mardi 16 octobre 2018

DEUX POLOS ROUGES

DEUX POLOS ROUGES

Version française – DEUX POLOS ROUGES – Marco Valdo M.I. – 2018
Chanson italienne – Due magliette rosse – Modena City Ramblers – 2013

« Rien de nouveau sur le front occidental », dont est tirée la chanson, est un double album des Modena City Ramblers, le treizième de leur carrière. Voici les dix-huit les chansons contenues dans l’album, écrites, arrangées et produites des Modena City Ramblers :








Le 17 décembre 1976. Quatre garçons, alors, en polo, short courts et en chaussures de tennis, permirent à l’Italie, outre de conquérir un Trophée prestigieux, et aussi à tout un peuple d’avoir un instant d’espoir même si ce n’était que dans la défaite d’un match. Ces garçons, quatre, s’appelaient Panatta, Bertolucci, Barazzutti, Zugarelli. Le match, la finale de Coupe Davis, au Stade National de Santiago du Chili.

Tout qui était alors, dans le sens d’exister et avoir l’âge suffisant pour comprendre, se rappelle très bien les polémiques, les dilemmes politiques en plus que d’ordre moral, qui ont précédé et accompagné cet événement.

Cette finale se joua dans un climat terrible en raison de la situation politique de ce pays (le Chili de Pinochet) et les oppressions subies par le peuple chilien par cette dictature fasciste qui avait comme chef suprême le général Pinochet. « On y va, on n’y va pas », le dilemme était terrible. Mais on y alla, on décida d’y aller, même avec l’appui du secrétaire du PCI (Parti Communiste Italien) de l’époque, Enrico Berlinguer. « Cette Coupe ne doit pas aller à Pinochet » est un peu le résumé de cette décision.

Nous ajoutons : Il ne doit pas avoir de gratification et de soutien pour cette dictature.
La décision fut prise par Panatta : « Paolo (Bertolucci ndr), demain, nous mettrons une polo rouge », comme le raconte le même Panatta.

Ce « rouge », si effronté, au milieu du terrain, il nous plaît penser qu’il fut au moins dans cette occasion un symbole d’espoir, si pas de liberté, en plus d’être de la couleur du sang.
Le sang de tant et tant de gens, jeunes, femmes et vieux, assassinés et massacrés.
Nous avons toujours eu
un énorme respect et une grande estime envers ces peuples qui ont souffert ce genre d’atrocités, quelle que soit « couleur » ou l’idée au nom desquelles elles furent effectuées.



Dialogue Maïeutique

Coupe Davis ou aux Jeux olympiques ont des relents de nationalisme et prestige. Le mieux serait de ne jamais participer à ces mascarades. Panem et circences, vieille méthode pour lénifier les populations, la pratique est amplifiée par les ambitions et les délires engendrés par la compétition et les commérages dithyrambiques des médias, fort soucieux de leur audience et de leurs ventes. Dit autrement, Nihil novum sub sole. Cela étant, à partir du moment où on est tombé dedans, le mieux est de nager pour en sortir au plus vite. Autrement dit, arrivés au stade où ils en étaient, ces joueurs acculés dans une impasse, ont fait ce qu’ils ont pu. Mais l’arbre des « polos rouges » ne saurait cacher la forêt de l’absurde compétition comme modèle social, qu’il convient de constamment réaffirmer. Malheur à ceux qui ne participent pas de l’idiotie collective et de la myopie intellectuelle ! Les intérêts en jeu sont considérables. Nations et capitaux sont les deux mamelles du sport et pour l’irriguer les gloires et les argents coulent à flots. Il s’agit de drainer les émotions collectives pour noyer les pensées individuelles. Que la source du pouvoir soit la force, l’argent ou le nombre, c’est en fait la base de tous les régimes, idéologies, religions, partis, etc. qui de par leur nature même, sont totalitaires. Certes, il en est de plus souples et de plus accommodants que les autres, mais dans le fond, il s’agit de faire prendre des vessies pour des lanternes ; on le disait déjà dans Les Lanternes libérales.

Oh, Marco Valdo M.I. mon ami, c’est curieux, mais ces histoires de matchs me rappellent la campagne sportive de Kiev en 1942 où la réalité est venue s’imposer finalement aux joueurs du « Start », qui dos au mur (au sens propre), furent contraints de jouer ce championnat de la mort. Eux, c’est sûr n’avaient pas le choix. Souviens-toi, ils avaient gagné tous leurs matchs, ils avaient gagné la finale – c’était du football – par 5 à 3 et puis :

« Ces nazis ne veulent pas en démordre
Ils nous laissent une dernière chance de perdre
Face à Rukh, on répond huit à zéro.
On est des joueurs, pas des héros.
On est tous morts rapidement
Sauf un qui a pu s’échapper… »

Enfin, que pouvons-nous y faire à ces déferlements fanatiques ? Alors, tissons obstinément le linceul de ce monde gangrené par l’avidité, sportif, compétitif et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.


Deux polos rouges, dans le Stade de la Mort,
Deux polos rouges comme le sang dans les fosses,
Pour les mères de Santiago et leur liberté,
Défièrent le pouvoir avec grande dignité.

« Pinochet sanguinaire, Panatta millionaire ! »
Criaient dans les cortèges, dans les places et dans les routes,
Réclamaient à haute voix « Ne jouez pas le match ! »,
Ne frappez pas cette balle, ne la lui donnez pas vaincue.

Mais Enrico Berlinguer dit : « Vous devez y aller,
Jouez pour les mères et le monde vous regardera,
Vous n’avez pas à avoir peur, entrez la tête haute,
Jouez le match, ne leur laissez pas la victoire ! ».

Dans la chaleur de décembre de l’hémisphère austral,
Ils entrèrent dans ce stade encadrés de soldats,
Le Général les regardait debout sur les gradins,
Hautain avec ses moustaches et ses yeux d’assassin.

Adriano dit Paolo « As-tu apporté ce polo ?
Aujourd’hui, nous jouons avec lui ! Rouge et beau !
Tu n’as rien à craindre, jouons la tête haute,
Jouons le match, ne leur laissons pas la victoire ! ».

Deux polos rouges dans le Stade de la Mort,
Deux polos rouges comme le sang dans les fosses,
Pour les mères de Santiago et leur liberté,
Défièrent le pouvoir avec grande dignité.

Et levèrent la coupe dans le Stade de la Mort.
Deux polos rouges comme le sang dans les fosses,
Pour les mères de Santiago et leur liberté,
Défièrent le pouvoir avec grande dignité.
Défièrent le pouvoir avec grande dignité !