samedi 11 janvier 2020

LA TARE


LA TARE



Version française – LA TARE – Marco Valdo M.I. – 2020

d’après la traduction italienne de Riccardo Venturi – VERGOGNA – 2020
d’une

Chanson allemande – Der SchandfleckDie Toten Hosen1984




Dialogue Maïeutique

Depuis le temps, Lucien l’âne mon ami, où tu cours le monde et où tu entends des chansons, tu as pu reconnaître cette capacité de la chanson à s’intéresser à mille et mille choses, à sa manière certes parfois déroutante, mais aussi très profonde, très émouvante.

C’est ça, dit Lucien l’âne, exactement ça qui donne souvent à la chanson son intérêt ; c’est sa manière de mettre en émoi l’émotion. Il est rare qu’elle fasse un discours – sauf pour rire ou faire rire ou ironiser ; il est rare et il est également catastrophique – pour elle et pour ses auditeurs – qu’elle se complaise dans un ronflement pompeux. Par ailleurs, je pense qu’il est à peu près inutile de préciser outre mesure qu’il existe des chansons idiotes, débiles, tonitruantes et sans autre intérêt que de s’assurer un public du même tonneau. De celles-là, il n’y a pas plus à en dire, sauf qu’elles sont les plus nombreuses et les plus répandues. Mais peu importe, je m’égare, je m’emporte ! Pourquoi donc m’as-tu engagé dans une telle réflexion ?

Oh, Lucien ‘âne mon ami, tout simplement, car la chanson dont je vais t’entretenir s’intéresse à un sujet rare, mais qui touche aux fondements de notre humanité, je veux dire à notre nature d’être vivant. Sans doute, as-tu connaissance que certains hommes (femmes, enfants, vieux, jeunes… bref, de tous les genres, de tous les âges) sont – du simple fait qu’ils sont vivants – sujets à des troubles, des déficiences et de maladies psychiques, neurologiques ou mentales ; certains d’entre eux sont en outre atteints de séquelles physiques. On les nomme de différentes façons : fou, débile, handicapé, délirant et d’encore bien d’autres manières. Face à ces humains, les comportements de leurs congénères – y compris de leurs familiers – peuvent être très variables. Cela va de l’acceptation de cette différence considérée (dès lors) comme une dimension particulière, d’un caractère de l’être et cette acceptation entraîne concomitamment un comportement de compréhension, de solidarité et d’aide jusqu’à des manifestations ouvertes ou dissimulées de refus et de rejet. C’est de ce refus, de ce rejet que traite la chanson.

Oui, oui, dit Lucien l’âne, ça me fait penser à notre amie Atalante et aux troubles qu’elle endure et qu’elle répercute à son entourage. Cependant, même si c’est très dur parfois pour ceux qui vivent auprès d’elle, il faut bien penser que ce doit encore être beaucoup plus dur pour elle qui ne peut même pas en dire un mot. Mais enfin, on ne la laisse pas tomber, on ne la range pas dans une oubliette. Elle fait partie de la famille, elle fait partie de la tribu, elle fait partie du monde vivant. Elle est une part de la vie.

Oh, je sais cela aussi, reprend Marco Valdo M.I., mais ce n’est pas le sujet de la chanson, laquelle évoque une situation tout opposée : celle d’un être – affaibli, troublé – qui, en raison de ses troubles, est enfermé, mis à l’écart de la société et même, ostracisé par ses familiers. Elle dit, la chanson, que ces proches s’empressent de l’oublier dans son lieu de retrait. Sa famille le considère comme une tare – d’où le titre de la chanson – qu’il convient de camoufler, de faire disparaître. Avec une douce ironie, la chanson conclut :

« Pour lui, ça va bien ; il ne peut pas se plaindre.
Derrière des barreaux et des murs si épais,
Il ne peut pas s’en aller à l’extérieur.
Vous, vous espérez qu’il ne reviendra jamais,
Loin des yeux, loin du cœur. »

En quelque sorte, suggère Lucien l’âne, ils ne le tuent pas vraiment, ils l’enterrent vivant. Et moi, j’en ai vu, j’en ai rencontré souvent de ceux qu’on laissait ainsi au bord de la route sans se soucier de ce qu’ils deviennent, ni de ce qu’ils peuvent penser ou ressentir. Oh, tissons, Marco Valdo M.I. mon ami, le linceul de ce vieux monde méprisant, méprisable, stupide, médiocre, immoral, imbu et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane






Un homme malade vous tend la main,
Et vous le regardez de loin.
Il est cependant apparenté à vous,
Et vous y pensez avec dégoût.



Derrière des barreaux et des murs si épais,
Il ne peut pas s’en aller à l’extérieur.
Vous, vous espérez qu’il ne reviendra jamais,
Loin des yeux, loin du cœur.



Il n’est jamais seul puisqu’il est schizophrène,
Pourquoi iriez-vous le voir ?
Il penche à gauche et boite d’une jambe,
La famille ne veut pas le revoir.



Derrière des barreaux et des murs si épais,
Il ne peut pas s’en aller à l’extérieur.
Vous, vous espérez qu’il ne reviendra jamais,
Loin des yeux, loin du cœur.



Vous pouvez rire, votre vie n’est pas difficile,
Vous êtes apprécié de vos semblables.
Vous avez fort bien dissimulé votre tare.
Pour lui, ça va bien ; il ne peut pas se plaindre.



Derrière des barreaux et des murs si épais,
Il ne peut pas s’en aller à l’extérieur.
Vous, vous espérez qu’il ne reviendra jamais,
Loin des yeux, loin du cœur.