jeudi 19 octobre 2017

LA FABRIQUE DE LA DOMINATION

LA FABRIQUE DE LA DOMINATION


Version française – LA FABRIQUE DE LA DOMINATION – Marco Valdo M.I. – 2017
d’après la version italienne de Riccardo Venturi – LA FABBRICA DELLA DOMINAZIONE – août 2017
d’une chanson catalane – La factoria de la dominacióBrams – 2011


Révolte catalane des Faucheurs

1635


Un juge fabrique des condamnations, un policier de la répression, un journaliste

 fabrique des mensonges, un militaire fabrique de la peur, un banquier fabrique des

dettes et un évêque de la soumission, c’est fabrique de la domination.



Dialogue maïeutique

Ah, Lucien l’âne mon ami, voici une nouvelle fois une chanson catalane et comme on a déjà pu le constater, les chansons catalanes réservent souvent des surprises. C’est le cas cette fois-ci aussi avec « La factoria de la dominaciò » que j’ai mise en français sous le titre de « LA FABRIQUE DE LA DOMINATION ».

Je vois ça, Marco Valdo M.I. mon ami, et je devine sans doute ce qu’elle signifie et qui devrait fortement ressembler à l’Espagne, mais je préférerais que tu me le révèles. Car, vois-tu, j’aime beaucoup découvrir tes explications qui, comme les chansons catalanes, réservent des surprises.

Eh bien, Lucien l’âne mon ami, tu as raison de patienter un peu afin de connaître mes explications qui s’éloignent parfois du sujet de la chanson. Parfois même, elles s’en écartent tellement qu’elles n’arrivent pas à y revenir dans les temps. Cependant, il faut s’y faire, car ce sont les mots et la main qui conduisent le texte. Donc, ici, je pense qu’on ne s’éloignera pas trop du sens de cette « fabrique de domination », dont tu as parfaitement deviné qu’elle désignait l’Espagne.
Pour ce faire, il me faut pourtant revenir un peu sur les événements actuels en Catalogne afin de vérifier le rapport qu’il pourrait y avoir entre la chanson et ces événements. Je note d’abord – et c’est important – que la chanson n’a pas été écrite à l’occasion de l’actuel conflit, mais des années avant. Pas beaucoup, mais suffisamment pour qu’elle n’y soit pas directement liée. Elle a du recul, si je puis dire. Elle y est liée pourtant comme on va le voir. Disons qu’elle les anticipe, qu’en quelque sorte elle l’est annonce ou à tout le moins, elle dénonce certain penchant à la domination extrêmement préjudiciable à la bonne entente entre voisins. Deux mots d’explication sur les rétroactes de ce qui se produit actuellement et sur l’ignorance, à mon sens intentionnel, des commentateurs des événements de Barcelone quant à l’histoire de la Catalogne et de sa relation tourmentée avec le colonisateur espagnol, essentiellement le pouvoir arrogant des Grands de Castille, pas du petit peuple qui si on le laissait vivre tranquillement n’aurait aucun penchant à dominer ses voisins. Cette occultation de la dimension historique de l’actuelle revendication catalane et parallèlement, de la conquête par la force de la Catalogne, empêche de comprendre le mouvement de fond que constitue la volonté catalane d’indépendance.

Oh, dit Lucien l’âne, c’est toujours comme ça. L’aveuglement du pouvoir n’a d’égal que sa mauvaise foi. Le fait est habituel et les exemples sont nombreux dans l’histoire, mais il y a une constante : sauf à éliminer physiquement les colonisés, le mouvement de libération se poursuit par mille voies ; pacifiques quand c’est possible et un tel combat peut être long, très long. Il peut passer par toutes les phases possibles, y compris des répressions violentes, des épisodes militaires, des guerres civiles, mais finalement il n’en démord pas.

Effectivement, reprend Marco Valdo M.I., tu m’ôtes les mots de la bouche. Je rappelle, à cet égard, que les Catalans se sont tenus à l’écart de la colonisation des Amériques hispaniques. Je rappelle aussi que le pouvoir madrilène a envahi la Catalogne et a conquis Barcelone par la force et un bain de sang déjà en 1714 et ce même pouvoir espagnol qui est actuellement sous l’influence franquiste, est l’héritier d’une dictature qui a fusillé le précédent Président de la République catalane en 1940, une République catalane fort progressiste et de fait, peu franquiste, qui résista tant et plus aux troupes du Caudillo. Ce sont des choses qui ne s’oublient pas et des souvenirs qui remontent dès que les événements s’y prêtent. Ce qui est le cas actuellement.

Oui mais, la chanson dans tout ça, demande en riant Lucien l’âne.

Elle raconte, Lucien l’âne mon ami, une histoire d’une ville ou d’un village tranquille et des scènes de la vie quotidienne heureuse et tranquille. Tout va bien jusqu’au moment où on installe une fabrique de domination à quelques encâblures de la cité. On ne peut plus transparent comme récit. Enfin, tu le liras.

J’y compte bien, réplique Lucien l’âne. Cependant, il nous faut reprendre notre tâche et tisser le linceul de ce vieux monde aux relents coloniaux, aux réflexes autoritaires, aux manières dictatoriales, brutal et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


Un fermier avait des laitues ;
Au marché, il les a vendues
Et est allé acheter du pain
Avec les sous qu’il avait en mains.
Le boulanger fatigué
De bosser tout le matin
S’en fut au café
Boire un verre de vin.
Avec les sous du boulanger
Le troquet s’en est venu ici
Chez le menuisier
Faire réparer son lit.
Chez ce peuple si tranquille
Travailler est naturel, tout va bien
Et tout est facile,
Tout le monde a ce qu’il a besoin.
Le jeune menuisier expédie
Le travail en un rien de temps
Et emmène au théâtre une fille
Qu’il connaît depuis longtemps .
L’actrice sort de scène,
Passe en vitesse au vestiaire
Et file chez l'apothicaire :
Elle a la migraine.

Le pharmacien en sandales
Va acheter des bottes
D’herbes médicinales
Au marchand de salades.

Mais on a construit une fabrique
En dehors de la ville, une sorte d’Escurial.
Elle ne produit pas la moindre brique,
Ni rien de bon pour la population locale.

Le juge y produit de la condamnation,
Le policier de la répression,
Le journaliste y produit des affabulations,
Le militaire y produit de la crainte,
Le banquier y produit des dettes,
L’évêque y produit de la soumission,
C’est la fabrique de la domination.