lundi 13 décembre 2021

Vivre en Zinovie

 

Vivre en Zinovie


Chanson française – Vivre en Zinovie Marco Valdo M.I. – 2021




LA ZINOVIE
est le voyage d’exploration en Zinovie, entrepris par Marco Valdo M. I. et Lucien l’âne, à l’imitation de Carl von Linné en Laponie et de Charles Darwin autour de notre Terre et en parallèle à l’exploration du Disque Monde longuement menée par Terry Pratchett.
La Zinovie, selon Lucien l’âne, est ce territoire mental où se réfléchit d’une certaine manière le monde. La Zinovie renvoie à l’écrivain, logicien, peintre, dessinateur, caricaturiste et philosophe Alexandre Zinoviev et à son abondante littérature.


LA ZINOVIE

Épisode 1 : Actualisation nationale ; Épisode 2 : Cause toujours ! ;
Épisode 3 : L’Erreur fondamentale ;

Épisode 4 : Le Paradis sur Terre ; Épisode 5 : Les Héros de l’Histoire ; Épisode 6 : L’Endémie ; Épisode 7 : La Réalité ; Épisode 8 : La Carrière du Directeur


Épisode 9




DANSE POPULAIRE


Kazimir Malevitch - ca.1910



Dialogue Maïeutique


Vivre en Zinovie, c’est toute une affaire, Lucien l’âne mon ami. D’abord, il ne faut pas oublier que la Zinovie d’aujourd’hui est le fruit d’une révolution d’hier ou d’avant-hier.


Ben voyons, Marco Valdo M.I. mon ami, ça je le sais et je ne l’ai pas oublié. Je le garde toujours à l’esprit ; c’était une grande eschatologie que cette révolution – elle annonçait la fin de l’ancien monde, elle prédisait le paradis.


Donc, reprend Marco Valdo M.I., ce fut une révolution qui avait proclamé de belles ambitions ; il était question d’égalité, d’abondance, de pouvoir au peuple et que sais-je encore.


Et n’est-ce pas ce qui a été fait, demande Lucien l’âne ?


Si fait, répond Marco Valdo M.I., les révolutionnaires au pouvoir ont fait ce qu’ils voulaient. D’ailleurs, on vit fleurir, par exemple, des écoles ; on mettait tout le monde au travail ; on discutait en assemblées, on organisait la société. Faites des efforts qu’ils disaient pour l’avenir radieux ; nous sommes l’antichambre du paradis. Le tout est d’y croire, et au commencement, les gens y ont cru. De fait, c’était un beau début.


Hou là, dit Lucien l’âne, dès qu’on parle de croire et qu’on parle de paradis, ça sent l’arnaque.


Oh, dit Marco Valdo M.I., en fait d’antichambre du paradis, la nouvelle société accouchait d’un monstre. Les gens disaient : L’avenir radieux, l’antichambre du paradis, c’est bien beau, mais, nous on vit dans le présent. Ne touchez pas à notre monde tel qu’il est, disaient certains ; celui-là, on le connaît, on en connaît les règles, on sait comment y faire carrière.


Faire carrière, dit Lucien l’âne, c’est tentant, mais comment ? Tout le monde ne peut pas faire la carrière du directeur.


Bien sûr, Lucien l’âne mon ami, mais il y a d’autres voies vers les sommets et la chanson en détaille trois et la façon, les obstacles qui s’y dressent et les moyens à mettre en œuvre pour réussir. En résumé, il y a

— la voie du héros, mais :

« Pas facile, d’être un héros,

Le travail tue bien les chevaux.

Pour la majorité,

C’est un canal à éviter. »

— la voie de l’économie, où :

« Certainement, on peut réussir,

On peut voler, on peut s’enrichir.

Reste le danger d’être limogé ;

Il faut s’assurer d’être protégé. »

et la troisième est la carrière militaire :

« Au fin fond d’un trou,

Pendant des années moisir

Et s’ennuyer à périr

À garder une vide immensité. »


Mais, dit Lucien l’âne, il doit bien y en avoir qui réussissent ; tous ne peuvent systématiquement échouer.


Évidemment qu’il y en a qui réussissent, dit Marco Valdo M.I. ; c’est bien pour ça qu’il y en a tant qui échouent. En Zinovie (mais n’est-ce pas le cas ailleurs ?), pour réussir, il faut écarter (écraser ?) les autres. C’est l’histoire des spermatozoïdes :

« Tous les autres vainqueurs, ceux qui sont déjà dehors,
Ils m’attendent pour se battre pour voir qui sera le plus fort,
Mais quand je sortirai, il n’y aura plus de vacances ;
Pendant soixante-dix ans, la bagarre recommence.
C’est la vie, c’est la vie ! »


En somme, tous pour un, c’est le principe de base de la solidarité telle que la conçoit le groupe et puis, il faut maintenir l’unité et la continuité dans le changement contrôlé.


Forcément, dit Lucien l’âne, ça laisse peu de place à l’initiative, ça limite drastiquement les nouveautés et en quelque sorte, ça chloroforme l’originalité. Mais passons, je ne doute pas qu’on en reparle. À présent, tissons le linceul de ce vieux monde perclus, arthritique, engourdi, perclus et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane





La Zinovie est une conglomération

De diverses populations

Avec une histoire, des traditions,

Des modes de vie et des chansons.

Sa capitale est Zinovou.

C’est le centre de tout :

Des poupées-gigognes révolutionnaires,

Du sport, des danses populaires,

Et de grandes fêtes pour les gens

Et des berceuses pour les enfants.

Ce qui pourrait changer le pays

Est définitivement banni.


Il y a des chemins en Zinovie,

Pour vivre et gagner bien sa vie,

Des voies, des canaux du succès

Où la plupart n’accèdent jamais.

Être héros du travail, faire un exploit

Est une difficile vocation ;

Il y faut de la ténacité et de l’obstination

Du courage, de la force pour trois.

Pas facile, d’être un héros,

Le travail tue bien les chevaux.

Pour la majorité,

C’est un canal à éviter.


La voie dorée de l’économie

Est périlleuse en Zinovie.

Elle conduit loin, elle mène tôt

Jusqu’au plus haut niveau.

Pas si simple qu’on peut croire :

Il faut courir de tous côtés ;

Puis, il faut savoir et savoir boire.

Et il faut quand même bosser ;

Certainement, on peut réussir,

On peut voler, on peut s’enrichir.

Reste le danger d’être limogé ;

Il faut s’assurer d’être protégé.


Pour la carrière militaire,

Tout est ordonné, tout est clair.

Aux sommets, on peut grimper ;

Et patient, lentement y arriver.

En attendant, on boit beaucoup,

On a des responsabilités,

Et loin de chez nous,

Se carapater et s’enterrer

Au fin fond d’un trou,

Pendant des années moisir

Et s’ennuyer à périr

À garder une vide immensité.


VIVE LA PAPE À LA TOMATE

 



VIVE LA PAPE À LA TOMATE


Version française – VIVE LA PAPE À LA TOMATE – Marco Valdo M.I. – 2021

Chanson italienne – Viva la pappa col pomodoro – Lina Wertmüller (Rita Pavone)1964


Texte : Lina Wertmüller
Musique : Nino Rota
D
u feuilleton télévisé :
Il Giornalino di Gian Burrasca (
tiré du roman de Luigi Bertelli “Vamba”)
Réalisation : Lina Wertmüller
C
hanson interprétée également par Irene Grandi con Stefano Bollani





Vive la papapape à la totototototomamate !




Quand, l’autre soir, on me l’a fait entendre au CPA Firenze Sud, ma première réaction a été de ricasser : « On devrait mettre pappaaippomodòro (La pape à la tomate) dans les Chansons contre la Guerre. » Je l’ai dit comme ça, à la florentine, parce que ça ne sert à rien de tourner autour du pot : la pape à la tomate (et non pas “aux” tomates !) n’est connue qu’à Florence (une de ces choses très simples que peu de gens savent faire correctement). Il ne m’a fallu qu’une minute à peine pour y repenser ; je me suis souvenu de la plus célèbre “chansonnette” du « Giornalino di Gian Burrasca » (Le Journal de Jean Bourrasque), et je me suis dit qu’il devait y avoir eu d’autres temps, autres et lointains, où dans une chanson écrite pour une série télévisée consacrée à « l’enfance » (mais seulement jusqu’à un certain point…) on chantait des choses comme : « L’histoire du passé / nous a appris maintenant / qu’un peuple affamé / fait une révolution ». Comprends qui peut. Puis je me suis souvenu que le scénario en question avait été réalisé par Lina Wertmüller ; et tout est alors devenu plus clair pour moi, étant donné que Wertmüller elle-même a également écrit les paroles de la chanson, avec une musique de Nino Rota (!!!). Lina Wertmüller et Nino Rota ; les mêmes que dans Canzone arrabbiata. Ceci étant, pappaaippomodòro (La pape à la tomate) a vraiment fini par arriver dans les GCC, car c’est une véritable chanson de combat. Nous n’entrerons pas dans tous ces détails ici ; et je pense que, si elle nous lisait, même Lina Wertmüller serait d’accord de tout cœur.


Rappelons brièvement l’histoire de cette chanson. Le « Giornalino di Gian Burrasca », écrit en 1907 par Luigi “Vamba” Bertelli, journaliste et écrivain florentin, a voulu être et a été l’hymne de sincérité d’un garçon de neuf ans (Giannino Stoppani, appelé « Gian Burrasca » en raison de son comportement résolument exubérant) contre l’hypocrisie des adultes et, donc, de la société entière. Luigi Bertelli n’est pas exactement un « révolutionnaire » ; au contraire, il est en perpétuelle polémique contre les socialistes de l’époque qui, d’ailleurs, dans la figure de l’avocat Maralli (le mari de la sœur aînée de Giannino, littéralement déchiré mis en pièces par ce dernier), sont visés et moqués dans le “Giornalino”. Mais, en même temps, le « Giornalino di Gian Burrasca » est une œuvre anarchique, dans laquelle les “gamineries” d’un enfant (et quelles gamineries !) mettent à nu toute une société, celle de l'“Italietta” des années d’avant-guerre, dans toutes ses composantes. À la fin, Giannino est placé dans un pensionnat, la punition ultime pour un garçon, un peu comme une prison. Le pensionnat Pierpaolo Pierpaoli est dirigé par le strict et avide M. Stanislao, grand et maigre, et sa femme Geltrude, basse et grasse. Dans ce nouvel environnement, Gian Burrasca se fait rapidement des amis malgré son âge, et rejoint notamment la société secrète locale « Un pour tous et tous pour un ». Quand, à la suite d’une énième gaminerie, Giannino est enfermé dans une sorte de prison et découvre que la délicieuse soupe maigre du vendredi n’est autre que le fruit de la reconversion des plats de la semaine, il décide de révéler la porcherie en laissant, jour après jour, avec ses camarades, de petites boules d’aniline sur les assiettes : la couleur rouge de la soupe révélera à tous son origine le vendredi suivant. Les directeurs de l’internat tentent d’abord de minimiser l’incident et fournissent d’autres excuses pour la couleur anormale du plat, mais ils sont contraints d’admettre la fraude et de remplacer le plat par de la pappa al pomodoro, très désirée par les enfants, lorsque l’un des conspirateurs met en garde les convives contre l’ingestion du colorant artificiel. Face au harcèlement de M. et Mme Stanislao, ils décident de s’enfuir et Giannino est également renvoyé chez lui suite au scandale.


Une révolte, donc : « Le peuple affamé fait la révolution », et la « révolution » provoquée par la concomitance des ventres vides et les tromperies de qui commande, tromperies dérivées du profit. Il y a de quoi voir beaucoup, beaucoup de choses dans cette petite chanson, et la personne qui me l’a fait remarquer avait raison. La voici donc, interprétée par une toute jeune Rita Pavone, qui jouait le rôle de Giannino dans la série télévisée (qui a connu un succès retentissant : tout le monde s’en souvient encore aujourd’hui, même ceux qui n’étaient pas encore nés à l’époque). À propos, la pappa al pomodoro est l’une des “constantes” de la CPA ; si vous voulez la déguster correctement, vous devez venir dans un endroit où la “révolution” coûte, à tous, dénonciations, prison et assignation à résidence. [RV].




Vive la papapape

À la totototototomamate !

Ah ! Vive la papapape,

À la saveur écaca, écarlate !

Vive la papapape

À la totototototomamate !

Lhistoire du passé

Nous a fait la leçon

Qu’un peuple affamé

Fait la révolution ;

Affamés,

Nous avons raison de nous révolter.

Alors, sans façon,

Mangeons la collation.


Vive la papapape

À la totototototomamate !

Ah ! Vive la papapape,

À la saveur écaca, écarlate !

Vive la papapape

À la totototototomamate !

Le ventre qui barbote

Est cause d’aigreurs

Et cause qu’on complote.

« À bas le directeur ! »

La soupe est cuite

Et chantons en chœur :

Nous voulons sur l’heure,

La pape à la tomate !

Vive la papapape

À la totototototomamate !

Ah ! Vive la papapape,

À la saveur écaca, écarlate !

Vive la papapape

À la totototototomamate !

Vive la papapape

À la totototototomamate !