mardi 2 février 2016

AU LAC, UN OISEAU CHANTE

AU LAC, UN OISEAU CHANTE

Version française – AU LAC, UN OISEAU CHANTE – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson allemande – Singt ein Vogel am See – Eva Lippoldentre 1933-1945

Paroles et musique d’Eva Rutkowski Lippold (1909-1994), poétesse et écrivaine, militante communiste, activiste du Secours Rouge allemand et de la résistance antinazie à Berlin. 
Chanson écrite par Eva Lippold pendant ses longues années de détention dans les prisons nazies de Jauer (Jawor, en Pologne) et Waldheim (Saxe).





Au lac, un oiseau chante
Plein de joie et de douleur








Eva Rutkowski Lippold (1909-1994) avait des origines prolétariennes : 12 frères, une mère blanchisseuse, un père méconnu. Elle exerça la profession de sténographe et dactylographe. Son mari, Rudolf Lippold, l’abandonna vite après l’avoir épousée et elle se lia à Hermann Danz, un militant actif du Secours Rouge du Parti. L’organisation fut démantelée par les nazis en 1934 ; son chef, Rudolf Claus, il fut exécuté l’année suivante dans la prison berlinois de Plötzensee ; Hermann Danz et Eva Lippold furent condamnés à des années de prison. Eva Lippold sortit de prison en 1943 pour être arrêtée à nouveau en 1944… De fait, elle passa tout le nazisme et la guerre enfermée dans une cellule, où il écrivit beaucoup de poésies et de chansons…
 
Petite note adjacente

J’avais déjà terminé la version française quand j’ai découvert la ote du traducteur italien. J’ai lu avec le plus grand intérêt cette note de Riccardo Venturi et sans aucun doute, elle doit être exacte dans cette idée que l’inversion introduit comme une supposition dans les propos de la belle ou du beau, selon les cas. Cependant, la version française que je propose ne va pas dans ce sens, car à la vérité, rasoir d’Ockham, il n’y pas besoin de cette supposition pour donner sa dimension amoureuse à cette chanson. L’essentiel en l’affaire, c’est le cœur.

Marco Valdo M.I.


Au lac, un oiseau chante
Plein de joie et de douleur
Tirili, tirili, je n’ai qu’un cœur,
Tirili, tirili, je n’ai qu’un cœur.

Il chante le laid, le beau,
Au milieu de la verdure.
Tirili, tirili, je te le donne,
Tirili, tirili, je te le donne.

Il chante à l’hiver dans la neige
Au printemps, dans la lumière.
Tirili, tirili, ne le brise pas,
Tirili, tirili, ne le brise pas.



Au bord du canal

Au bord du canal


Chanson française – Au bord du canal – Marco Valdo M.I. – 2016

Ulenspiegel le Gueux – 25

Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – I, LXXXIV)

Cette numérotation particulière : (Ulenspiegel – I, I), signifie très exactement ceci :
Ulenspiegel : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs, dans le texte de l’édition de 1867.
Le premier chiffre romain correspond au numéro du Livre – le roman comporte 5 livres et le deuxième chiffre romain renvoie au chapitre d’où a été tirée la chanson. Ainsi, on peut – si le cœur vous en dit – retrouver le texte originel et plein de détails qui ne figurent pas ici.


Till repousse l’ombre d’un geste banal
Et pensif, s’en repart au long du canal.



Nous voici, Lucien l’âne mon ami, à la vingt et cinquième canzone de l’histoire de Till le Gueux. Les vingt-quatre premières étaient, je te le rappelle :

01 Katheline la bonne sorcière  (Ulenspiegel – I, I)
02 Till et Philippe (Ulenspiegel – (Ulenspiegel – I, V)
03. La Guenon Hérétique (Ulenspiegel – I, XXII)
04. Gand, la Dame (Ulenspiegel – I, XXVIII)
05. Coupez les pieds ! (Ulenspiegel – I, XXX)
06. Exil de Till (Ulenspiegel – I, XXXII)
07. En ce temps-là, Till (Ulenspiegel – I, XXXIV)
08. Katheline suppliciée (Ulenspiegel – I, XXXVIII)
09. Till, le roi Philippe et l’âne (Ulenspiegel – I, XXXIX)
10. La Cigogne et la Prostituée (Ulenspiegel – I, LI)
13. Indulgence (Ulenspiegel – I, LIV)
14. Jef, l’âne du diable  (Ulenspiegel – I, LVII)
15. Vois-tu jusque Bruxelles ? (Ulenspiegel – I, LVIII)
16. Lamentation de Nelle, la mule et la résurrection (Ulenspiegel – I, LXVIII)
17. Hérétique le Bonhomme (Ulenspiegel – I, LXIX)
18. Procès et condamnation (Ulenspiegel – I, LXIX)
19. La Mort de Claes, le charbonnier (Ulenspiegel – I, LXXIV)
20. Le Talisman rouge et noir (Ulenspiegel – I, LXXV)
21. La Vente à l’encan (Ulenspiegel – I, LXXVI)
22. Telle est la Question  (Ulenspiegel – I, LXXVIII)
23. Charles et Claes (Ulenspiegel – I, LXXIX)
24. Trois cents ans de torture (Ulenspiegel – I, LXXIX)

Et l’aventure de Till le Gueux continue ; cette fois au bord du canal…

Oh ! Un canal !, dit Lucien l’âne tout rêveur. Selon les jours et les heures, et le temps qu’il fait, un canal change de figure et de nature. Par beau temps, il peut être cette eau apaisante et calme, si on la compare au torrent de montagne.Il peut être ce miroir où l’on s’abîme. Il peut être ce promenoir à bateaux, ce plongeoir à cormorans, ce reposoir à hérons, ce dortoir à canards. Brel disait beaucoup de belles choses à propos de ces rivières endormies dans son Plat Pays :

« Avec un ciel si bas qu’un canal s’est perdu
Avec un ciel si bas qu’il fait l’humilité
Avec un ciel si gris qu’un canal s’est pendu
Avec un ciel si gris qu’il faut lui pardonner
Avec le vent du nord qui vient s’écarteler
Avec le vent du nord écoutez-le craquer
Le plat pays qui est le mien ».

Eh bien, évidemment ! Mais qui a dit que Brel n’écrivait pas mieux, n’était pas mille fois plus poétique et meilleur chansonnier que nous. Et alors, est-ce que ça nous empêcherait de compter cette mirifique chanson de paix, qui raconte la plaine là-bas au loin au bas de chez nous, parmi les chansons contre la guerre ? Bien au contraire !


Curieuse chanson, «  Avec de l’Italie qui descendrait l’Escaut », cette chanson parle du petit rieu, de la petite rivière, du ruisseau, ruisselet ruisselant, le ru qui passe en bas de chez nous, le ry où tu baignes tes sabots noirs comme les pierres du terril, est déjà l’Escaut, est une de ses sources qui sont nombreuses, même si on l’appelle d’un autre nom et finalement, peu importe lequel et l’Italie d’ici est celle de ces exilés qui ont perdu le Sud. Il y a autour de nous d’étranges villes où l’on croise un étrange italien, une langue mâtinée qui métisse notre parler à force de s’intégrer.


Et demain, en viendront d’autres, ainsi va le vent qui porte les nuages et les oiseaux. Mais, dis-moi, Marco Valdo M.I. mon ami, à part cette apologie du canal, que raconte cette chanson ?


Elle raconte le vol du « trésor » de Josse, qui fit déjà deux morts et qui achève Soetkin, la mère de Till. Le passé est passé. Till se retrouve seul , avec Nelle, face au destin, ce perpétuel inconnu, et en devoir de vengeance, en devoir de justice. Et dans cette chanson aussi, une page se tourne lorsqu’il croise le poissonnier au bord du canal.

Chanson manquante pour chanson manquante, dit Lucien l’âne en baissant l’oreille gauche, il faudrait penser à Monsieur mon Passé, cette chanson de Léo Ferré qui fait ses comptes avec le passé.


Sans doute. Un dernier mot pourtant. Pour une fois, je vais attirer l’attention sur un quatrain, car outre ce qu’il raconte de la mise à l’écart du poissonnier, il rend un hommage amusé à un petit poème de Charles Cros, qui dans cet « Hareng saur », tiré de son coffret de santal, disait :
« Il était un grand mur blanc – nu, nu, nu,
Contre le mur une échelle – haute, haute, haute,
Et, par terre, un hareng saur – sec, sec, sec... »
Voyons voir ça et puis, reprenons notre tâche sans jamais nous décourager et tissons le linceul de ce vieux monde mal, mal, mal, sec, sec, sec, banal, banal, banal et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Un noir démon avait suborné Katheline
Pour s’emparer du trésor
Il avait appris ainsi de façon clandestine
Où gisaient les carolus d’or.

Au matin, une hirondelle jette un cri.
Ruinée, Soetkin s’en est allée de la nuit.
On la met en terre au champ des pauvres.
Contre le cœur, battent les cendres.

Rêveur, dolent, maussade, fâché,
Jour et nuit, Till erre désespéré,
Toujours répondant : battent les cendres .
Et Nelle pleurait de l’entendre.

Le poissonnier veule, veule, veule,
Vit de hareng sec, sec, sec ;
Les gens le huent seul, seul, seul ;
Les enfants le fuient bec, bec, bec.

Il se rend aux trois cabarets.
Au premier, les buveurs sortent,
Au deuxième, la patronne s’emporte,
Au troisième, le patron ferme le loquet.

Au bord du canal, loin du village,
Il est un bouge sans étage.
On y sert tout le monde ;
Tous, jusques aux plus immondes.

Contre le cœur, murmurent les cendres.
Justice, justice, il faut rendre.
Au bord du canal, marche le meurtrier.
Till arrête le poissonnier.

Ah, je suis vieux, je suis faible.
Pardon ! Pardon ! Je m’en vais boire.
En ville, on ne veut plus me voir.
Je paierai, je rendrai les meubles.

Le fils ne veut rien entendre
Sur son cœur battent les cendres.
Justice, justice sans plus attendre.
Chez les poissons, il lui faut descendre.

À genoux, laid, tremblant et lâche,
Le poissonnier supplie et pleure.
Till repousse l’ombre d’un geste banal
Et pensif, s’en repart au long du canal.