1600 – LA PESTE VOUS ATTRAPE
Version
française – 1600 – LA PESTE
VOUS ATTRAPE – Marco Valdo M.I. - 2020
Chanson
italienne – 1600
Peste ti colga – I
Gufi – 1966
Dialogue
Maïeutique
Comme
depuis des semaines, Lucien l’âne mon ami, une épidémie, une
pandémie ou en tout cas, quelque chose qui y ressemble, s’étend à
travers le monde et parvenue à pied de la Chine ou presque, elle a
atteint l’Italie et frappe particulièrement, la grande ville de
Milan.
Oui,
dit Lucien l’âne, j’ai entendu dire cette chose-là et du coup,
je me suis souvenu qu’une affaire du même genre avait touché la
même ville de Milan – certes plus petite à l’époque, il y a
déjà pas mal de temps. Si je ne me trompe pas, cette fois-là,
c’était il y a environ 400 ans. Je m’en rappelle comme si
c’était hier. Les humains tombaient comme des mouches prises dans
un nuage d’insecticide ou d’insectes aux prises avec un banc de
chauves-souris et on avait voulu me réquisitionner pour porter les
cadavres, mais je m’étais enfui dans les campagnes. Comme à mon
habitude, j’avais repris mon chemin d’âne errant, fuyant comme
la peste les pestiférés, les moines ointeurs, ces détrousseurs de
cadavres et leurs enterrements, j’allai voir ailleurs comment se
portait le monde.
Donc,
ainsi, Lucien l’âne mon ami, tu connais de façon directe ce qu’il
en fut de la fameuse épidémie de peste noire de 1600. Cependant,
comme tu le sais aussi, ce ne fut pas la seule et elle ne se
manifesta pas que dans le Milanais ; elle aussi courut le
monde ; peut-être même, à ta poursuite.
Oh,
Marco Valdo M.I. mon ami, tu ne penses pas si bien dire ; elle
courait aux trousses de tout le monde et je la sentais qui
aiguillonnait mes fesses. Ce n’est pas pour me vanter, comme bien
tu penses, j’en avais une frousse bleue. Il y avait de quoi, note.
La Fontaine en dit : « Ils n’en mourraient pas tous,
mais tous étaient frappés ».
Donc,
reprend Marco Valdo M.I., pour en revenir à la chanson, elle
retrouve toute son actualité aujourd’hui à raconter l’histoire
de la peste de 1600 à Milan. Ce qui est curieux, c’est que ce
n’est pas une interprétation d’une chanson d’époque qu’on
aurait exhumée aujourd’hui, ni d’ailleurs, une chanson imaginée
aujourd’hui autour de ce pestilent événement ; pas du tout !
Pas
du tout ?, dit Lucien l’âne. Mais alors, d’où sort-elle ?
En
fait, c’est une chanson qui fut écrite et chantée en 1966 par des
hiboux. Enfin, par le groupe milanais (quand même !) des Gufi
(en français les Gufi sont des Hiboux – h aspiré, on ne fait pas
la liaison, ce qui veut juste dire qu’on ne dit pas des Ziboux).
Pour ta gouverne, ces hiboux avaient constitué un groupe du genre
des Quatre Barbus ou des Frères Jacques ; bref, un chœur
d’hommes (Mannerchor) de cabaret ou de music-hall et crois-moi, ce
n’était pas de la chanson sinistre. L’humour et l’ironie y
avaient leur place et elle était considérable. Ainsi, en est-il de
cette histoire de peste et d’épidémie.
Et
cette distanciation est bienvenue, dit Lucien l’âne. Comme
Desproges, je pense qu’on peut et même qu’on doit rire de tout.
En plus, ça soulage et ça aide à affronter l’horreur dont on
s’amuse. Ceux qui ne comprennent pas ça sont des humains bâtés,
butés et probablement, si on les laisse faire, bottés.
Je
disais une chanson des Hiboux, continue Marco Valdo M.I., et qui se
présente sous la forme d’une pièce de théâtre, malheureusement
inachevée. Il me faut pourtant confessé que j’y ai apporté une
petite modification qui lui donne une tout autre saveur. Dans la
version italienne, cette chanson s’en prenait à la loi Merlin, une
loi italienne qui avait fermé les maisons (déjà) closes et renvoyé
toutes ces dames dans la rue et la clandestinité. Cette fois, j’ai
voulu viser spécifiquement « corona » et j’ai donc
conclu :
« Puis,
ordre du podestà, hors des murs, la peste resta
Et
n’est jamais revenue
jusqu’à ce virus
corona. »
Pour
le reste, voir la chanson.
Oui,
tu as raison, Marco Valdo M.I. mon ami, de toujours renvoyer au
texte. C’est plus correct vis-à-vis de la chanson. Quant à nous,
tissons maintenant le linceul de ce vieux
monde malade de la corona, ahanant, suant, souffrant,
mourant et cacochyme.
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
1600,
La peste vous attrape, d’après
un ancien manuscrit trouvé à Milan.
Les
personnages :
Don
Rodrigo, un Espagnol passionné ;
Don
Alvarez, le frère de Don Rodrigo ;
Don
Ramirez, père de Don Alvarez et de Don
Rodrigo ;
Don
Fernandez, frère de Don Ramirez et oncle de Don Alvarez, et de
Don Rodrigo ;
Don
Rodriguez, qui n’est pas apparenté à Don Ramirez, Don Alvarez et
Don Rodrigo ;
Un
médecin ;
Le
Podesta ;
Un
mari, une femme mourante ;
Chiquita,
des Espagnols,
des pestiférés,
des moines.
Premier
acte
Olé
olé olé olé olé olé olé olé
C’était
le XVIIe siècle et en Italie, l’Espagne s’abattait
Avec
ses empesteurs du
grand
folklore de
Madrid – olé
olé olé !
La
soldatesque tsigane buvait et mangeait
Et
se répandait le long de la
botte.
Rodrigo
avait amené Chiquita,
une bête,
Un
petit microbe, mais un trésor pour Rodrigo
C’était
un fléau si infidèle à son
maître
Que
à la première
petite dame, il
abandonna Rodrigo,
Quand
elle fut empestée, elle courut
chez son frère,
Quand
il fut empesté,
il courut chez
son père.
Peu
à peu, la peste
se répandit dans
les quartiers
Provoquant
l’infestation
de la ville entière.
Femmes
et hommes, enfants et jeunes mariées
amoureuses
Se
décomposaient en plaies
puantes et brutales.
Les
gens couraient dans les rues sinueuses
Implorer
du docteur
public, une
médication radicale.
Puis,
sur ordre du Podestà, on a
construit hors les murs,
Pour
recueillir les pestiférés,
une clausure,
De
gros
moines la
gardaient.
On
l’appela le lazaret
Ces
grands hommes brutaux versaient
des chariots
Entiers
de pestiférés dans la fosse commune
(olé
olé olé olé)
Ils
récupéraient
les meilleurs morceaux
(olé
olé olé olé)
Et
la peste s’installa dans le jeune.
À
l’intérieur du lazaret, la peste
empestait radieuse
Et
s’étendait
ainsi en
une rougeur calamiteuse.
Alors,
du fond, un petit
air monta,
Sur
sa femme mourante, un mari chanta :
La
peste et les cornes sont de toute éternité
Si
tu ne meurs pas bientôt, tu le sauras.
À
toi les cornes et la peste à
moi
Ô,
quelle belle fête, olé pestiféré !
Alors,
courons, sautons,
dansons et rions.
Pour
la postérité, d’héroïques
pestiférés, nous serons.
Don
Rodrigo en furie sexuelle
A
résolu un problème d’état civil.
Puis,
ordre du podestà,
hors des murs, la peste resta
Et
n’est jamais revenue
jusqu’à ce virus
corona.
Le
deuxième acte ne peut pas être joué,
car les protagonistes sont
en quarantaine.