mardi 9 juin 2020

ASIE

 

ASIE



Version française – ASIE – Marco Valdo M.I. – 2020
Chanson italienne – AsiaFrancesco Guccini – 1970











Dialogue Maïeutique

Dans sa préface à L’Automne à Pékin, enfin si je me souviens bien, Lucien l’âne mon ami, Raymond Queneau soulignait combien ce titre était opportun puisque dans ce roman de Boris Vian, il n’est question ni de l’automne, ni de Pékin. Il n’en va pas du tout ainsi de cette Asie, puisqu’aussi bien, la chanson de Guccini, qui date quand même d’un demi-siècle, – la chanson, Guccini va sur ses quatre-vingts ans –, l’aborda à la proue d’un vaisseau vénitien, orné de l’oriflamme de la Sérénissime. C’était au temps où Venise rutilait, à l’époque où elle emmenait son Lion ailé partout en haut du mât de ses barzes, de ses galères, de ses galéasses, de ses galéones ; il flottait aussi et même surtout, sur ses vaisseaux de commerce. Venise préférait les comptoirs aux colonies ; on y investit moins et ça rapporte plus.

« Lion de Venise, Lion de Saint-Marc,
L’armée chrétienne est aux portes de l’Orient,
Dans les ports de l’Ouest, la mer amène sous le vent
Les charges d’ivoire et de brocart. »

Évidemment, Marco Valdo M.I. mon ami, c’est une manière d’aborder un autre continent, même si pour les descendants de l’Empire romain, l’Asie n’est pas vraiment une terra incognita. J’y étais chez moi en ma jeunesse folle. Mais à part ça, que raconte la chanson ?

D’abord, Lucien l’âne mon ami, je vais une fois encore insister sur le fait que c’est une version française et à l’origine, une chanson italienne de Francesco Guccini que l’on peut tout à fait comparer à Francesco Guccini, lequel commence à avoir des airs d’ancêtre. Cependant, comme tu vas le voir, sa chanson – dans sa version française – n’a pas pris une ride ; on la dirait nouvellement conçue.

Oh, dit Lucien l’âne, c’est drôle ce que tu dis, car ça me fait penser à la chanson de Brassens où il est question précisément d’être un ancêtre :

« Quand nous serons ancêtres
Du côté de Bicêtre,
Pas d’enfants de Marie, oh non !
Remplacez-nous les nonnes
Par des belles mignonnes
Et qui fument, crénom de nom !
Et qui fument, crénom de nom ! »

Ah, Lucien l’âne mon ami, il est des péchés capiteux qui ne doivent rien à l’industrie du tabac. Enfin, à chacun ses préférences, mais comme c’est son anniversaire d’ancêtre de ces jours-ci, on souhaite à Guccini « un buon compleanno », on lui dédie cette version française d'Asie, la chanson de Brassens : « L’Ancêtre » et un bon moment avec le calumet de la paix ; ce serait autre chose que de toucher sur une place publique le monsieur tout blanc. Cela étant, revenons à la chanson qui se garde bien de pareilles allusions, mais offre un voyage oriental et le rêve d’un espace et d’un moment disparus. Le Lion de San Marco était quand même un animal fort belliqueux qui s’en prenait aux Ottomans et finit par perdre toute sa superbe, laissant partir à vau l’eau les Balkans tout entiers, les îles grecques jusqu’à sa Candie si précieuse.

Oui, dit Lucien l’âne, et à présent, le grand félin ailé n’a plus qu’à se repaître de touristes pressés avant qu’une grande marée vienne mettre fin aux restes de sa gloire. Ainsi va le long chemin de l’histoire. Pendant ce temps-là, nous tisserons le linceul de ce vieux monde perclus, toussotant, égrotant, avide et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane






Au milieu des fleurs tropicales, des cris en douce,
La brise légère et lente glissait ;
Sifflant à travers le filet, elle apportait,
Suave, l’odeur de la soif et des épices.


Lion de Venise, Lion de Saint-Marc,
L’armée chrétienne est aux portes de l’Orient,
Dans les ports d’Ouest, la mer amène sous le vent
Les charges d’ivoire et de brocart.


Les habits des marchands suintent d’ors,
Leurs soutes recèlent d’énormes trésors,
Aux rives croisent leurs voiles colorées,
D’œillet et de poivre parfumées.


Brisés par le travail, les dos transpirent ;
À terre reposent l’encens, l’or et la myrrhe ;
Dans le vent, on entend par-dessus la palme,
Le cri de la sueur et de la gomme.


Et l’Asie paraît dormir, mais flotte en l’air
Son immense culture millénaire :
Les Blancs et la nature ne peuvent défaire
Les Bouddhas, les Chélas, les hommes et la mer.


Lion de Saint Marc, Lion du prophète,
Ton Évangile court à l’est de la Crète ,
Sur le ciel se détache ton étrange bannière ;
Ce n’est pas le livre, mais l’épée que ta main serre.


Terre de merveilles, de grâces et de maux, terre
Des animaux mythiques du bestiaire,
Jusqu’au gaillard arrivent des sanctuaires
La fumée de l’encens et du chanvre.


Et ce parfum intense, percé de mouettes, est
Signe de vains symboles divins,
Et de leur vol haut, ces oiseaux marins
Montrent à Marco Polo la route du Cathay.