Une Soirée à Anvers
Chanson
française – Une
Soirée
à Anvers
–
Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 68
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, XXVIII)
Ulenspiegel le Gueux – 68
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, XXVIII)
Dialogue
Maïeutique
Depuis
le temps que nous avons commencé,
Lucien
l’âne mon ami, toi
et moi, à nous préoccuper de réécrire entièrement la Légende
d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak – j’abrège, tout le monde
qui s’y intéresse a pu se faire à l’idée qu’il s’agit d’un
tout, que cette longue pérégrination contient en toutes ses parties
sa propre histoire.
En
somme, dit Lucien
l’âne, tout est dans tout et on ne saurait scinder ou extraire une
partie sans en même temps et nécessairement garder à l’esprit
les multiples références à l’ensemble. Ce serait une ablation,
une lobotomisation, et ce serait grand dommage.
C’est
ainsi, Lucien l’âne mon ami, que l’on peut et que l’on doit
considérer qu’il s’agit d’une seule chanson en plusieurs
centaines de petits quatrains. Pour mieux me faire comprendre, je
vais prendre comme exemple, comme image, le tableau d’un peintre.
Tu sais, un de ces tableaux foisonnants de Bosch, de Rembrandt ou
encore, d’Ensor – pour rester dans l’univers pictural des Pays.
Pour le peintre qui fait le tableau, tous les soi-disants détails
sont essentiels, sans ces détails l’ensemble n’existerait pas.
La moindre goutte de peinture sur la toile est constitutive du
tableau. Mais au fait, Lucien l’âne mon ami, pourquoi dis-tu
toujours « En somme » ?
En
somme ?, dit Lucien l’âne, je dis toujours « en
somme », car je suis un âne, un somaro, c’est-à-dire une
« bête d’en somme », Ah ! Ah !. En somme,
c’est constitutif de mon personnage ; c’est une peu comme
une signature. Mais que cela ne t’empêche pas de le dire, en
somme.
Dès
lors, pour en revenir à la chanson « Une soirée à Anvers »,
dit Marco Valdo M.I., la chose se complique encore du fait que c’est
la première partie d’une « chanson double » ;
l’autre partie sera sans doute intitulée « Fin de soirée à
Anvers » ou autrement, je ne sais pas encore. Mais assurément,
c’est l’idée.
Tout
ça est fort bien, dit Lucien l’âne, mais tu ne m’as toujours
pas dit ce que raconte cette chanson-ci. Je te prie instamment de ne
plus tergiverser et d’aller droit au fait. On n’est quand même
pas des Jésuites pour qui, dit-on, la ligne droite est une
abomination.
Eh
bien, Lucien l’âne mon ami, il n’était pas besoin d’user d’un
ton si comminatoire, ni de monter sur tes grands chevaux, je m’en
vais te dire tout à l’instant : la chanson « Une Soirée
à Anvers » raconte l’arrivée de Till et de Lamme en cette
ville et le début de la première soirée qu’ils y passent.
En
somme, dit Lucien l’âne, pour conclure, c’est une étape du
pèlerinage de Till et Lamme, une halte dans leurs quêtes
respectives : l’un court après la liberté, l’autre après
sa femme. Quant à nous, reprenons notre tâche et tissons e linceul
de ce vieux monde autosatisfait, bedonnant et ronflant sa gloire et
cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Longtemps,
Till et Lamme marchent -
Ils
marchent des jours et des jours.
Un
soir, après maints tours et détours,
Dans
la ville d’Anvers, ils entrent.
Anvers,
une grande cité où le monde entier
Entasse
ses richesses :
Or,
argent, épices en caisses ;
Draps,
velours, tissus brodés ;
Les
richesses de la terre et de l’humaine besogne,
Vins
du Rhin et vins de Moselle,
Vins
de Liège, de Namur, vins de Sambre et de Meuse,
Vins
de Champagne, vins de Bourgogne.
Au
soleil, à la pluie, au vent, à la froidure,
Moi
Till, je cherche les Sept et la ceinture.
Toi
Lamme, tu cherches ta femme.
Allons
donc les chercher chez ces dames.
« D’abord,
dit Lamme, j’ai faim. »
« Alors,
dit Till, mangeons les choezels au madère,
Et
par-dessus, buvons force bières,
Puis,
reprenons notre chemin.
En
certain quartier aux rouges fanaux,
Vêtues
de brocards et de soie,
Offrant
aux hommes le plus désirable et le plus beau,
Se
tiennent les plus belles filles-folles qui soient.
« Regarde
cette maison de bois,
Ces
rideaux jaunes et sa lanterne rouge.
C’est
un couvent de nonnains du diable, ma foi
Et
l’abbesse est baesine en ce bouge.
C’est
une maîtresse-femme qui mène
Au
nom de Belzébuth sur la voie du péché
Quinze
belles amoureuses amènes.
Me
laisseras-tu seul face à ces beautés ? »
Filles-folles
n’aiment qu’elles et l’argent,
Filles-folles
rêvent d’être adorées
Filles-folles
tiennent le monde pensant
Attaché
au bout de leur ceinture dorée.
Ce
sont ruineries que filles-folles
Pour
ceux qu’elles affolent.
De
leurs carolus, elles les dépouillent,
Ainsi
s’engraissent-elles ces fripouilles.