De la Terre à la Mer
Chanson française – De la Terre à la Mer – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 54
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, XVI)
Ulenspiegel le Gueux – 54
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, XVI)
Pour Till, Lamme, les Gueux et le Taiseux, la poursuite continue. Il s’agit, je te le rappelle, Lucien l’âne mon ami, de mener la guerre contre les armées d’Albe qui ravagent les villes et les campagnes des Pays. Il s’agit de contraindre les armées espagnoles à la bataille. Cependant, le Duc de fer se refuse au combat ; il préfère terroriser les populations.
Mais dans le fond, Marco Valdo M.I. mon ami, il était venu d’Espagne spécialement pour ça – pour faire régner la peur et imposer l’obéissance aveugle et le catholicisme. Comme tu le vois, je me souviens très bien de cette circonstance et de cet entêtement absurde. Mais je t’en prie continue, dis-moi la suite.
La suite est dans la logique de cette partie de cache-cache, reprend Marco Valdo M.I. Souviens-toi. Lors du duel de Till avec Riesencraft, l’armée des Gueux campait près des frontières au-delà du Pays de Liège et s’apprêtait à investir la ville principautaire. Elle dut cependant y renoncer et se relancer à la poursuite des armées de l’espagnol. C’est ainsi qu’elle aboutit dans le Hainaut à la confrontation avec les troupes d’Albe, commandées par son propre fils, Don Ruffele Henricis, qui y faisaient grands ravages et terreurs.
Ainsi, en finale pour les civils, dit Lucien l’âne, la guerre ressemble toujours à la guerre. Il me semble que – et j’en parle d’expérience d’âne vaguant « pedibus cum jambis », courant le monde sur quatre petits sabots – tous ces déplacements d’armées devaient prendre du temps et poser de complexes questions de ravitaillement. Des pèlerins de ce genre ne sont généralement pas sans exigences alimentaires et autres.
Exactement, répond Marco Valdo M.I., toutes ces manœuvres prennent du temps et les mois et les saisons y passent. Nous voici à l’automne. Et puis, si toute cette logistique est compliquée, les chefs de guerre ont l’habitude de penser et de dire : « L’intendance suivra ! » et souvent, la plupart du temps en ces temps-là, elle ne suit pas. C’est aussi une des raisons de ces mouvements de troupes, assez erratiques, surtout de celles qui ont comme objectif de rançonner les populations. Donc, de déplacement en déplacement à la poursuite des bandes espagnoles, l’armée des Gueux arrive aux portes du Cambrésis, où a lieu la bataille. Après sa victoire, l’armée des Gueux se repose et Till est chargé, par le Taiseux lui-même, d’une mission confidentielle ; le voilà à nouveau messager, chargé d’aller à mille endroits délivrer en secret le nouvel ordre de la guerre. En gros, si sur terre, la guerre ne peut être menée à terme, il faut la porter sur mer – ce qui est précisément le titre. Et, comme on le verra ensuite, les Gueux de mer auront raison de la plus grande puissance catholique de l’époque, mais on y reviendra au moment opportun. Pour les détails, voir la chanson elle-même, avec une attention particulière au dialogue de l’alouette et du coq.
Faisons ainsi, conclut Lucien l’âne, puis reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde fuyard, fuyant, plein de terreurs et de bruits et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
On est en plein été indien
La guerre est dure pour les Gueux.
L’argent manque, l’armée a faim.
Et l’Espagnol fuit à qui mieux mieux.
Sans solde, les soldats murmurent.
Le Taiseux se tait.
Orange marche vers Cambrai.
L’ennemi recule, recule et recule encore.
Le choc se fait dans le Cambrésis.
Don Ruffele Henricis, fils d’Albe
Engage le combat au cri :
« Tue, Tue, pas de quartier ! Vive le Pape ! »
Till, d’une balle de son arquebuse éclate la mâchoire
Et la langue du grand d’Espagne.
Les Gueux festoient après la victoire,
Avant de reprendre sa campagne.
Novembre vient avec ses tempêtes
Le Taiseux mande Till en tête à tête
Et lui confie une terrible mission.
« Que pour le secret, ta bouche soit prison ».
« Va par Namur, Hainaut, Brabant,
Par Gueldre, Hollande et Pays flamands,
Dire en tous lieux à nos frères et partisans
Que la guerre ira sur la mer et l’océan.
Partout, sur le chemin que tu feras,
Quand de la voix de l’alouette, tu appelleras ;
Si le chant du coq te répond : ami sera. »
« Les cendres battent. », dit-il. « Ça ira. »
Till reçoit trois saufconduits
Signés de la main du duc d’Albe –
Avec l’autorisation de port d’armes.
Till emporte son arquebuse en un étui.
Les roitelets demandent asile
Et la neige couvre les villes.
Till quitte l’armée près de la France
Et s’en va par Sambre et Meuse.
Till marche vers le pays liégeois,
Passe Maubeuge, Thuin et Charleroi.
On l’arrête plusieurs fois,
On le relâche : « Ordre du Roi ! »