jeudi 8 août 2013

LE MERDAILLER

LE MERDAILLER



Version française – LE MERDAILLER – Marco Valdo M.I. – 2013
Chanson italienne - Ir merdaiolo - La Ghenga
Texte de Fabio Meini










Voici, Lucien l'âne mon ami qui rit et qui est toujours content et que je suis toujours content de rencontrer, voici donc une chanson qui devrait te plaire. Et sans doute te rappeler certaines gens que tu as rencontrés tout au long de tes interminables pérégrinations. On en fait du chemin sur des petits sabots noirs comme les tiens et puis, avec le temps...


Je te remercie beaucoup, Marco Valdo M.I. mon ami, de tous tes compliments... Mais avec ça, tu ne m'as rien dit de la chanson... Sans doute, une de tes traductions...


Oui, certes et du pisano, même. Ce n'est pas un exploit particulier que de traduire du pisan, mais c'est l'occasion de faire un petit clin d’œil à notre ami Luccio, lequel se nomme en effet Pisano. Bon, venons-en à la chanson. C'est une sorte de ballade ou de complainte d'un gars qui fait le métier de cantonnier ou d'éboueur ou quelque chose du genre, et comme ce métier était nommé en italien : « merdaiolo », j'ai dû trouver un équivalent en français et j'ai traduit d'une façon qui lui donne rang directement dans les Chansons contre la Guerre par le mot, un néologisme, je le crois bien : « merdailler ». Une sorte de mot-valise où se croisent diverses choses : en premier la « merde » – indispensable, elle était là dès l'origine. Ensuite, le mot « médaillé »... qui désigne quelqu'un qui a été gratifié d'une médaille, généralement pour avoir tué ses semblables... et la finale en « -er » qui indique le métier comme dans boulanger, plombier, boucher... Donc, un « merdailler » serait celui qui ferait ce métier où il est question de ramasser les merdes des autres... Ce que font les éboueurs, les cantonniers... un boulot de bête de somme en quelque sorte.


En effet, il n'y a qu'à regarder ce que nos bonnes gens laissent traîner sur le bord des routes et des rues... et nous les ânes, les somari, les bêtes de somme, on nous file toujours ces boulots de merde... C'est notre destin, c'est le destin des pauvres, des miséreux, des esclaves... dans cette société où se perpétue la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres pour précisément les forcer au travail, les obliger à faire des infâmies afin de satisfaire les exigences les plus insensées, de fabriquer les choses les plus superfétatoires et inutiles... et d'assurer leur domination, de nourrir leur avidité et de combler leurs ambitions.


Donc, c'est la complainte du « merdailler », précédée de celle d'un soldat, puis de celle d'un affairiste … qui curieusement disparaît... Nul ne sait ce qu'il est devenu... Du moins dans la version française... dans la version italienne, il a un travail... Note que ce n'est pas incompatible... Il pourrait très bien avoir trouvé, obtenu un « travail » et puis, qu'on le fasse disparaître. Ça arrive aux meilleurs dans certains pays...


Aux pires aussi, dit Lucien l'âne.


Notre « merdailler » lui est sicilien... Il est d'Erice à l'extrême ouest de la Sicile et , même s'il a un métier que d'aucuns considèrent comme « infâmant », il ne tue personne et il garde son honneur , ce qui finalement importe le plus. Il est pauvre, mais il satisfait à son être d'homme, il garde sa décence.


Ça me rappelle la « common decency » dont Orwell faisait si grand cas. Tu sais, la « common decency » (http://www.journaldumauss.net/spip.php?article617), c'est ce qui intuitivement détermine « ce qui ne se fait pas » ; bref, la base de toute société humaine correcte.


Avant d'en terminer, je voudrais te faire connaître ou te rappeler le monologue d'un autre cantonnier qui sut trouver le simple bonheur de vivre, ce bonheur de vivre dont Ferré faisait le résumé ainsi .
« On vit on mange et puis on meurt
Vous ne trouvez pas que c'est charmant
Et que ça suffit à notre bonheur
Et à tous nos emmerdements » [[7794]].

Celui que j'évoque, c'est le cantonnier que monologuait Fernand Raynaud et que je proposerai intégralement un de ces jours ; le temps de rassembler le texte...


En attendant ce jour heureux, dit Lucien l'âne en souriant doucement, je te propose moi de reprendre notre toile et de tisser le linceul de ce vieux monde gangrené, militariste, libéraloïde, autoritaire et cacochyme.



Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.



Je m'appelle John Mc Queen
Je suis soldat dans les marines
Toujours à disposition
Pour défendre la nation

Je m'appelle Andrea Brambilla
J'ai deux yachts et une villa
J'ai léché pas mal de cul
Maintenant, j'ai disparu

Je suis Beppe d'Erice
Profession cantonnier
Je nettoie les fossés
Mais je n'ai jamais léché les pieds

Je suis Beppe d'Erice

Je suis resté merdailler
Mais je n'ai jamais eu le tourment
D'avoir honte devant mes enfants.