Le
Voyage en Russie
Chanson
française – Le Voyage en Russie – Marco Valdo M.I. – 2017
Canzone
léviane tirée de « Il futuro ha un cuore antico » de
Carlo Levi.
Les
voyages ont toujours titillé l’imagination, la curiosité;
l’ailleurs, l’autre, le différent, l’étranger, l’étrange
m’ont toujours fasciné, dit Marco Valdo M.I.
Moi
aussi, dit l’âne, j’ai toujours aimé aller ailleurs, aller voir
plus loin, rencontrer d’autres paysages, d’autres ânes, d’autres
gens, d’autres herbes. J’ai toujours aimé voir le soleil se
lever de l’autre côté de la montagne. J’aime aller dans les
villages, j’aime voir les pays inconnus et marcher sur des chemins
ancestraux ou sur les routes qu’ont chantés les aèdes.
Fort
bien, dit Marco Valdo M.I, et depuis les temps reculés où tu es en
route, tu as eu le temps d’en voir du pays ; mais, dis-moi,
Lucien l’âne mon ami, que sais-tu de la Russie et des grands
espaces de là-bas ? Que sais-tu de la nuit quand elle tombe sur
la Mer Blanche ou sur la Mer Noire et de ce grand soleil d’été
qui sur la plaine sibérienne ne se couche presque plus ?
Rien
, dit l’âne, mais j’aimerais bien.
Et
toi, que sais-tu de tous ces gens qui vivent là-bas, demande l’âne.
Rien,
dit Marco Valdo M.I. Ça ne m’empêche pas de faire une chanson sur
un voyage en Russie ; c’est une chanson (c’est encore
une chanson léviane) qui chante l’angoisse du voyageur devant
l’immensité du voyage que propose la Russie – à l’époque
encore partie, mais partie maîtresse, de l’Union des Républiques
Socialistes Soviétiques (en abrégé : U.R.S.S.) ; un
voyageur (en l’occurrence, Carlo Levi) est invité à faire ce
périple dans les meilleures conditions sur la foi de sa réputation
d’écrivain et de journaliste, à parcourir le pays en long et en
large – aux frais de la princesse – pendant un mois.
Oh,
dit Lucien l’âne, ce n’était pas donné à tout le monde.
Est-ce qu’on t’a invité, toi, dans telles conditions ?
Eh
bien, pour répondre à ta question, Lucien l’âne mon ami, j’avais
un ami qui en ce temps-là avait reçu pareille invitation, mais en
ce temps-là, lui aussi, il exerçait l’honorable profession de
journaliste. Mais pour des raisons personnelles, il avait refusé
cette invitation. C’était d’ailleurs une pratique courante
d’inviter des journalistes ou des écrivains ; en fait, c’est
une des formes les plus fréquentes de la propagande ou de la
promotion touristique, une forme de relations publiques à l’échelle
d’un pays, d’une région, d’une ville.
Mais
le cas de Carlo Levi est différent, car il n’était pas homme à
se laisser conter des balivernes. Il a d’ailleurs fait d’autres
voyages du genre en Inde, en Chine, en Allemagne et aux États-Unis
dont il a rendu compte dans des articles ou des livres entiers.
Personne ne pouvait s’attendre de sa part à trop de complaisance.
Ceci dit, sa façon d’aborder le voyage est reprise dans la
chanson ; c’est même le thème central de celle-ci. En fait,
la chanson ne parle que de la façon dont le voyageur envisage le
voyage avant son départ. Comme
ce fut le cas dans le réel, le voyageur explique à son
accompagnateur-interprète (dans le cas de Levi, il s’agit de son
traducteur, de celui qui a traduit ses romans en russe et notamment,
Cristò si è fermato a Eboli – Le Christ s’est arrêté à
Eboli) ce qu’il attend du voyage, ce qu’il veut voir, dans le
livre qui raconte cette épopée, car c’en fut une, il est
intéressant de noter que Carlo Levi, grand lecteur et connaisseur de
Dante, appelle Virgile – il dit « mon Virgile » des
dizaines de fois, sinon des centaines – ce guide qui fera tout le
voyage avec lui, comme celui qui accompagne Dante dans son voyage aux
enfers.
Arrête,
Marco Valdo M.I. mon ami, sinon tu vas nous servir un cours sur Carlo
Levi et tous ses écrits. Je sais que tu es capable de le faire, mais
ce n’est pas le lieu, il n’y a pas la place pour un pareil
discours.
Une
dernière chose cependant, Lucien l’âne mon ami, j’y tiens. Il
me paraît valoir la peine de faire ressortir combien la façon dont
Carlo Levi envisage le voyage s’éloigne de celle que développe
l’industrie touristique qui ronge notre monde et qui pratique
allègrement une sorte de colonialisme touristique en débarquant
dans des endroits réservés et préservés des millions de colons
intermittents et en forçant les populations locales à se comporter
en esclaves serviles.
On ne
peut nier pareille dérive, mais là aussi, il y faudrait un
développement. Cependant, il nous faut reprendre notre tâche et
tisser le linceul de ce vieux monde malade du tourisme, perclus de
suffisance, atteint d’obésité et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
On
m’avait dit surtout
Il
faut un plan détaillé
Et
dire où on veut aller.
On
part de Moscou,
Après,
il y a toute la Russie
Avec
ses villes et ses villages,
Toute
l’Union soviétique
En
Europe et en Asie
Avec
ses routes et ses paysages,
Ses
seize républiques,
Ses
territoires si grands,
Nord,
Sud, Occident, Orient,
Enfin,
tout. Mais où ?
Faut-il
aller partout ? Jusqu’où ?
On
ne sait que penser :
Par
quel bout commencer ?
Que
laisser de côté ?
On
est dérouté,
On
ne sait pas,
Qu’en
dépit des détours,
Un
voyage commence toujours
Par
un premier pas.
On
pense aux gens,
Le
monde est vivant
On
pense aux choses,
Tout
est si différent.
On
veut tout voir.
Mais
choisir ?
Choisir,
quelle histoire !
J’ai
tous les désirs.
Se
perdre dans l’infini
Des
plaines à perdre la vue,
Déambuler
dans les rues,
Sur
les places à midi
Quand
le soleil danse
Dans
le ciel immense
Et
en écoutant ses pas
Marcher
encore à minuit.
On
oublie parfois,
Qu’en
dépit des détours,
Un
voyage commence toujours
Par
un premier pas.
Un
plan est une chose terrible
Moi,
je choisis tout
En
un mois, c’est pas beaucoup
Un
plan, mission impossible.
Dès
demain, allons au hasard,
Où
mèneront les trains, où seront les gares,
Demain,
on part.
En
un mois, il faut tout voir :
Les
maisons, les usines, les écoles,
Avec
les gens et les enfants dedans
Les
paysans, les artisans, les artistes
Les
ouvriers, les marins, les savants
Les
hôpitaux, les fermes, les champs
Les
journaux, les théâtres, les cinémas
Cordial,
un peu sourd, gentil, limpide,
Aux
accents grands russes de sa voix profonde
En
riant aux éclats,
Mon
ami me dit tout bas :
Et
surtout, n’oubliez pas,
Qu’en
dépit des détours,
Un
voyage commence toujours
Par
un premier pas.