e cours dans le vent sur les tombes.
Par exemple, l'Hans voulait poursuivre la ville,
Car nous avons enterré une amie morte,
Qui s'était tiré une overdose de neige.
Laisse-moi guider et allons à la Tour de Bismarck
Le pensionné aveugle cliquette tout comme un étudiant
Dans les duels corporatifs, il exhibe le sabre de Bismarck
Un ruban, un chapeau et une chemise tachée de sang.
Je cours dehors et je vois devant moi sur le rempart
Peint en rouge : « Vengeance pour Christian Klar ».
Je découvre encore toujours plus précisément,
Que ce pays ne restera plus comme il était avant.


EN GUERRE

EN GUERRE



Version française - EN GUERRE – Marco Valdo M.I. – 2014

Chanson allemande – Im Krieg – Franz-Josef Degenhardt – 2000
Poème d'Andreas Gryphius - 1636


Andreas Gryphius 




Franz-Josef Degenhardt introduit ainsi la chanson :
Pendant la guerre de l'OTAN contre la Yougoslavie, pendant que les bombes ravageaient le pays auquel on voulait prodiguer les droits humains, ensemble parmi d'autres à Rudolf Scharping, avec lequel j'avais déjà manifesté à Mutlangen contre les missiles de l'OTAN, je lus encore une fois des textes d'Andreas Greif, qui se faisait appeler Gryphius. Pendant la guerre de Trente Ans, en 1636, Andreas Gryphius écrivit ce poème :


Nous sommes déjà complètement dévastés, et plus encore :
Les peuples en foule insolente, la saquebute enragée,
L'épée toute poisseuse de sang, dans le tonnerre des couleuvrines,
Ont sueur, chair et raison pulvérisées.


Les tours sont en flammes, l'église a croulé
L'hôtel de ville est ravagé, les forts écrabouillés,
Les filles sont violées et maintenant où que l'on regarde
On voit le feu, la peste, la mort ; le cœur et l'esprit s'effondrent.


Des fortifs et de la ville, le sang frais toujours dégouline
Et ça fait déjà bien trop longtemps que notre fleuve engorgé
De tas de cadavres ne s'écoule plus qu'avec peine.
Mais il me faut encore révéler
Pire que la mort, pis que la peste, le feu et la famine :
Le trésor de l'âme même fut à tant de gens, arraché.