LES
ANCIENS COMBATTANTS
Version
française – LES ANCIENS COMBATTANTS – Marco Valdo M.I. – 2013
Chanson
italienne – I reduci – Giorgio Gaber – 1976
En
voilà encore une fois, un de ces titres de chanson qui évoque mille
choses, dit Lucien l'âne en râpant d'un sabot rugueux le sol de
gravillons qui s'étale jaunâtre devant lui. Les anciens
combattants... depuis le temps que je cours le monde, j'en ai
rencontrés de toutes les sortes et revenant de toutes sortes de
guerre. Je me souviens assez bien de ceux qui revenaient de la guerre
de Troie, par exemple, de la guerre des Gaules ou des guerres
d'Espagne. Ceux qui s'en étaient allés avec Roland et bien entendu
étaient revenus... Don Quichotte et Sancho... Ceux qui avaient fait
les campagnes de Russie... Là d'ailleurs, il y en eut bien des
vagues et de toutes les couleurs. Sans compter ceux qui s'en étaient
allés à la croisade ou au Tonkin ou même en Chine ; ceux de
Carthage ou de Rome, ceux qui avaient été dans les bataillons
d'Afrique ou dans les légions...
Oh,
moi, c'étaient plutôt mes grands-pères... Mais, je ne sais ce que
tu en sais, ces anciens combattants se divisent en deux groupes :
ceux qui racontent et même souvent, radotent leur guerre et ceux qui
font silence sur le sujet ou s'en tiennent à de sobres évocations.
Mais, pour en venir à la chanson elle-même, tout en étant
spécifiquement italienne, elle ne parle ni de ceux qui revenaient du
Carso ou du Piave, ni de ceux qui sont revenus plus tard d’Éthiopie
ou du Don, ni de Grèce, ni d'Albanie, ni, ni. En fait d'anciens
combattants, elle fait allusion aux combattants de la guerre civile
qui est toujours en cours, la Guerre de Cent Mille Ans, cette Guerre
que les riches font aux pauvres afin de maintenir leur système de
domination, de maintenir leur système d'exploitation, de maintenir
leurs privilèges, d'accroître leurs richesses, de décupler leurs
profits... Elle est l'évocation par un d'entre eux des combats des
années récentes... et comme elle date de 1976, il faut bien situer
ces combats autour de 1970... Un peu avant, un peu après... Un
récit, comment dire, un peu amer, un peu – pour user d'un mot de
ce temps-là – autocritique, d'une ironie rétrospective... Mais
finalement, peu importe de quelle guerre ils étaient issus, ces
anciens combattants, l'important ici, c'est qu'ils sont en quelque
sorte des archétypes, comment dire, des « anciens combattants »
racontant leurs « anciens combats »... et c'est parfois dérisoire
quand certains se roulent dans la gloire... et d'autant plus quand la
guerre est la Guerre de Cent Mille Ans et qu'on est dans le camp des
pauvres. Il n'y a aucune gloire à revendiquer, aucun bénéfice à
en tirer à titre individuel... d'être un « ancien combattant ».
Ce n'est pas le but du jeu ; du moins, ce ne devrait pas l'être.
Je
le crois aussi, dit Lucien l'âne en secouant ses oreilles en signe
d'approbation et il me semble que la chanson de Gaber va dans le même
sens. Mais foin de ces dissertations et retournons à notre tâche...
Tissons le linceul de ce vieux monde, le suaire de ce système
guerrier, radoteur, dérisoire et cacochyme.
Heureusement
!
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Et
alors est venue l'envie de casser tout
Nos familles, les armoires, les églises, les notaires
Les bancs d'école, les parents, les « Cent vingt-huit »
De transformer en courage la rage qui est en nous.
Nos familles, les armoires, les églises, les notaires
Les bancs d'école, les parents, les « Cent vingt-huit »
De transformer en courage la rage qui est en nous.
Et
alors est venu le moment de s'organiser
D'avoir d'une ligne et de s'unir autour d'une idée
Des écoles et des quartiers aux usines pour se confronter
Et ensemble décider la lutte en assemblée.
D'avoir d'une ligne et de s'unir autour d'une idée
Des écoles et des quartiers aux usines pour se confronter
Et ensemble décider la lutte en assemblée.
Et
alors est venu le moment des longs discours
De repartir de zéro et s'occuper un moment de nous
D'affronter la crise, de parler, parler et s'épancher
De s'introspecter pour savoir qui on est.
De repartir de zéro et s'occuper un moment de nous
D'affronter la crise, de parler, parler et s'épancher
De s'introspecter pour savoir qui on est.
Et
il y avait l’orgueil de comprendre
Et puis la certitude d'un virage
Comme si comprendre la crise voulait dire
Que la crise était révolue.
Et puis la certitude d'un virage
Comme si comprendre la crise voulait dire
Que la crise était révolue.
Et
alors revient l'envie de faire une action
Mais chaque geste échappe de la main et s'enlise
La seule certitude qui reste est la confusion,
Le privilège d'avoir conscience qu'on existe
Mais chaque geste échappe de la main et s'enlise
La seule certitude qui reste est la confusion,
Le privilège d'avoir conscience qu'on existe
Mais
le fait d'avoir la conscience
Que l'on est dans la merde plus totale
Est l'unique différence substantielle
Vis-à-vis du bourgeois normal.
Que l'on est dans la merde plus totale
Est l'unique différence substantielle
Vis-à-vis du bourgeois normal.
Et
alors nous nous sommes sentis incertains et dépassés
Rescapés déchirés et fatigués, inutiles héros,
Avec nos pansements perdus et les écharpes sur nos visages
À vingt ans déjà nous sommes ici à raconter aux petits-enfants que nous
Tenait
compte du courage.
Rescapés déchirés et fatigués, inutiles héros,
Avec nos pansements perdus et les écharpes sur nos visages
À vingt ans déjà nous sommes ici à raconter aux petits-enfants que nous