d’après la version italienne de Riccardo Venturi – LA FABBRICA DELLA DOMINAZIONE – août 2017
d’une chanson catalane – La factoria de la dominació – Brams – 2011
Révolte catalane des Faucheurs
1635 |
Un juge fabrique des condamnations, un policier de la répression, un journaliste
fabrique des mensonges, un militaire fabrique de la peur, un banquier fabrique des
dettes et un évêque de la soumission, c’est fabrique de la domination.
Dialogue
maïeutique
Ah,
Lucien l’âne mon ami, voici une nouvelle fois une chanson catalane
et comme on a déjà pu le constater, les chansons catalanes
réservent souvent des surprises. C’est le cas cette fois-ci aussi
avec « La factoria de la dominaciò » que j’ai mise en
français sous le titre de « LA FABRIQUE DE LA DOMINATION ».
Je
vois ça, Marco Valdo M.I. mon ami, et je devine sans doute ce
qu’elle signifie et qui devrait fortement ressembler à l’Espagne,
mais je préférerais que tu me le révèles. Car, vois-tu, j’aime
beaucoup découvrir tes explications qui, comme les chansons
catalanes, réservent des surprises.
Eh
bien, Lucien l’âne mon ami, tu as raison de patienter un peu afin
de connaître mes explications qui s’éloignent parfois du sujet de
la chanson. Parfois même, elles s’en écartent tellement qu’elles
n’arrivent pas à y revenir dans les temps. Cependant, il faut s’y
faire, car ce sont les mots et la main qui conduisent le texte. Donc,
ici, je pense qu’on ne s’éloignera pas trop du sens de cette
« fabrique de domination », dont tu as parfaitement
deviné qu’elle désignait l’Espagne.
Pour
ce faire, il me faut pourtant revenir un peu sur les événements
actuels en Catalogne afin de vérifier le rapport qu’il pourrait y
avoir entre la chanson et ces événements. Je note d’abord – et
c’est important – que la chanson n’a pas été écrite à
l’occasion de l’actuel conflit, mais des années avant. Pas
beaucoup, mais suffisamment pour qu’elle n’y soit pas directement
liée. Elle a du recul, si je puis dire. Elle y est liée pourtant
comme on va le voir. Disons qu’elle les anticipe, qu’en quelque
sorte elle l’est annonce ou à tout le moins, elle dénonce certain
penchant à la domination extrêmement préjudiciable à la bonne
entente entre voisins. Deux mots d’explication sur les rétroactes
de ce qui se produit actuellement et sur l’ignorance, à mon sens
intentionnel, des commentateurs des événements de Barcelone quant à
l’histoire de la Catalogne et de sa relation tourmentée avec le
colonisateur espagnol, essentiellement le pouvoir arrogant des Grands
de Castille, pas du petit peuple qui si on le laissait vivre
tranquillement n’aurait aucun penchant à dominer ses voisins.
Cette occultation de la dimension historique de l’actuelle
revendication catalane et parallèlement, de la conquête par la
force de la Catalogne, empêche de comprendre le mouvement de fond
que constitue la volonté catalane d’indépendance.
Oh,
dit Lucien l’âne, c’est toujours comme ça. L’aveuglement du
pouvoir n’a d’égal que sa mauvaise foi. Le fait est habituel et
les exemples sont nombreux dans l’histoire, mais il y a une
constante : sauf à éliminer physiquement les colonisés, le
mouvement de libération se poursuit par mille voies ;
pacifiques quand c’est possible et un tel combat peut être long,
très long. Il peut passer par toutes les phases possibles, y compris
des répressions violentes, des épisodes militaires, des guerres
civiles, mais finalement il n’en démord pas.
Effectivement,
reprend Marco Valdo M.I., tu m’ôtes les mots de la bouche. Je
rappelle, à cet égard, que les Catalans se sont tenus à l’écart
de la colonisation des Amériques hispaniques. Je rappelle aussi que
le pouvoir madrilène a envahi la Catalogne et a conquis Barcelone
par la force et un bain de sang déjà en 1714 et ce même pouvoir
espagnol qui est actuellement sous l’influence franquiste, est
l’héritier d’une dictature qui a fusillé le précédent
Président de la République catalane en 1940, une République
catalane fort progressiste et de fait, peu franquiste, qui résista
tant et plus aux troupes du Caudillo. Ce sont des choses qui ne
s’oublient pas et des souvenirs qui remontent dès que les
événements s’y prêtent. Ce qui est le cas actuellement.
Oui
mais, la chanson dans tout ça, demande en riant Lucien l’âne.
Elle
raconte, Lucien l’âne mon ami, une histoire d’une ville ou d’un
village tranquille et des scènes de la vie quotidienne heureuse et
tranquille. Tout va bien jusqu’au moment où on installe une
fabrique de domination à quelques encâblures de la cité. On ne
peut plus transparent comme récit. Enfin, tu le liras.
J’y
compte bien, réplique Lucien l’âne. Cependant, il nous faut
reprendre notre tâche et tisser le linceul de ce vieux monde aux
relents coloniaux, aux réflexes autoritaires, aux manières
dictatoriales, brutal et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Un
fermier avait des laitues ;
Au
marché, il les a vendues
Et
est allé acheter du pain
Avec
les sous qu’il avait en mains.
Le
boulanger fatigué
De
bosser tout le matin
S’en
fut au café
Boire
un verre de vin.
Avec
les sous du boulanger
Le
troquet s’en est venu ici
Chez
le menuisier
Faire
réparer son lit.
Chez
ce peuple si tranquille
Travailler
est naturel, tout va bien
Et
tout est facile,
Tout
le monde a ce qu’il a besoin.
Le
jeune menuisier expédie
Le
travail en un rien de temps
Et
emmène au théâtre une fille
Qu’il
connaît depuis longtemps .
L’actrice
sort de scène,
Passe
en vitesse au vestiaire
Et
file chez l'apothicaire :
Elle
a la migraine.
Le
pharmacien en sandales
Va
acheter des bottes
D’herbes
médicinales
Au
marchand de salades.
Mais
on a construit une
fabrique
En
dehors de la ville, une sorte d’Escurial.
Elle
ne produit pas la moindre brique,
Ni
rien de bon pour la population locale.
Le
juge y produit de la condamnation,
Le
policier de la répression,
Le
journaliste y produit des affabulations,
Le
militaire y produit de la crainte,
Le
banquier y produit des dettes,
L’évêque
y produit de la soumission,
C’est
la fabrique de la domination.