lundi 8 janvier 2018

C’EST TA FAUTE

C’EST TA FAUTE

Version française – C’EST TA FAUTE – Marco Valdo M.I. – 2018
Chanson italienne – È stata tua la colpaEdoardo Bennato – 1977
Texte et musique : Edoardo Bennato




« Cette chanson ouvrait l’album « Marionnette sans fil » de 1977 ; c’est une relecture de l’histoire de Pinocchio. La guerre a toujours été une des cibles préférées de l’ironie de Bennato, précédée probablement seulement par l’école (on en vient à se demander quelle expérience scolaire terrible doit avoir connue le pauvre Edoardo…) » [Lorenzo Masetti, 24 janvier 2005]


Dialogue maïeutique


Marco Valdo M.I. mon ami, qu’as-tu encore été trouver là comme chanson ? J’espère qu’elle ne m’est pas destinée.

J’ai l’impression, Lucien l’âne mon ami, que tu te sens visé. Ferais-tu, comme les grands du monde, une crise de paranoïa ? Je t’assure qu’il n’en est rien. D’abord, c’est la version française d’une chanson italienne d’il y a quarante ans, où il n’est nullement question d’un âne. Ensuite, comme tu pourras le voir de tes yeux noirs qui brillent ou l’entendre de tes oreilles noires qui se dressent, elle ne pourrait en aucune manière te concerner ne fut-ce que parce qu’elle dit d’entrée de jeu :

« C’est ta faute ; alors, que veux-tu ?
Tu voulais devenir un de nous »

Dans ton cas, je te le rappelle, c’est exactement l’inverse qui s’est produit, si j’ai bien compris ce que tu m’as dit encore récemment, contrairement à la légende colportée par Apulée, tu ne souhaites pas redevenir un homme.

En effet, Marco Valdo M.I. mon ami, tu as parfaitement saisi mon sentiment. Après tout ce que j’ai vu et connu depuis des siècles que je parcours le monde, je n’ai aucune envie de rentrer dans la peau d’un humain. Âne je suis, âne je reste.

Cela établi, reprend Marco Valdo, c’est la première canzone du cycle de la « Marionnette sans fil » et la dernière à être nantie d’une version française. Elle raconte l’histoire de cette Marionnette, petit être de bois qui a voulu devenir un être humain – un être de chair et qui a réussi dans sa mutation. Mais, dit en substance la chanson de Bennato, il n’a pas gagné au change. De personnage insignifiant aux yeux des hommes, il est devenu un des leurs et en le devenant, il a hérité de tous les inconvénients de la situation : il est entré dans le monde. On croirait entendre Paul Nizan qui disait : « Tout menace de ruine un jeune homme : l’amour, les idées, la perte de sa famille, l’entrée parmi les grandes personnes. Il est dur d’apprendre sa partie dans le monde. À quoi ressemblait notre monde ? Il avait l’air du chaos ». Ainsi commençait le voyage vers Aden Arabie, parabole de la vie. Ainsi, la canzone est une parabole de la vie des humains qui d’enfants libres et impertinents, puis d’adolescents libres et rebelles, finissent – pour la plupart – dans les liens de la vie en société auxquels ils se soumettent par complaisance et par obéissance aux règles édictées par un mystérieux pouvoir. C’est le même parcours qu’on trouve décrit ironiquement dans la chanson de Brel qui raconte l’entrée en bourgeoisie [[38553]].

Oh, dit Lucien l’âne, il y aurait sans doute encore beaucoup de choses à en dire qu’il faudra renvoyer à plus tard ou ailleurs, à d’autres dialogues, mais je retiendrai qu’il nous faut spécialement ici rappeler notre maxime essentielle, celle qui fait que je reste un âne et qui dit : « Ne jamais se soumettre ! » ; je la conseille comme viatique ultime à tous ceux qui viendront. À tous présents et à venir, en quelque sorte.
Pour le reste, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde cadenassé, organisé, ordonné, orthodoxe et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



C’est ta faute ; alors, que veux-tu ?
Tu voulais devenir un de nous,
Et maintenant, tu regrettes ces jours où
Tu étais une marionnette mais sans fil
Car maintenant tu les as, les fils ! …

À présent, tu ne fais plus un pas,
Si en haut, il n’y a pas
Quelqu’un qui commande et tire les fils pour toi.
À présent, les gens ne rient plus de toi,
Tu n’es plus un saltimbanque, mais vois
Tous les fils que tu as ! …

C’est ton choix, alors maintenant que veux-tu ?
Un de nous, voilà ce que tu es devenu.
À tous les pièges du chat et du renard, toi
Tu avais pu réchapper chaque fois.
Maintenant, tu risques beaucoup plus !

À présent, tu ne fais plus un pas,
Si en haut, il n’y a pas
Quelqu’un qui commande et tire les fils pour toi.
À présent, les gens ne rient plus de toi,
Tu n’es plus un saltimbanque, mais vois
Tous les fils que tu as ! …
Et maintenant que tu raisonnes comme nous,
Tes livres d’école, tu ne te les vendras pas
Comme tu le fis un jour
Pour acheter un ticket et entrer
Dans le théâtre de Mangiafuoco.
Ces livres maintenant, tu les liras !

Va, va, et lis-les tous
Et apprend ces livres de mémoire
Où il est écrit que les sages et les honnêtes
Sont ceux qui font l’histoire ;
Ils font la guerre, car la guerre est chose sérieuse.
Jamais ne la feront bouffons et marionnettes !

C’est ton choix, alors maintenant que veux-tu ?
Un de nous, voilà ce que tu es devenu.
Tu étais un bouffon, une marionnette de bois
Maintenant que tu es normal et tu vois
Combien est absurde le jeu que tu joues là !