lundi 21 mars 2022

MAMAN ODESSA

 


MAMAN ODESSA


Version française – MAMAN ODESSA – Marco Valdo M.I. – 2022

d’après la Traduction italienne – Mamma Odessa Arsène Lupin Riccardo Venturi, 16-3-2022
d’une chanson yiddish – Adesa mameHerman Yablokof1930 ca.

Texte : Herman Yablokof

Musique : Zusman Segalovitch (זוסמאן סעגאלאוויטש – Зусман Сегалович – Zusman Segałowicz, 1884-1949)






TOITS D'ODESSA

Ossip Lubitch - ca.1930


Voici une chanson du même nom que d’autres « Mama Odessa, Adesa Mame ». Le texte original en yiddish est du même auteur que le célèbre Papirosn / פּאַפּיראָסן, Herman Yablokof, une figure marquante du théâtre yiddish du XXᵉ siècle, ainsi qu’un acteur, un chanteur et un poète. Le catalogue Freedman ne mentionne pas le compositeur, mais nous avons supposé que l’auteur est le seul interprète accrédité. Le même catalogue nous donne une indication du thème ou plutôt des thèmes de la chanson : l’alcool, la pauvreté, la Moldavanka, le quartier historique et marginalisé d’Odessa.


Quant à la langue, il doit s’agir d’une variante yiddish vraisemblablement imprégnée d’apports ukrainiens prépondérants ; en effet, les traducteurs automatiques abandonnent sans rendre un seul mot. Comme par hasard, ce site est tenu par un traducteur, le seul à avoir des rossignols spéciaux, capables de s’attaquer à ce coffre-fort hermétique, un certain Riccardo Venturi, à qui nous passons le relais.


[Riccardo Gullotta]



Riccardo Gullotta dit que je suis le seul à avoir un rossignol, mais cette fois, pour forcer ce coffre, plus qu’un rossignol, il fallait Arsène Lupin.


Bien qu’en matière d’habillement, je sois un parfait désastre (polaire du marché aux puces, chemise de bûcheron et veste graisseuse), pour une fois, j’ai volontiers endossé les vêtements élégants du Gentleman Cambrioleur ; mais même Arsène Lupin ne pouvait rien faire sans son fidèle Grognard. Dans ce cas-ci, le fidèle Grognard s’est avéré être Arye, qui a posté cette vidéo sur le Tube universel, contenant une mine d’informations : non seulement une iconographie précieuse, mais aussi le nom du compositeur (Zusman Segalovitch ; on l’appelait en effet “Süssman”, « homme doux », comme le Juif Süss dans le nauséeux film de propagande nazi), les données d’enregistrement (Melodie 1054 B 1947) et, surtout, les paroles de la chanson dans une forme translittérée un peu plus exacte que les autres disponibles sur le net, et contenant aussi le couplet en russe (également translittéré).

En somme, le fidèle Grognard/Arye ne s’est pas contenté de me fournir un simple rossignol : il m’a carrément donné les clés. En bon Arsène Lupin, je me suis occupé de peaufiner le travail, en écoutant plusieurs fois la chanson et en la transcrivant correctement (en rétablissant même le cyrillique du couplet russe). À partir de là, voler (= traduire) a été très facile.


Cette fois, cependant, le vol a eu lieu sans la complicité de YIVO -
Yidisher Visnshaftlekher Institut ; en yiddish : ייִדישער װיסנשאַפֿטלעכער אינסטיטוט, ou Institut scientifique juif. Autrement dit : le texte de la chanson est en yiddish de cette région qui, à l’intérieur de la subdivision dialectale compliquée que cette langue malheureuse avait en Europe de l’Est (il faut, bien sûr, parler au passé), appartenait – grosso modo – à ce territoire où presque tous les “u” se prononçaient “i”, et presque tous les “o” se prononçaient “u”. En restituant le texte en caractères hébraïques, je n’ai pas eu envie de normaliser cette fois-ci, et j’ai transcrit selon la prononciation. Il existe également d’autres particularités par rapport au yiddish standardisé, que j’ai respectées à la lettre (certaines d’entre elles se trouvent dans les notes).


Pour conclure, une petite spécification. Le texte de la chanson contient la quantité normale de mots hébreux, mais il n’y a pas de mots “ukrainiens”. Les emprunts au yiddish d’Odessa proviennent tous du russe, car à Odessa, je le répète au risque d’être politiquement incorrect, l’ukrainien n’a jamais été parlé, comme dans une grande partie du reste de l’Ukraine orientale. Ce n’est pas un hasard si, même dans cette chanson, l’auteur a inclus un couplet en bon russe ; et russes sont tous les emprunts dans le yiddish local. Odessa était et est toujours une ville russophone, point final. C’est un fait que des dizaines de langues différentes y ont été parlées, même l’italien, et de manière non négligeable. La moitié d’Odessa (y compris le célèbre escalier Potëmkin) a été construite par un architecte sarde d’Orosei, Francesco Carlo Boffo, qui est mort à Kherson (une ville d’importance tragique) en 1867, en se faisant appeler Franc Karlovič Boffo. On dit que, pendant une certaine période, les noms des rues d’Odessa étaient également affichés en italien.


Cela dit, voici la traduction. Et maintenant je vais enlever mes vêtements d’Arsène Lupin et mettre mon sweat à capuche noir. [RV]





Oh, comme tu étais quand il y avait de l’argent,

Alors, la vie était un doux sucre…

Oh, comme te voilà à présent qu’il n’y a plus d’argent,

La vie est devenue une merdre.


Il y avait tellement de frères odessins,

Oh, on mangeait et on buvait du vin,

Mais on ne se soûlait pas à rouler à terre,

Lors, la vie était un doux sucre.


"…
Aujourd’hui, bon frère, aujourd’hui, nous sommes des seigneurs… »


Les enfants
aux chaussures trouées allaient pieds nus,

La Moldavanka n’est plus ce qu’elle était…

Oh, le Valkele est sec, comme lui il n’y en a plus,

De Bessarabi, il ne se verra plus jamais.


Tout est fermé dans la rue Deribasovskaya,

Elle n’a plus d’âme, ni de cette splendeur,

Et j’ai des aigreurs

Chaque fois que je vois Odessa.


Chère Odessa, ma mère, qu’en est-il devenu de toi ?

Mon petit-frère adoré, dis-le-moi.

Dans les boutiques, on ne boit plus le thé, ni le kvas avec un beignet,

On ne comprend pas où tout a disparu, où tout disparaît ?


Tout est fermé dans la rue Deribasovskaya,

Elle n’a plus d’âme, ni de cette splendeur,

Et j’ai des aigreurs

Chaque fois que je vois Odessa.