samedi 28 septembre 2013

Jules César

Jules César

Chanson française – Grand Jojo – 1982

http://www.youtube.com/watch?v=M8JP0SUz-FY
http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=M8JP0SUz-FY








Mon cher Lucien l'âne, mon ami, toi qui as connu la Rome Antique, toi qui as circulé tout au travers de l'Empire, toi qui as accompagné les légions au travers des territoires, franchi les Alpes, surmonté les Pyrénées, tu as certainement dû rencontrer Jules César, l'envahisseur de la Gaule, celui qui plus tard écrivit – tant il avait pris de raclées dans nos paysages vallonnés et boisés : « Horum omnium fortissimi sunt Belgae, propterea quod a cultu atque humanitate provinciae longissime absunt, minimeque ad eos mercatores saepe commeant atque ea quae ad effeminandos animos pertinent inportant, proximique sunt Germanis, qui trans Rhenum incolunt, quibuscum continenter bellum gerunt. ». J'imagine que cette péripétie de l'histoire gauloise, tu as dû l'entendre des milliers de fois lors des campagnes des Gaules par les légions romaines, dont parle si bien notre ami Ricet Barriet dans sa version des bords de Marne, intitulée La Java des Gaulois. [[40011]]


Oui, certes, mais Marco Valdo M.I. mon ami, je l'ai même porté sur mon dos, ce vieux guerrier chauve avec sa couronne grise sur la tête ; je l'ai même supporté dans son triomphe avec ses lauriers, qu'il lui fallait remettre en place constamment, car ils glissaient sur son crâne comme un skieur sur la neige. Je l'entends encore qui serinait à longueur d'étapes, pendant que marchaient d'un pas alerte ses légions, son « Veni, vidi, vici ». Entre nous, c'était une vaste blague, il n’arrêtait pas de se faire lanterner par les Gaulois, qui se retiraient à son approche et revenaient une fois les matamores passés. Mais peux-tu me dire pourquoi tu me parles de tout ça ?


Je peux le dire... comme pouvait le dire évidemment l'éminent Sar, incarné par Pierre Dac, philosophe disciple de Mordicus d'Athènes. Pour ton plaisir et celui de tous nos amis, je t'offre une version de ce sketch du grand Sar de l'Indre, sans doute le plus célèbre duo des compères Francis Blanche et Pierre Dac, sketch où l'on entend le fameux « Il peut le dire » [http://www.youtube.com/watch?v=YXCIwSgXYX0], mais aussi une autre version sans doute plus connue encore http://www.youtube.com/watch?v=SIKtYsdKOJw ].

Donc, je te parle de tout cela pour te faire comprendre le lien qu'il y a entre cette canzone du Grand Jojo et les Chansons contre la Guerre. Les fauteurs de guerre, les puissants de ce monde et comme il apparaît ici, ceux de l’Antiquité déjà, ont toujours eu le goût des triomphes et de la pompe qui les magnifiaient. A contrario, les moquer, les ridiculiser, les brocarder a toujours été un moyen de les dénoncer, de les affaiblir et de les combattre. Dans la Guerre de Cent Mille Ans (et dès lors, dans toutes les guerres, qui n'en sont jamais que des épisodes partiels), la lutte symbolique, la lutte autour de la respectabilité du pouvoir, de ses manifestations les plus diverses, de ses préceptes et de ses représentants a toujours constitué un enjeu essentiel, une des dimensions fondamentales de l’affrontement. D'où le crime de lèse-majesté ou les sanctions prévues pour protéger la personne « inviolable » du Chef, qu'il soit Roi, Empereur, Caudillo, Conducator ou Président. L'homme est aussi un être symbolique, son monde est aussi un monde symbolique. Il suffit de réfléchir un instant au rôle du drapeau, des médailles, des hymnes, des sonneries, des cortèges, des uniformes et hors de la sphère militaire, le rôle du costume, de la cravate, de l'apparence, de l'automobile, de la coupe de la chemise, jusqu'à la manucure et la coupe cheveux... La Guerre de Cent Mille Ans s'insinue et se mène jusque dans les apparences.


Jusque là, Marco Valdo M.I., je t'ai suivi et je suis parfaitement d'accord. Mais, dis-moi, la canzone elle-même ?


Comme son titre te l'indique, elle chansonne Jules César, dont il te souviendra qu'il fut un général romain, un consul et finalement, si je ne me trompe, un « dictateur à vie », précurseur de l'Empire. C'est en quelque sorte l'archétype de tous les Empereurs (son nom de César et ses variantes Czar, tsar... désignera l'Empereur), le symbole et le rêve de tous les candidats au pouvoir suprême, de tous les « bâtisseurs d'empire » de l'Occident. Peu importe, faut-il le préciser, qu'ils soient formellement « empereurs », qu'il y ait formellement un empire ou que leur empire soit une peau de chagrin ou une bulle en suspension dans l'air du temps. Donc, brocarder César, le mettre en jupette face à l'Histoire, lui ôter son falzar ou autrement dit, son pantalon, c'est – par extension ou par un biais – s'en prendre à tous ceux-là – empereurs, dictateurs, présidents... qui se complaisent et se gonflent de leur pouvoir ou de leur fonction. Une telle chanson dans le Portugal de Salazar, l'Espagne de Franco, l'Italie de Mussolini (pour en rester aux pays latins) aurait valu à son auteur de redoutables remontrances, si ce n'est pire. Thyl et Chveik [[8859]] l'avaient appris à leurs dépens. Ceci reste vrai même si l'intention première de l'auteur de la chanson était tout simplement d'amuser et de faire rire son public.


Sur ce dernier point, Marco Valdo M.I. mon ami, tu as raison ; il est dangereux de faire rire et par ailleurs, parfois, la chanson prend son autonomie et impose d'elle-même son sens profond. Aussi, souvent la chanson, celle-ci en particulier, tisse le linceul de ce vieux monde dictatorial, impérial, respectueux de l'ordre établi, compassé, triomphal, césarien et cacochyme.



Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane






Je vais vous raconter l'histoire banale
De Jules César qui était empereur
Il avait un long nez comme une banane
Et ses oreilles étaient comme des… choux-fleurs !

Le soir doucement sur ses chaussettes
En pyjama en-dessous de son peignoir
Il retrouvait Cléopâtre en cachette
Mais ça personne ne pouvait le… savoir !

Jules César
On l'appelait Jules César
Il ne mettait pas de falzar
Pour qu'on voie ses belles jambes
Ses jolies jambes
Ses jambes de Superstar

Quand Jules César revenait de la guerre
Tout fier et victorieux sur son grand char
Il ordonnait qu'on distribue de la bière
Qu'on buvait à la santé de… César !

Les gladiateurs dans l'arène
Passaient avec des sandwiches boudin noir
La fiesta durait parfois six semaines
Il fallait l'avoir vu pour… le croire!!

Cléopâtre un jour lui a dit peut-être
Je vivrai chez toi, je quitterai mon rez-de-chaussée
Fou de joie, il cria par la fenêtre : Yodel lala itou
Tous les Romains ont dit il est… cinglé!
Jules César
On l'appelait Jules César
Il ne mettait pas de falzar
Pour qu'on voie ses belles jambes
Ses jolies jambes
Ses jambes de Superstar


Jules César
On l'appelait Jules César
Il ne mettait pas de falzar
Pour qu'on voie ses belles jambes
Ses jolies jambes
Ses jambes de Superstar

jeudi 26 septembre 2013

Le Sergent Flagada

Le Sergent Flagada (clap clap sound)
Chanson française – Grand Jojo – 1983
Auteurs compositeurs : Jean-Marie Troisfontaine - Burt Blanca - Vannick - Armath



Lucien l'âne mon ami, tu as sans doute comme moi et bien d'autres déjà pu constater que le rire est une arme terrible...


Bien sûr que je connais ça... C'est le résultat de l'acide comique quand on l'applique à une situation, une institution, un personnage... Le résultat est encore plus flagrant si on y ajoute une bonne dose d'acide ironique et bien évidemment, dans le cas de la chanson, il faut aussi y mettre une certaine quantité d'acide musique. Bref, les mots et les choses trempés dans ces acides ont un fort effet de dérision, assez indélébile au demeurant.


Lucien l'âne mon ami, tu me retires les mots de la bouche, en quelque sorte ; en clair, tu dis ce que je voulais te dire. Dès lors, nous sommes du même avis. Mais il me paraît utile, cependant, d'y ajouter la nécessité absolue d'un fort penchant à ce qu'on appelle le « second degré » et même quelquefois, au troisième, etc jusqu'au énième. Car, comme tu le sais, c'est d'une pratique commune et fréquente par chez nous que d’appliquer la matière forte de la pensée divergente aux lieux communs et aux propos plats.


Marco Valdo M.I., mon ami, je ne peux que confirmer tes propos. Faut dire qu'on campe en plein territoire surréaliste, celui qui recouvre grosso mode l'ancien comté de Hainaut - Comitatus Hanoniæ en latin, graafschap Henegouwen en néerlandais, Hennegau en allemand - lequel s'étendit du Brabant et du Namurois jusqu'aux limites de l'Artois et de la Picardie. Pays incroyablement comique et ironique où la Trouille conflue dans la Haine, en un lieu de terribles batailles.


Pays aussi où un journal appelait récemment à voter pour le chat Sugus, félin clairvoyant, avec le slogan décapant de « Avec nous, du mou pour tous ». Faut dire qu'il s'agissait du « Batia Mourt Soù », version hennuyère du « Bateau Ivre », œuvre du poète voisin de Charleville.




Mais en fait, où veux-tu en venir ? De quelle chanson peut-il bien s'agir pour être précédée de toutes ces circonvolutions langagières et circonlocutions circonspectes ?

Si j'ai pris pareils chemins de traverse, c'est que – vois-tu, Lucien l'âne mon ami – la chanson que je vais te faire voir et entendre est tout entière baignée dans ce mélange d'acide comique et ironique à prendre au ixième degré. Tu imagines bien cela puisqu'il s'agit d'une chanson du Grand Jojo, chanteur populaire que d'aucuns se plaisent à mépriser. Tu verras ici combien c'est absurde. Comme nous sommes dans les Chansons contre la Guerre, on ne peut certes insérer n'importe quoi et le minimum, c'est que la chanson ait un rapport avec l'objet du site. Par exemple, qu'elle applique au guerrier, au militaire, à la guerre et à tous ses acolytes, un traitement à l'acide comique, ironique, etc. Et c'est parfaitement le cas du Sergent Flagada, dont tu entendras la légende ci-après. On pourrait d'ailleurs rapprocher cette chanson d'une chanson de Fabrizio De André, celle où il ridiculise le grand Charles Martel, intitulée dans sa version française « Charles Martel revient de la bataille de Poitiers » [[1095]]. Évidemment, le sergent Flagada ne revient pas d'aussi loin dans le temps – il est notre contemporain, ni d'une aussi prestigieuse croisade, mais à sa façon, il rejoint cette inénarrable parodie de Müller et Reboux [[9143]], où le militaire ne jouait pas du clairon comme dans l'original de Déroulède, mais mangeait son drapeau. Rien que son nom déjà est toute une histoire. Je ne le dis pas pour toi, car je sais que tu sais, mais pour nos amis étrangers. Flagada veut dire : mou, mollasson, flapi, raplapla, vasouillard, fatigué, épuisé, sans force et par extension, fainéant, feignant, tire-au-flanc... Le reste est à l'avenant. Tu remarqueras également qu'il s'agit d'un Yankee, soldat parmi les plus envahisseurs de tous les temps.


Il faudrait peut-être, dit Lucien l'âne en se gondolant comme un toit de plastique en plein midi, il faudrait – toujours pour nos amis venus d'autres horizons – préciser ce qu'est une « médaille en chocolat », car c'est un objet désopilant s'agissant d'une médaille « al valor militare »... Surtout dans un pays où il fait chaud... (l'Irak, par exemple). Je te laisse deviner la tache qu'elle fera sur le costume quand Flagada défilera en plein soleil... Allons, foin de commentaires, reprenons notre tâche et tissons, en riant de grand cœur, le linceul de ce vieux monde militaresque, envahisseur, rodomontesque, matamoresque, honneur et patrie et cacochyme.



Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane







( Pour le voir : www.youtube.com/watch?v=1iJqwxEHB40)



Jules Vanobbergen, né le 6 juillet 1936 à Bruxelles, est un chanteur mieux connu sous le pseudonyme Le Grand Jojo ou Lange Jojo chez les néerlandophones.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Grand_Jojo






Le sergent Flagada
Un Yankee, un soldat
Les muscles de ses bras
C'est comme du nougat



Oui mais à la trompette
C'était une vraie vedette
Une star de cinéma
Le sergent Flagada



C'est lui qui réveillait
Tous les matins
La garnison américaine
Tout le monde au pied du lit
En petit caleçon
Pour l'inspection du capitaine



Mais lui c'était un planqué
Un carottier
C'était le roi de la combine
Il jouait de la trompette
Car il ne savait pas tirer à la carabine



Le sergent Flagada
Un Yankee, un soldat
Les muscles de ses bras
C'est comme du nougat



Oui mais à la trompette
C'était une vraie vedette
Une star de cinéma
Le sergent Flagada



Mais un jour les Indiens
Ont attaqué
La garnison américaine
Tout le monde était allé
Au supermarché
Pour le shopping fin de semaine



Le sergent Flagada
Qui était là
Sonna l'alerte à la trompette
Ils ont tous rappliqué
À pied, à cheval, en pédalo
En trottinette



Le sergent Flagada
Pour avoir fait ça
A reçu de ses gars
Une médaille en chocolat



Le sergent Flagada
Pour avoir fait ça
A reçu de ses gars
Une médaille en chocolat




Le sergent Flagada
Pour avoir fait ça
A reçu de ses gars
Une médaille en chocolat 

mercredi 25 septembre 2013

SOUS LE VOLCAN

SOUS LE VOLCAN

Version française – SOUS LE VOLCAN – Marco Valdo M.I. – 2013

Chanson italienne - Sotto il vulcano – Litfiba – 1993



Cette chanson fut dédiée par les Litfiba à Augusto Daolio des Nomades. Demain Auguste aurait eu 65 ans. Et il s'en est allé il y a déjà 20 ans. Cette page me semble une belle manière de se souvenir de lui



Etna depuis Taormina (1843)  
 Thomas  Cole


Pierres, nous roulons sur la peau de la Terre
Qu'on me donne un sens, une direction, un cheval de lumière
SOS Terre SOS homme
Je suis un volcan et personne ne m'arrête
Hé non
Je suis un volcan et personne ne m'arrête
Oh non non

Coeur rouge
Ma terre a un coeur qui bat très fort
Il pompe le sang rouge, rouge
Du nombril de la vie et de la mort
On ne doit pas gacher du sang
Et on ne peut jeter le mien
Qui naît dans le ventre du volcan
Dans le ventre du volcan
Quelqu'un me donne la main


Sous le volcan
Quelqu'un me donne la main
Quelqu'un ici cependant
Le travail d'une vie vaut un prix au-delà du sens
Mais dans le volcan, tu tombes je tombe je tombe je tombe
SOS Terre SOS homme
Fantôme sous le volcan


Mais tu tombes je tombe je tombe je tombe dans le volcan
Mais tu tombes je tombe je tombe je tombe dans le volcan
Mais tu tombes je tombe je tombe je tombe dans le volcan
Sous le volcan
SOS terre SOS homme SOS
Vent balaye tout
Tremblement de terre efface nous
SOS SOS SOS

mardi 24 septembre 2013

La Canzonisation d'Angelina

La Canzonisation d'Angelina

Canzone française – La Canzonisation d'Angelina – Marco Valdo M.I. – 2013
Histoires d'Allemagne 95
An de Grass 96

Au travers du kaléidoscope de Günter Grass : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary. 











Comme toutes les précédentes, cette Histoire d'Allemagne raconte une séquence au travers du soliloque d'un narrateur ; ici, il s'agit d'un journaliste ou d'un chroniqueur – en l'occurrence, Günter Grass lui-même. Au départ, il devait tirer d'un certain professeur Vonderbrügge, une sommité internationale dans la génétique appliquée, les plus scientifiques révélations concernant le clonage des brebis Megan et Morag. Sans doute, cette année-là, le Professeur Vonderbrügge était-il trop occupé, sautant d'un congrès à l’autre, d'un colloque à une conférence... La science n'attend pas, pas plus que la renommée. Comme les call-girls de Koestler, il courait après l'une en courtisant l'autre. En fait, le problème avec ces brebis clonées et les clones en général, c'est – bioéthique oblige – qu'on pourrait se passer de père. La procréation sans père... On était en 1996. Depuis...


Bien évidemment que ça fait problème, même chez nous, chez les ânes. On a beau être des ânes, on n'aimerait pas trop faire les clones.


Certes, Lucien l'âne mon ami, je te comprends, mais rassure-toi pour cette fois, du fait de la défection du professeur, et du fait aussi que notre narrateur n'y connaît pas vraiment grand chose aux clones, il va subitement changer de sujet et je dois te l'avouer, je ne l'ai pas suivi entièrement dans la canzone.


Quoi !? Tu racontes une autre histoire ?


En effet, c'est bien ça. Car notre narrateur dans son récit originel raconte surtout des péripéties familiales, vues et développées par le pater familias, qu'il est. Bref, une envolée patriarcale comme peut en faire notre grand écrivain moustachu et ardent fumeur de pipes. Faut dire qu'il a de quoi raconter avec ses trois femmes, ses multiples enfants... Sans compter les autres, les putatifs et les petits-enfants issus de sa propension à la procréation naturelle. Comme tu le comprends, les clones, ça le fait bondir...


Donc, si je comprends bien, Marco Valdo M.I. mon ami, dit Lucien l'âne en grattant le sol devant lui d'un sabot exalté, tu as laissé le récit du narrateur dans le livre et tu nous en as concocté un autre... Et si je peux le savoir, es-tu disposé à me dire de quoi il s'agit et surtout, le pourquoi de cette trahison ?


Comme tu le sais, Lucien l'âne mon ami, il est une sorte de principe existentiel qui veut que l'occasion crée le larron. Et c'est précisément lui qui est tout à trac entré en action ici-même. Je m'explique. D'un côté, je l'avoue, j'avais du mal à mettre en canzone cette année 1996 dans la version de Günter Grass et comme je te l'ai déjà expliqué, une canzone, une chanson comme celles que je fais en partant de récits d'un auteur, demande un temps de maturation, parfois longue. Ici, je n'y arrivais pas. Il fallait que surgisse un déclencheur, une idée, un fil conducteur, un axe poétique en quelque sorte. Oh, il couvait sans doute depuis longtemps... Et il a surgit ce dimanche... Tu vas comprendre. D'abord : combien de fois, n'ai-je pas dit : REGARDEZ CE QU'ILS FONT AUX GRECS ou encore, combien de fois, n'ai-je pas parlé du « rêve d'Otto »... C'est une des clés.


Je commence à comprendre. Mais, Marco Valdo M.I. mon ami, tout cela est déjà abordé dans les précédentes histoires d'Allemagne ou dans d'autres de tes chansons... Mais, tu me dis, que c'est une des clés. Quelles sont les autres ?


Je dirais plutôt, « quelle est l'autre ? » Eh bien, Lucien l'âne mon ami, l'autre, c'est tout simplement le résultat des élections allemandes de ce dimanche et tout le tam-tam qui est fait autour d'Angela Dorothea Merkel, née Kasner, l'indéboulonnable chancelière allemande. Du moins, jusqu'à présent.


Mais tout a une fin...


D'ailleurs, en soi, elle importe peu. Comme d'autres avant elle, elle est le véhicule du « rêve d'Otto », qui comme tu l'as bien noté est le thème central de ces Histoires d'Allemagne. Restait quand même à trouver une autre clé, celle qui conduit à la canzonisation de notre héroïne. Et là, je dois bien avouer mon goût pour certain chanteur populaire de nos régions, tu l'as certainement déjà entendu, vu qu'il est un producteur de scies et de tubes, tout en poursuivant sa carrière de trente-six métiers. Bref, c'est en fredonnant son Angelina que m'est venue enfin cette canzone. J'ai d'ailleurs conservé – pour le rythme et le clin d'oeil une bonne citation de l'Angelina d'origine.


Marco Valdo M.I., mon ami, je vais te prouver ici, illico, sur le champ que je connais moi aussi cette Angelina du Grand Jojo et te la réciter du début à la fin :

« ANGELINA


Elle faisait des macaronis
Dans une fabrique de spaghettis
Angelina
Angelina
C'était la reine de la pizzeria

Elle avait de beaux cheveux longs
Et des yeux noirs comme du charbon
Angelina
Angelina
Et elle jouait bien de la mandolina

Ti voglio bene
(Ti voglio bene)
Angelina, c'est la plus belle
Amore mio
(Amore mio)
Y a des p'tites fleurs sur ses jarretelles
Ma qu'elle est belle
Dans sa chemisette en flanelle
O mama mia
(O mama mia)
Angelina, baccia mi

Elle m'a présenté son papa
Ses frères, ses sœurs et sa mama
Angelina
Angelina
C'était la reine de la pizzeria

Oui, mais ce que je n' savais pas
C'est qu'ils étaient de la Mafia
Angelina
Et le lendemain j'ai pris le train
Pour l'Italie, voir le parrain

O mama
Zouma zouma, j'étais là
O mama
Qu'elle était chouette, Angelina
O mama
En Italie, ça va comme ça
Allez, tout le monde en chœur et en avant la musica !

Et le parrain était d'accord
On s'est mariés, c'était du sport
Entourés de nos deux témoins
Des moustachus, des Siciliens

En voyant sa robe de dentelle
Ils ont crié "Ma qu'elle est belle !"
Pendant que moi, j' tenais sa main
Elle m'a dit oui en italien

O mama
Zouma zouma, j'étais là
O mama
J'aurais jamais dû faire ça
O mama
En Italie, ça va comme ça
Allez, tout le monde en chœur et en avant la musica ! »...


Bravo, Lucien l'âne mon ami. Ceci dit, c'est quand même une chanson sur l'immigration italienne en Belgique... Donc, j'avais trouvé mon personnage et un substrat musical, suffisamment dérisoire pour portraicturer ce personnage d'Angelina. Et c'est ainsi que la Chancelière, incarnant le « rêve d'Otto » est devenue Angelina la bergère menant les moutons européens droit dans le cauchemar d'Otto.


Mais que viennent faire ici le buffle et l'agnelle ? Si tu le sais, dis-le moi... Donne-moi, là-aussi, au moins une clé...


Lucien l'âne mon ami, je ne pourrais rien te refuser. Note que là, on change carrément de registre et de procédé de décapage du vernis de la bonne et vertueuse société allemande. Alors, la clé s'appelle Heinrich Böll, auteur des Deux sacrements...qu'il te faudra bien aller lire pour découvrir le sacrement du buffle et celui de l'agneau, qui au féminin devient l'agnelle.


Allons, finissons cette petite conversation et voyons ta chanson et tissons le linceul de ce vieux monde cauchemardesque, clonesque, angélique, moutonnier et cacochyme.



Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Cette année-là, le professeur
Vonderbrügge devait me parler
De Megan et Morag, deux sœurs
Parfaites brebis clonées
Cependant, il ne le fit pas.
Je ne connais pas les clones, moi
Alors, je parlerai d'Angelina
Déjà ministre cette année-là

Elle avait de beaux cheveux blonds
Et des yeux d'un bleu profond
Angelina
Angelina
Avec un tempérament de bufflon

Alliance du buffle et de l'agnelle
Parfaite Union
Marquée à l'aune immortelle
Des deux sacrements germains
Angelina, d'ex-voto en ex-voto
Accomplit son destin
Portée par le rêve d'Otto

Elle avait un pasteur pour papa
Sa maman, un frère et sa sœur Irena
Angelina
Angelina
C'est la reine de la Germania
Angelina
Céleste agnelle
Au sourire d'agneau
Au front de buffle
Portée par le rêve d'Otto

De loin, de plus près, des bruits de pieds
Un troupeau de moutons gris
Brebis suivant le bélier
Agneaux suivant les brebis
Avec l'insouciance moutonnière
Ignorant les clones sans père
Suivait Angelina la bergère.
Avec la même insouciance moutonnière
Des troupeaux qu'on mène à l'abattoir
Marche maintenant l'Europe entière

Accomplissant le rêve d'Otto ou plutôt, son cauchemar.

BRIGAND ON MEURT

BRIGAND ON MEURT

Version française – – Marco Valdo M.I. – 2011 (2013)
Chanson napolitaine – Brigante se more – Musicanova
De Carlo D'Angiò et Eugenio Bennato



Fin d'été au Sud




Oh, mais, Marco Valdo M.I. mon ami, tu l'avais déjà publiée cette version, cette version française de la chanson de Bennato... Ce BRIGAND ON MEURT.

Certainement. Et si je la republie aujourd'hui, c'est que je voulais la rafraîchir un peu pour l'envoyer à un mien ami d'origine napolitaine qui vit dans ces pays-ci et qui s'intéresse à ses racines et dès lors, au sud et aux brigands. Je ne démêlerai d'ailleurs pas tous les fils qui l'y conduisent. Il vit ici et y a passé toute sa vie (jusqu'à présent...), car c'est un enfant de l'émigration (au départ), de l'immigration (à l'arrivée). Pour le reste, il s'y reconnaîtra, tout comme tu l'as reconnu. J'en reviens au texte de départ...



Être sudiste en d’autres terres.
Voilà les pensées que me suscite cette remarquable chanson.


Quoi ? Tu es du Sud... ?, toi Marco Valdo M.I. mon ami. Je ne l'aurais jamais cru. Que je sois du Sud, moi, le somaro, l'âne, enfant d'Apulée de Madaure (Tunisie, actuellement), je le comprendrais, mais toi...


Quoi ? Tu es du Sud... ?, toi Lucien l'âne mon ami. Je ne l'aurais jamais cru. Comment peux-tu prétendre cela, toi qui viens, tu l'avoues à l'instant, du Nord, de l'Afrique du Nord... Tu vois, Lucien l'âne mon ami, tout est relatif pour un enfant ou un âne du Niger ou d'Angola, du Congo ou de la Tanzanie, tu es franchement du Nord. Pareillement, un Padanien (si tant est qu'il en existe...) peut sans doute se targuer d'être du Nord, mais il est franchement du Sud quand on le regarde avec mes yeux ou avec des yeux danois, suisses, autrichiens, luxembourgeois, hollandais, polonais, russes, finnois, suédois, norvégiens... Bref, on est toujours au Nord ou au Sud de quelqu'un ou de quelque part. Il faudrait camper sur le pôle pour échapper à cette dichotomie. Encore qu'au pôle Sud, on soit au Sud de tout le monde et au pôle Nord, au Nord de tout le monde. Ce qui n'est vrai que pour une personne... À ceci près toutefois, que ce sont des endroits inhabitables.


Marco Valdo M.I., tu es un personnage plein d'humour et j'aime beaucoup cette manière ironique de mettre à mal certaines prétentions fondées sur une boussole folle. Mais cependant que veux-tu dire, toi qui es très largement au Nord de toute l'Italie, quand tu me dis que tu es du Sud ?


Eh bien, tout remonte à la construction d'un État fantôme, imposé aux peuples par les puissances séculaires, dont certaines ont depuis disparu... L’Empire austro-hongrois, l'Empire russe, la Prusse et toutes les principautés germaniques... Mais l’État qu'ils avaient imposé par peur des Lumières est toujours là et opprime les populations qui y habitent. Cet État, que je me garderai bien de qualifier autrement en tant que tel, n'a – à proprement parler, comme tous les États d'ailleurs, rien fait, rien décidé, rien proposé, rien développé... Il fut et reste l'instrument de certaines personnes, castes, partis, groupes, holdings, gangs... qui ont tout intérêt à le maintenir en place, car en quelque sorte, c'est leur raison d'exister. Il est loisible à chacun de donner à ceux-là le nom qu'ils méritent à ses yeux.


C'est précisément ce que nous reprochons aux États en général, dit Lucien l'âne. Quand je dis nous, c'est moi, c'est toi, c'est le peuple, ce sont les « somari ». Je te le répète : les États sont les instruments de certaines coteries... C'est bien le sens du Christ s'est arrêté à Eboli, c'est bien le sens de la phrase des paysans sans terre de Lucanie (mais tout autant de ceux de Sicile, de Calabre, de Sardaigne, d'Afrique du Nord, du Sud, d’Amérique du Sud, d'Asie et d’ailleurs...). « Noi, non siamo cristiani, siamo somari ». Jusqu'à présent dans l'histoire des hommes, « L’État, c'est moi, l’État, c'est nous » est une parole de riches, de puissants, de gens du pouvoir. Leur seule légitimité, c'est d'avoir pris le pouvoir... De quelque façon que ce soit... D'ailleurs, crois-moi, on prend toujours le pouvoir par un tour de passe-passe, par force ou en se fondant sur la tromperie (ils appellent ça des promesses électorales)... Le pouvoir, c'est comme la richesse, on le prend toujours au détriment des autres, des plus faibles, des crédules... L’État est un instrument des riches dans la Guerre de Cent Mille Ans qu'ils mènent contre les pauvres pour prendre le pouvoir, pour garder le pouvoir, pour accroître leurs richesses, pour étendre leur domination, pour assurer leurs privilèges, pour exploiter le travail des pauvres, pour prendre la vie des gens et l'obliger à s'épuiser à leurs profits. Par corollaire, toute participation à la machinerie mise en place pour camoufler cette vérité implacable est une pure et simple abdication de sa propre qualité d’être humain, un ralliement au camp et à la société des riches dans la Guerre de Cent Mille Ans et une acceptation de la responsabilité que cette société (qui n'est pas la nôtre et à laquelle nous ne nous rallions pas) endure dans la destruction des espèces vivantes, toutes les espèces, y compris l'espèce humaine. La poursuite de la richesse est la pire ennemie de la vie elle-même.


D'accord, Lucien l'âne mon ami, mais ce n'était pas la question ici. Quoique... Pour en revenir à mon qualificatif de « sudiste » ou d'habitant du Sud... Il se réfère tout simplement à la Wallonie, qui est une région du Sud, située sur le territoire de l’État Belge... dont plus personne ne sait ce qu'il est, ni sa raison d’être, hormis celle évoquée ci-dessus. Tout ce que je peux en dire, c'est qu'ici aussi, le Sud est exploité par le Nord, que les régions du Sud sont écrasées par la domination du Nord, même si les gens du Nord prétendent à une autre vérité historique, même si leur propagande affirme le contraire. Notre région a subi et subit encore un destin similaire à celui des populations de l'autre côté du mur : chômage, destruction industrielle, misère croissante des services publics, sous-équipement, privatisation accélérée... Bref, un destin de Sud au sens où l'entend la chanson du jour. Il est temps que cela se sache et que la propagande venue de notre Nord ne soit plus prise au sérieux par personne, si tant est qu'il y ait eu un jour quelqu'un pour y croire...


C'est toujours ainsi avec la propagande, dit Lucien l'âne. Son but principal est de faire prendre le faux pour le vrai, le mensonge pour vérité, d'inverser offenseur et offensé... Et tant plus on en remet, tant plus le mensonge est énorme, tant plus on arrive à y faire croire... Mais nos amis italiens le savent bien eux qui ont subi le fascisme et qui subissent aujourd’hui le bunga-bungisme.


Pour éclairer ta lanterne, sache, mon ami Lucien l'âne, toi qui viens de si loin, que les gens d'ici (ceux du Sud, ceux de Wallonie) n'ont jamais, au grand jamais attaqué personne, n'ont jamais au grand jamais exploité une population, c'est-à-dire d'autres gens, n'ont jamais – comme tous les somari du monde ni envahi, ni conquis les pays et les régions voisines ; ils n'ont jamais fait que se défendre... Quant à la caste wallonne, cette couche de riches qui exploitait la population wallonne, elle était tellement nulle qu'elle n'aurait pu être conquérante ailleurs et par voie de conséquence, elle n'a jamais pu exploiter... les régions du Nord... Elle a d’ailleurs perdu son propre dominium dans le Sud... Quant à obliger les populations du Nord à parler la langue en usage chez nous (le français, qui est notre italien à nous), jamais au grand jamais, il n'en a été question, jamais au grand jamais, ce ne fut une volonté des populations du Sud – d’ailleurs leurs volontés n'ont jamais été prises en compte... Elles ont même été systématiquement étouffées, contrecarrées, écrasées... Mais l'inverse est vrai... Pour quelque obscure raison que nous n'arrivons pas à entrevoir, on nous impose contre notre volonté la langue des deux tiers de la population de ce pays fantôme, de cet ectoplasme, on l'impose dans l'enseignement, on gaspille des sommes folles à vouloir l'inculquer (enfoncez-vous bien ça dans la tête !) à nos enfants comme on nous l'a fait bouffer à nous-mêmes – sans trop de résultat, je te rassure. On l'impose en matière d'emploi, elle est cause de discrimination, y compris salariale. Comme disait Léo Ferré, Y en a marre !


Oui, tu as raison, Marco Valdo M.I. C'est là aussi un épisode de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres pour accroître leur richesse, renforcer leur domination, étendre leurs pouvoirs, multiplier leurs profits... Car vois-tu, il en va des régions ou des pays comme des hommes... les régions, les pays eux aussi sont acteurs dans cette terrible guerre. Et pour cela aussi, il nous faut avec « obstination et en sens contraire » tisser le linceul de ce vieux monde mensonger, paré de propagande et cacochyme.




Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.






Eugenio Bennato





Nous avons posé nos guitares et nos tambours
Car cette musique doit changer.
Nous sommes des brigands, nous faisons peur
Avec le fusil, nous voulons chanter.

Et maintenant, nous chantons cette chanson nouvelle
Tous les gens doivent l'apprendre
Nous nous foutons du roi Bourbon
Notre terre est nôtre et on n'y touche pas.
Notre terre est nôtre et on n'y touche pas.

Tous les villages de la Basilicate
Se sont réveillés et veulent lutter
Même la Calabre est en révolte
Et nous faisons trembler cet ennemi
Et nous faisons trembler cet ennemi

Celui qui a vu le loup et s'est épouvanté
Ne connaît pas encore la vérité.
Le vrai loup qui mange les enfants
C'est le Piémontais que nous devons chasser
C'est le Piémontais que nous devons chasser

Belles femmes qui donnez votre cœur,
Si vous voulez sauver le brigand
Ne le cherchez pas, oubliez jusqu'à son nom,
Qui nous fait la guerre est sans pitié
Qui nous fait la guerre est sans pitié.

Homme on naît, brigand on meurt
Mais jusqu'au dernier, nous devons tirer
Et si nous mourons, apportez une fleur
Et malédiction pour cette liberté.
Et malédiction pour cette liberté.