mercredi 26 octobre 2022

PÈRE

 

PÈRE



Version française — PÈRE — Marco Valdo M.I. — 2022

d’après la version italienne — PADRE — Riccardo Venturi — 2020

Chanson allemande en bas allemand (Kölsch) — VatterBAP — 1987

Album : Wolfgang Niedecken & Complizen, Schlagzeiten








DIEU LE PÈRE

Portrait anonyme du XVIIIᵉ siècle



Dialogue Maïeutique


Ah, te voilà toi, Lucien l’âne mon ami, toi avec qui je peux causer sans honte et sans garder d’arrière-pensée bien cloîtrée au fond de ma cervelle. J’ai toujours de la joie de te revoir.


Halte, Marco Valdo M.I. mon ami, que veut dire pareil exergue ? Qu’est-ce qui se cache derrière ce beau discours ?


En fait, Lucien l’âne mon ami, rien du tout. C’est juste une façon de causer, de commencer notre dialogue maïeutique et de créer un peu de suspense, car il y en a un, qui m’est venu avec retard, avec ce que Balzac appelait déjà « l’esprit d’escalier » — j’allais insérer la chanson sans commentaire et soudain, miracle, mais tu vas voir, c’est presque ça ; il y a une énigme dans cette chanson.


Ah, dit Lucien l’âne, tu m’en bouches un coin, tu m’intrigues. D’après ce que j’en sais, la chanson s’intitule Vatter, ce qui devrait vouloir dire Père et vu le tableau qui l’illustre, ce devrait être Dieu le Père. Évidemment, en soi, Dieu le Père est une énigme (et pas seulement lui, d’ailleurs dans cette famille) du simple fait que ni un âne comme moi, ni personne ne l’a jamais vu, ni entendu, ni perçu, mais je suppose que ce n’est pas de cette évidente viduité mystérieuse que tu parles.


Oui et non, Lucien l’âne mon ami, car en partie, quand même, cette néantise est au cœur de la chanson, mais l’essentiel de la chanson est ailleurs. Je m’explique. D’abord, de quoi s’agit-il ? D’une prière adressée au Père, dont en effet, on peut comprendre aisément qu’il s’agit de Dieu le Père. La seule question qui résume mon énigme est : qui lui adresse cette prière ? Est-ce un homme quelconque, Elkerlijk, un militant ou le chanteur ?


Oh, dit Lucien l’âne, ce qui est sûr, c’est que ce n’est ni toi, ni moi.


Alors qui ?, demande Marco Valdo M.I. ; eh bien, à mon sens, c’est et ce ne peut être qu’un fils, que le fils du père en question et donc, le Fils du Père, si tu vois de qui il s’agit.


Oh oui, dit Lucien l’âne, on raconte même que je l’ai porté sur mon dos lors de je ne sais plus quelle joyeuse entrée. Je ne m’en souviens plus trop, car vois-tu, avec le temps, tout va, tout s’en va et ma mémoire qui flanche avec tout le reste s’en est allée, par morceaux. Mais pour réponde à ta question, plus directement, il s’agit de Dieu Père et Fils, que c’est, le Fils qui interpelle son Père et lui inflige une cinglante critique.


Tu as raison, Lucien l’âne, c’est bien de ça qu’il est question et cette critique est pour le moins acide, destructrice, létale, en quelque sorte mortellement définitive. C’est le meurtre du Père. Le Fils renie le Père :


« Un père qui autorise Auschwitz, sans aucun doute,

Ne mérite pas qu’un enfant l’écoute. »


Voilà, conclut Lucien l’âne, tout est dit et on ne va pas épiloguer. Cela dit, tissons le linceul de ce vieux monde bigot, croyant, crédule, religieux, vertueux et cacochyme.



Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Père, qui le jour, Père, qui la nuit

Surveillez l’eau, la terre et l’air,

Apprenez aux moineaux à quitter le nid,

Envoyez des nuages là où tout est désert.

Père de la souffrance, Père de la faim,

Toujours vous arrivez après la fin.

Père, Père !


Père du noir, père du blanc,

Êtes-vous au courant de tout ?

L’Afrique du Sud est loin de tout ? Que dites-vous ?

Votre pape va s’en occuper ? À son patron, il ment !

Père, je dis vrai, il faut nous entendre

Et votre parti chrétien, venez le reprendre,

Père, père !


Père des juntes et des tortionnaires, regardez :

Les tueurs prêtent serment à vos dictatures militaires,

Aux étendards brodés : « Dieu est à nos côtés »,

Père, êtes-vous calcifié à ne plus voir clair ?

Un père qui autorise Auschwitz, sans aucun doute,

Ne mérite pas qu’un enfant l’écoute.

Père, hé, père !