GAGIÒ ROMANÒ
Version française – GAGIÒ ROMANÒ – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson
italienne – Gagiò
romanò – Alessandro
Sipolo – 2015
C’est
l’histoire d’un insoumis de Brescia, qui, dans les années 1970,
se joint à un groupe de forains roms pour échapper au service
militaire. Après la fuite, la contumace, la prison, les
interpellations parlementaires à son propos, les tragédies
personnelles, il revient à son existence de banlieue en refusant,
avec sa cohérence habituelle, toute représentation « héroïque »
de ses choix.
Dialogue
maïeutique
Quand
même, dit Marco Valdo M.I., on ne pouvait pas laisser cette canzone
sans quelques mots d’explication. Pour mille raisons et la première
étant que le personnage dont parle cette chanson, dont le narrateur
raconte l’histoire, est d’abord et surtout, un insoumis.
C’est
en effet un homme de raison. Un insoumis est un personnage que l’on
se doit de saluer, dit Lucien l’âne, grattant le sol de son
petit sabot noir pour renforcer sa conviction.
Certes,
Lucien l’âne mon ami, le fait de refuser de faire un service
militaire, avec tout ce que cette attitude comporte d’ennuis
immédiats et ultérieurs, est en soi une preuve de volonté et de
courage. Mais l’insoumission ne s’arrête pas là. C’est
logique, si l’on veut bien considérer qu’un homme est un tout ;
qu’il a – quand il a du caractère et une cohérence avec
lui-même – la force d’être soi et d’affronter le monde. En
lui résonne la voix de la liberté.
Son
insoumission le pousse inéluctablement à la fuite et à une sorte
de clandestinité. Comme le résistant, comme le partisan, comme le
rebelle, il doit en quelque sorte disparaître, se fondre dans le
paysage ou se glisser dans l’anonymat et il le fait en prenant la
route avec un groupe de forains roms. C’est ce passage parmi les
Roms qui lui vaut le nom de gagiò romanò, ce qui peut se traduire
par « le Romain ». C’est comme dans nos régions où
dans les quartiers, les usines, les groupes, que sais-je, on appelle
celui-ci « l’Italien » ; l’autre,
« l’Espagnol », « le Portugais », « le
Grec », « le Suisse », « le Roumain »,
« l’ Allemand », « le Polonais », etc.
Dans certains quartiers, il y a plusieurs dizaines de nationalités…
Alors, la liste des surnoms est assez longue. Ou alors, du nom de sa
région d’origine : « l’Ardennais », « le
Flamand », le « Sicilien », « le
Breton »… ou de sa ville : « le Liégeois »,
« le bruxellois », « le Parisien »,
« le Napolitain » et ici, « le Romain ».
Quant
à l’expression complète « gagiò romanò », il
faudrait dire à peu près : le « gars de Rome »,
mais en faisant entendre qu’il ne fait pas partie du groupe ou de
la famille des Roms.
Oh,
dit Lucien l’âne, c’est comme ça dans bien des endroits où je
suis passé. C’est assez pratique ; tout le monde comprend de
qui il s’agit.
C’est
pratique, en effet, mais seulement s’il n’y en a qu’un.
Au-delà, il faut utiliser un nom plus spécifique. Remarque
cependant que c’est la même chose avec les noms et les prénoms et
d’autre part, plus le groupe grandit, plus la complexité du
problème augmente. Enfin, tu vois ce que je veux dire.
Bien
sûr. Mais laissons ça et reprenons notre tâche et tissons le
linceul de ce vieux monde pétri de componction, assoiffé de
respectabilité, conformiste, sérieux et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Je me souviens bien de son visage qui connut la prison
Ses cheveux noirs et rustiques, son nom et même son prénom
Et je me rappelle de cette faim qui le cueillit dans la rue
Au beau milieu de ses vingt ans : pain, amour. Et utopie.
Et je me souviens de ses mots distillés, rares et fiers
Sur la table d’un bar suspendu au milieu des tourbières
Avec cette timidité trouble qu’ont les loups,
Sa spontanéité rebelle, forte comme le chiendent
Et ses souvenirs tournaient comme les pales au vent
Comme virevoltent les rêves de celui qui ne peut pas vivre à genoux
Et
quand l’armée l’appela pour le vouer à la violence
Une main rom l’emporte, le courage n’est pas obéissance !
Une main rom l’emporte, le courage n’est pas obéissance !
Cherche-moi
Sur la route qui rutile
Bien loin de là
Des traces à faire perdre
Et la bouche qui remâche
La beauté d’un « non »…
Tourne tourne le manège avec les gamins bien droits
Si on les regarde bien en face, dans leurs yeux, on peut lire
Tourne tourne la fortune
Qui caresse tes envies
Celle qui refuse, celle qui s’offre
Celle qui donne, celle qui enlève.
Gaeta est un étrange songe pour qui parle de droits
C’est une cage au visage fermé, c’est une porte de bois,
C’est une course où on résiste parmi les gifles de la douleur
C’est un dos toujours droit, sans gloire, sans honneur.
Cherche-moi
Sur la route qui rutile
Bien loin de là
Des traces à faire perdre
Et la bouche qui remâche
La beauté d’un « non »…