SILENCE.
Chanson
italienne – Ora
che s'è fatto silenzio –
Vasco Pratolini – 1985
Voici,
Lucien l'âne mon ami, une chanson écrite (en fait, je rappelle pour
qui voudrait ergoter que Pétrarque avait écrit tout un
« canzoniere », que la Chanson de Roland ou celle des
Fileuses étaient des chansons au sens premier, que Rimbaud,
Baudelaire, Verlaine et tant d'autres ont écrit des chansons qui
attendirent parfois presqu'un siècle avant d'être mises en musique
et chantées) par un grand écrivain italien du siècle dernier, un
écrivain dont les chroniques racontaient l'histoire des petites
gens, une histoire de résistance, d'une résistance toute baignée
de vie quotidienne. Enfin, si tu ne l'as pas déjà fait, je te
suggère de lire ce Vasco Pratolini. Comme on dit chez nous, des
comme ça, on n'en fait plus. Un homme plein de cœur et d'humanité.
Son texte aussi, tout son livre, a subi le sort de ceux – femmes,
hommes, livres – qu'on ne veut pas voir, qu'on ne veut pas
entendre, qu'on veut vouer au silence éternel. Raison pour laquelle
je me suis empressé d'en donner une version française, petite
contribution à la culture comme rempart à l'oubli.
Moi,
je me souviens de Sappho qui chantait ses chansons, ce qui inspira
les très jolies
chansons de Bilitis ,
écrites deux millénaires plus tard, par le Gantois Pierre Louys,
qui elles ne durent pas attendre tant pour être chantées sur une
musique de Claude Debussy. Je
vois très bien de qui tu parles, Marco Valdo M.I. mon ami. Et je me
souviens de ces temps de résistance dans la région de Florence, où
je véhiculais hommes et armes dans d'étranges balades nocturnes par
les vallons, les collines et jusque dans les rues où l'on arrivait
juste à la levée du couvre-feu, comme
arrivent les paysans au marché.
Ainsi, Pratolini, je
l'ai croisé plusieurs fois en ces temps-là. Cependant, parle-moi un
peu de la chanson.
C'est
une histoire tragique, celle d'une jeune fille, d'une jeune femme
assassinée par un policier d'une balle en plein visage au moment où
elle rentrait chez elle. En somme, pour résumer la chose, cette
jeune femme est une victime d'une
de ces multiples « bavures » policières que l'on
rencontre souvent
dans cette Guerre
de Cent Mille Ans que les riches et leurs serviteurs font aux pauvres afin de maintenir
leur domination, d'assurer leur puissance, de défendre leurs
privilèges, d'étendre leurs richesses, d’accroître leurs profits
et d'empêcher toute révolte contre les iniquités et l'injustice
fondamentale de
l'exploitation.
Annamaria
Mantini ("Luisa") était une militante des Nuclei
Armati Proletari (Noyaux armés prolétariens), abattue à Rome
à l'âge de 22 ans, le
8 juillet 1975, il y a exactement 40 ans.
Anna Maria avait l'âge de l'amour et
des espoirs de vie meilleure et face à la répression qui frappait
sans relâche ceux qui voulaient changer le monde, elle était
elle-aussi entrée en résistance et en clandestinité. Ils avaient
déjà tué son frère… Un jour qu'elle rentrait chez elle, elle
tomba dans un guet-apens tendu par cinq policiers. Ils ne lui
laissèrent même pas la possibilité d'un procès… Qu'aurait-elle
dit ? Il est des vérités qu'il vaut mieux étouffer dans
l’œuf. Donc, ils l'abattirent. Le coup est parti tout seul…
Telle fut l'explication et l'épitaphe des tueurs.
Moi,
je l'ai toujours dit, il ne faut pas laisser certains jouer avec des
armes à feu… C'est dangereux.
D'ailleurs,
reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde
accroché à ses oripeaux, intolérant, expéditif et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Maintenant
qu'on a fait silence,
Dents serrées salut - mais salut où
sinon sur cette planète que belle
Tu embellissais ? Lumière suc exhalés comme
Éclate au soleil trop chaud la grenade
Toi clandestine.
Dents serrées salut - mais salut où
sinon sur cette planète que belle
Tu embellissais ? Lumière suc exhalés comme
Éclate au soleil trop chaud la grenade
Toi clandestine.
Et comme un temps il y eut jeunesse amour
dans chacune de tes paroles chaque censure,
Sur le pas d'Arno qui connaît ton beau visage,
Natascia et Buonaluna se sont rerencontrées.
De toi parlant tranquilles de ta courte vie.
La fusillade.
Nous de notre créature ne pouvons qu'en regoûter la mémoire.
Elle est miel et fiel.
Appelons-la dorénavant avec son nom de guerre : Viola.
Une personne que nous n'avons pas connue
Et qui nous demande seulement pitié. Pitié et amour.
Elle, assassinée, que le monde voudrait assassine.
Ne me fais pas craindre que toi aussi tu le crois.