LES CHATS ERRANTS
Version française – LES CHATS ERRANTS – Marco Valdo M.I. – 2020
Chanson italienne – I gatti randagi – Nomadi – 1990
LA BATAILLE DES CHATS |
Dialogue Maïeutique
Cette fois, Lucien l’âne mon ami, j’avouerai tout de suite avec la plus grande humilité avoir été frappé de réminiscence et c’est ainsi que le premier vers de la chanson est :
« Les chats errants sont les chats les plus beaux »
et qu’il s’est très certainement formé à l’écoute de ce vers de la Nuit de Mai qu’Alfred de Musset donna à connaître en 1835 et qui chantait :
« Les désespérés sont les chants les plus beaux »
Frappé de réminiscence ?, demande Lucien l’âne. C’est une maladie ?
Une maladie, si on veut, dit Marco Valdo M.I. ; une chose est certaine, c’est qu’elle m’a frappé cette fois encore et qu’elle frappe plus souvent qu’à son tour. C’est d’ailleurs à mon avis, une source de bien des textes, de bien des chants, de bien des musiques aussi. Ainsi va le monde se bâtissant de bric et de broc, de matériaux anciens, de mots, de phrases en déshérence.
Arrête-toi, Marco Valdo M.I., arrête-toi ici, je te le demande instamment, car j’aimerais vraiment que tu me parles de la chanson.
Mais, Lucien l’âne mon ami, je ne fais que ça. Quand même cette chanson est celle des chats errants, celle qui les salue et les magnifie. Les chats errants sont présentés comme des incarnations de la liberté et servent à portraiturer les humains tels qu’ils devraient être : amicaux, désintéressés, rêveurs, peu fortunés, un peu fainéants et porteurs d’un rêve de liberté. Mais, il vaut mieux le préciser tout de suite, pas de n’importe quelle liberté ; pas de cette liberté d’exploiter les autres, pas de cette liberté de se situer au-dessus des autres, de les dominer et d’en tirer profit, pas de cette liberté de les mépriser et de les écraser.
Je comprends, dit Lucien l’âne, de quelle liberté il s’agit. En gros, si on veut saisir de quelle liberté il s’agit, il faut la replacer au cœur de la Guerre de Cent Mille Ans dans laquelle s’affrontent ces deux libertés : d’un côté, celle du loup dans la bergerie, du renard dans le poulailler ; de l’autre, la liberté respectueuse de la nécessaire solidarité envers les plus faibles, les plus démunis, les moins bien lotis, la liberté qui se refuse à phagocyter les autres.
C’est bien ça, Lucien l’âne mon ami, et compte tenu de ce qui se passe dans le monde des humains, elle un rêve, une utopie. Pas tout à fait, pas complètement cependant, car ici et là, souvent, elle agit et se développe, mais c’est une fleur encore fragile. Pour en revenir à cette chanson, il faudrait préciser ce que sont ces chats errants. En fait, il est de la nature même des chats d’être des êtres errants, les chats, quand ils ne sont pas encagés ou coincés d’une autre manière, passent une grande partie de leur vie à errer ; pourtant, ce ne sont pas nécessairement des chats errants. Il y a ici, comme tu le sais, trois chats à demeure, sans compter les visiteurs, qui vont, qui viennent à leur guise et qui s’ils errent, aiment aussi à se faire dorloter un peu et à s’assoupir en un lieu retiré et clos – la plupart du temps, ma chambre. Ces chats-là s’arrangent avec les chats qui passent pour avoir des relations d’amabilité. Ils les laissent manger dans leur gamelle sans en faire un fromage, sans en concevoir un casus belli.
En somme, dit Lucien l’âne, ils sont pacifiques et ils ont le sens de l’accueil, de la non-violence et ils s’entendent à partager l’espace et le ravitaillement. Ce sont de bons chats, car une telle civilité est rare ; elle ne va pas de soi. Et je sais que parfois, chez les chats errants ou pas, il y a la guerre et même des batailles.
Bien entendu, Lucien l’âne mon ami, mais si dans l’ensemble chez les chats d’ici, la civilité est possible – la plupart du temps, elle devrait l’être chez les humains, cette espèce qui se veut supérieure. Enfin, c’est ce que raconte la chanson. Je n’en dirai pas plus, puisqu’il est des harmoniques que la poésie enchante et que je ne pourrais épuiser en un tel commentaire. La chanson a sa voix, la chanson a ses pensées errantes qu’il convient de laisser errer dans les têtes des gens.
Excellent, Marco Valdo M.I. ; en ce cas, tissons le linceul de ce vieux monde cacophonique, brouhahardeux, confus, conflictuel, incivilisé et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Les chats errants sont les chats les plus beaux.
Ce sont les amis de ceux qui n’ont que la peau
Sur les os et comme eux, rêvent le jour durant.
Les chats errants hantent les quartiers des pauvres gens.
La nuit, les chats vont sur les toits, miaulant à la lune.
Et chaque caresse leur est une bonne fortune.
Ils s’en repartent plus heureux,
Chacun s’en repart plus heureux.
Les chats errants sont les chats les plus beaux.
Le bébé le sait déjà en son berceau.
Regards, sourires, caresses, invitations
Et les chats, des amis seront.
Le jour, ils ne font que s’amuser,
Ils n’ont rien, ils sont légers
Et les caresses les mettent en joie
Et le soir, chacun s’en reva chez soi.
Les chats errants sont les chats les plus beaux ;
Ils n’aiment pas les devoirs, les maîtres et les clés ;
Ils toisent tous ces hommes qui les regardent de haut,
Ceux-là qui savent haïr, mais ne savent aimer.
La nuit, les chats vont sur les toits, miaulant à la lune.
Pour eux, chaque caresse est une bonne fortune.
Ils s’en repartent plus heureux,
Chacun s’en repart plus heureux.
Avec nos rêves en couleurs et de si beaux mots,
Nous sommes presque tous chats errants
Une bande de bons à rien, un peu fainéants,
Tirant toujours le diable par la peau du dos.
Et nous aussi, nous voulons musarder,
Nous voulons aimer, nous voulons rêver
Rêver un rêve de liberté,
Rêver un rêve de liberté.