dimanche 15 juillet 2018

Une Soirée à Anvers


Une Soirée à Anvers


Chanson française – Une Soirée à Anvers – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
68
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
III, XXVIII)



Dialogue Maïeutique

Depuis le temps que nous avons commencé, Lucien l’âne mon ami, toi et moi, à nous préoccuper de réécrire entièrement la Légende d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak – j’abrège, tout le monde qui s’y intéresse a pu se faire à l’idée qu’il s’agit d’un tout, que cette longue pérégrination contient en toutes ses parties sa propre histoire.

En somme, dit Lucien l’âne, tout est dans tout et on ne saurait scinder ou extraire une partie sans en même temps et nécessairement garder à l’esprit les multiples références à l’ensemble. Ce serait une ablation, une lobotomisation, et ce serait grand dommage.

C’est ainsi, Lucien l’âne mon ami, que l’on peut et que l’on doit considérer qu’il s’agit d’une seule chanson en plusieurs centaines de petits quatrains. Pour mieux me faire comprendre, je vais prendre comme exemple, comme image, le tableau d’un peintre. Tu sais, un de ces tableaux foisonnants de Bosch, de Rembrandt ou encore, d’Ensor – pour rester dans l’univers pictural des Pays. Pour le peintre qui fait le tableau, tous les soi-disants détails sont essentiels, sans ces détails l’ensemble n’existerait pas. La moindre goutte de peinture sur la toile est constitutive du tableau. Mais au fait, Lucien l’âne mon ami, pourquoi dis-tu toujours « En somme » ?

En somme ?, dit Lucien l’âne, je dis toujours « en somme », car je suis un âne, un somaro, c’est-à-dire une « bête d’en somme », Ah ! Ah !. En somme, c’est constitutif de mon personnage ; c’est une peu comme une signature. Mais que cela ne t’empêche pas de le dire, en somme.

Dès lors, pour en revenir à la chanson « Une soirée à Anvers », dit Marco Valdo M.I., la chose se complique encore du fait que c’est la première partie d’une « chanson double » ; l’autre partie sera sans doute intitulée « Fin de soirée à Anvers » ou autrement, je ne sais pas encore. Mais assurément, c’est l’idée.

Tout ça est fort bien, dit Lucien l’âne, mais tu ne m’as toujours pas dit ce que raconte cette chanson-ci. Je te prie instamment de ne plus tergiverser et d’aller droit au fait. On n’est quand même pas des Jésuites pour qui, dit-on, la ligne droite est une abomination.

Eh bien, Lucien l’âne mon ami, il n’était pas besoin d’user d’un ton si comminatoire, ni de monter sur tes grands chevaux, je m’en vais te dire tout à l’instant : la chanson « Une Soirée à Anvers » raconte l’arrivée de Till et de Lamme en cette ville et le début de la première soirée qu’ils y passent.

En somme, dit Lucien l’âne, pour conclure, c’est une étape du pèlerinage de Till et Lamme, une halte dans leurs quêtes respectives : l’un court après la liberté, l’autre après sa femme. Quant à nous, reprenons notre tâche et tissons e linceul de ce vieux monde autosatisfait, bedonnant et ronflant sa gloire et cacochyme.


Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Longtemps, Till et Lamme marchent -
Ils marchent des jours et des jours.
Un soir, après maints tours et détours,
Dans la ville d’Anvers, ils entrent.

Anvers, une grande cité où le monde entier
Entasse ses richesses :
Or, argent, épices en caisses ;
Draps, velours, tissus brodés ;

Les richesses de la terre et de l’humaine besogne,
Vins du Rhin et vins de Moselle,
Vins de Liège, de Namur, vins de Sambre et de Meuse,
Vins de Champagne, vins de Bourgogne.

Au soleil, à la pluie, au vent, à la froidure,
Moi Till, je cherche les Sept et la ceinture.
Toi Lamme, tu cherches ta femme.
Allons donc les chercher chez ces dames.

« D’abord, dit Lamme, j’ai faim. »
« Alors, dit Till, mangeons les choezels au madère,
Et par-dessus, buvons force bières,
Puis, reprenons notre chemin.

En certain quartier aux rouges fanaux,
Vêtues de brocards et de soie,
Offrant aux hommes le plus désirable et le plus beau,
Se tiennent les plus belles filles-folles qui soient.

« Regarde cette maison de bois,
Ces rideaux jaunes et sa lanterne rouge.
C’est un couvent de nonnains du diable, ma foi
Et l’abbesse est baesine en ce bouge.

C’est une maîtresse-femme qui mène
Au nom de Belzébuth sur la voie du péché
Quinze belles amoureuses amènes.
Me laisseras-tu seul face à ces beautés ? »

Filles-folles n’aiment qu’elles et l’argent,
Filles-folles rêvent d’être adorées
Filles-folles tiennent le monde pensant
Attaché au bout de leur ceinture dorée.

Ce sont ruineries que filles-folles
Pour ceux qu’elles affolent.
De leurs carolus, elles les dépouillent,
Ainsi s’engraissent-elles ces fripouilles.