L’ARGENT
Chanson anglaise – The Money Song – Monty Python (Eric Idle) – 1969
Paroliers : Terry Jones / John Gould / Michael Edward Palin
Dialogue
Maïeutique
On
se souviendra évidemment, Lucien l’âne mon ami, que Le
Veau d’Or est toujours debout , air
fantasmatique d’un opéra français du dix-neuvième
siècle, avait déjà fait cette apologie par la voix d’un
infantile Méphistophélès.
Oh
oui, répond Lucien l’âne, je me souviens très bien de ce morceau
de bravoure de Charles Gounod.
C’est
fort bien, dit Marco Valdo, car il est toujours d’actualité.
Aujourd’hui encore,
« Le
Veau d’Or est
toujours debout !
On encense
Sa puissance,
D’un bout du monde à l’autre bout ! »
On encense
Sa puissance,
D’un bout du monde à l’autre bout ! »
autant
ou même plus encore, si la chose est possible, qu’à l’époque.
Il n’est que de voir la ronde des riches et des puissants se
contorsionnant et se glorifiant
à qui mieux mieux de leurs richesses sans jamais se soucier un
instant des immenses misères qui les
composent ; en fait, ils ne songent
qu’à les faire accroître : leurs
richesses et les misères qui en sont le soubassement.
C’est un ensemble autarcique.
Oh
oui, dit Lucien l’âne, j’ai toujours connu ce monde ainsi,
s’intoxiquant, atteint de cette maladie dégénérative. Plus il
s’enrichit, plus s’appauvrit, plus il s’enfonce dans sa misère.
C’est un des effets et des moteurs de la Guerre
de Cent Mille Ans que les riches et les puissants font aux
pauvres afin d’assurer leur domination, d’étendre leur pouvoir,
de renforcer leurs privilèges,
de nourrir leur ambition, de gonfler leur orgueil et de multiplier
leurs richesses. Mais au fait, dis-moi, quelle est donc la chanson
que tu nous proposes ?
Eh
bien, Lucien l’âne mon ami, d’abord, je précise que je propose
à la fois une chanson anglaise et en même temps, sa version
française, que
je viens d’établir. Alors,en anglais, elle s’intitule « The
Money Song », littéralement « La chanson de l’Argent »,
mais j’ai intitulé la version française tout simplement :
« L’ARGENT ». J’ai préféré cette manière un peu
policée et conforme à une façon plus grossière qui eût été :
« Le Pognon », même si dans la tête de ces gens-là,
c’est cette dernière
expression qui surnage. Cette chanson n’est pas née de la dernière
pluie ; plutôt de l’avant-dernière, car elle a déjà une
cinquantaine
d’années ; un demi-siècle, en
quelque sorte et quand je t’aurai dit
qu’elle est l’œuvre des Monty Python, tu comprendras qu’elle
doit être assez corrosive et elle l’est. Avant d’en finir, je
préfère souligner que la version française, tout en étant assez
fidèle à l’originale, ne suit aps exactement le même ordre dans
ses vers. Tout y est, mais dans le
désordre. Cela dit, sur le fond de l’affaire, le jeune financier
ou cadre, ingénieur ou consultant en proie au délire monomaniaque
de l’argent court toujours les rues, les salons, les entreprises,
les sociétés, les drinks, les lunches, les barbecues et las mais
pas lisse, les terrains de golf. On le croise partout – souvent en
compagnie de ses ancêtres bedonnants et ventrus – à la seule
condition d’être soi-même plongé – bon gré, mal gré, contre
son gré – un tant soit peu dans la mêlée.
Ah
oui, dit Lucien l’âne, je vois de quoi et de qui il s’agit. Je
les rencontre tous les jours sur les
chemins, sur les trottoirs, dans les couloirs, un peu partout,
affairés, bien serrés dans leur costume, plastronnant au volant de
leur auto. Ce sont des gens peu fréquentables. Comme tu le dis, ils
ne pensent, ils ne parlent, ils ne vivent que par et pour l’argent.
Sans jamais s’apercevoir que l’argent est strictement sans
intérêt et surtout, stérilise toute forme de vie. Finalement,
on ne peut pas grand-chose pour ces surhommes, pour ces malheureux.
En fait, personne – excepté eux-mêmes – ne peut leur ouvrir
l’esprit et leur donner la force d’échapper à cette idiote
addiction. Pour autant, tissons, pour notre bonheur, l linceul de ce
vieux monde triste, veule, imbu, crétin, pathétique et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
J’ai
un tas d’aimables lires.
J’ai
40 000 francs français dans mon secrétaire.
J’ai
90 000 livres dans ma cuisine.
Maintenant,
le deutschemark est plus cher.
Et
mes dollars pourraient acheter le pont de Brooklyn
Il
n’y a… rien d’aussi merveilleux que l’argent !
Certains
disent que c’est folie, mais je préfère le comptant.
Avec
de l’argent, vous pouvez vous développer !
Il
n’y a rien de plus merveilleux que l’argent !
Il
n’y a rien de mieux qu’une livre qu’on peut palper !
Il
n’y a rien de plus beau que l’argent liquide !
Tout
le monde doit rêver à la puissance d’un banquier.
C’est
la comptabilité qui fait tourner le monde !
Vous
pouvez garder vos manières marxistes, car ce n’est qu’une
ronde :
L’argent,
l’argent, l’argent fait tourner le monde !
L’argent !
L’argent ! L’argent ! L’argent ! L’argent !
L’argent ! L’argent ! L’argent ! L’argent !