mardi 21 juin 2022

Les Nullités

 


Les Nullités


Chanson française – Les Nullités Marco Valdo M.I. – 2022



LA ZINOVIE
est le voyage d’exploration en Zinovie, entrepris par Marco Valdo M. I. et Lucien l’âne, à l’imitation de Carl von Linné en Laponie et de Charles Darwin autour de notre Terre et en parallèle à l’exploration du Disque Monde longuement menée par Terry Pratchett.
La Zinovie, selon Lucien l’âne, est ce territoire mental où se réfléchit d’une certaine manière le monde. La Zinovie renvoie à l’écrivain, logicien, peintre, dessinateur, caricaturiste et philosophe Alexandre Zinoviev et à son abondante littérature.




LA ZINOVIE

Épisode 1 : Actualisation nationale ; Épisode 2 : Cause toujours ! ; Épisode 3 : L’Erreur fondamentale ; Épisode 4 : Le Paradis sur Terre ; Épisode 5 : Les Héros de l’Histoire ; Épisode 6 : L’Endémie ; Épisode 7 : La Réalité ; Épisode 8 : La Carrière du Directeur ; Épisode 9 : Vivre en Zinovie ; Épisode 10 : Le But final ; Épisode 11 : Les nouveaux Hommes ; Épisode 12 : La Rédaction ; Épisode 13 : Glorieuse et grandiose Doussia ; Épisode 14 : Le Bataillon des Suicidés ; Épisode 15 : Les Gens ; Épisode 16 : Jours tranquilles au Pays ; Épisode 17 : La Région ; Épisode 18 : Mémoires d’un Rat militaire ; Épisode 19 : L’inaccessible Rêve ; Épisode 20 : La Gastronomie des Étoiles ; Épisode 21 : Le Progrès ; Épisode 22 : Faire ou ne pas faire ; Épisode 23 : Le Bonheur des Gens ; Épisode 24 : La Sagesse des Dirigeants ; Épisode 25 : Les Valeurs d’Antan ; Épisode 26 : L’Affaire K. ; Épisode 27 : L’Atmosphère ; Épisode 28 : La Nénie de Zinovie ; Épisode 29 : L’Exposition colossale ; Épisode 30 : La Chasse aux Pingouins ; Épisode 31 : Le Rêve et le Réel ; Épisode 32 : La Vérité de l’État ; Épisode 33 : La Briqueterie ; Épisode 34 : L’Armée des Chefs ; Épisode 35 : C’est pas gagné ; Épisode 36 : Les Trois’z’arts ; Épisode 37 : La Porte fermée ; Épisode 38 : Les Puces ; Épisode 39 : L’Ordinaire de la Guerre ; Épisode 40 : La Ville violée ; Épisode 41 : La Vie paysanne ; Épisode 42 : La Charrette ; Épisode 43 : Le Pantalon ; Épisode 44 : La Secrète et la Poésie ; Épisode 45 : L’Édification de l’Utopie ; Épisode 46 : L’Ambition cosmologique ; Épisode 47 : Le Manuscrit ; Épisode 48 : Le Baiser de Paix ; Épisode 49 : Guerre et Paix ; Épisode 50 : La Queue ;

 

Épisode 51





LES RAMASSEURS DE POMMES DE TERRE


Georges Rohner - 1956

 


Chez nous, on désigne les volontaires

Pour la récolte des pommes de terre.

 











Dialogue Maïeutique


Oui, Lucien l’âne mon ami, il faut toujours faire attention au titre de la chanson et

c’est spécialement le cas pour celui-ci : « Les Nullités ».


C’est ce que je me disais, répond Lucien l’âne. Je me demandais ce que peuvent bien être ces nullités.


D’abord, reprend Marco Valdo M.I., il faut dire que ce terme, ainsi compris, n’a d’usage qu’en Zinovie et dans les pays qui partagent sa conception des choses et du monde. Il désigne des gens, il les classe, il les catégorise, il les range, il les homogénéise et du coup, il les dépersonnalise. Une nullité n’a plus d’identité.


En quelque sorte, réfléchit Lucien l’âne, ce seraient comme des pions.


Exactement, dit Marco Valdo M.I., et la chanson le dit : « Ce sont des pions peu importants » et, logiquement dès lors, ils ne comptent pas, ils n’existent que comme un matériau primaire que manipulent des « responsables », lesquels comptent et font l’Histoire. D’ailleurs, les nullités ne font pas d’histoires ; les nullités n’ont pas d’histoire. Cependant, il faut remarquer que la chanson elle-même dément cette conception et affirme :


« C’est une terrible absurdité,

Car chose établie par la science,

De l’humanité, la nullité est la quintessence. »


Décidément, dit Lucien l’âne, vue de l’intérieur, la Zinovie est un drôle d’État.


Un pays, Lucien l’âne mon ami, où tout est «  sens dessus dessous, mal fagoté », de guingois, où les citoyens (autrement dit, pour l’essentiel, les nullités) en viennent à se demander et à conclure :


« Faut-il en rire ou en pleurer ?

Nous, on rit d’une triste hilarité. »


Mais au fait, dit Lucien l’âne, il me semble qu’il serait là-bas question d’une guerre ; de quelle guerre s’agit-il ?


La guerre, dit Marco Valdo M.I., la guerre, quelle guerre ? Il n’y a pas de guerre en Zinovie et la Zinovie ne fait pas la guerre, la Zinovie n’envahit pas les pays voisins. Rien de tout ça n’a été confirmé par les « responsables » de la Zinovie. D’ailleurs, officiellement, en Zinovie,


« En Zinovie, l’avenir radieux sourit déjà.

Quel imbécile ne voudrait pas

D’un espoir grandiose comme celui-là ? »


Ambiance, ambiance, dit Lucien l’âne. Quelle ambiance, quelle atmosphère en Zinovie, je n’aimerais pas en être citoyen, j’y serais placé (et toi aussi) au rang des nullités – de celles qu’on envoie devant ; cela est certain. Alors, tissons le linceul de ce vieux monde méprisant, dépressif, démoralisé, immoral et cacochyme.



Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Dans de difficiles conditions climatiques,

À la guerre, on attaqua au printemps

Les villes et les villages pacifiques

De l’ennemi perfide et résistant.

Pour préserver nos forces de commandement,

On mit toutes les nullités devant.

Les nullités sont la base des unités,

Ce sont des pions peu importants,

On les nourrit de bouillie et de mauvais thé,

On les loge dans de précaires cantonnements.

On les gave d’alcool et ils se font tuer.

Ce ne sont ni les premiers, ni les derniers.


En Zinovie, on ne dit rien des nullités,

On n’en fait pas toute une histoire.

Seuls les responsables font l’Histoire,

C’est leur rôle, ils ont mérité

Médailles, récompenses, promotions,

Titres, honneurs et grandes pensions.

En Zinovie, les livres sur les grands hommes

Ont déjà été écrits en d’énormes sommes.

Sur les nullités, pas un seul livre édité ;

C’est une terrible absurdité,

Car chose établie par la science,

De l’humanité, la nullité est la quintessence.


Dans le futur, nous sommes entrés.

Le présent, c’est l’avenir du passé.

Sur la Zinovie, où tout est mal foutu,

Le progrès historique s’est abattu.

En Zinovie, le beau temps reviendra.

En Zinovie, l’avenir radieux sourit déjà.

Quel imbécile ne voudrait pas

D’un espoir grandiose comme celui-là ?

La vodka, vous connaissez ?

Nous, on la siffle sans sourciller.

C’est de l’espérance en concentré.

En Zinovie, on n’en a jamais assez.


En Zinovie, romantisme zéro :

On n’a plus de vrais héros.

Chez nous, on désigne les volontaires

Pour la récolte des pommes de terre.

On assiste aux réunions,

Les guides nous gavent de citations,

On applaudit, on crie c’est bien

En Zinovie, tout est embrouillé,

Sens dessus dessous, mal fagoté.

On se méfie de tout et de rien.

Faut-il en rire ou en pleurer ?

Nous, on rit d’une triste hilarité.

La Vie, c’est comme une Dent

 


La Vie, c’est comme une Dent


Chanson française – La Vie, c’est comme une Dent – Boris Vian – 1959

Paroles et musique : Boris Vian

Interprétations :

Serge Reggiani : https://www.youtube.com/watch?v=D5ChMsVdf9Y

Serge Reggiani : réenregistrement 1978 : https://www.youtube.com/watch?v=q0ttmOUquAs











Dialogue Maïeutique


Encore une chanson sur la vie, dit Lucien l’âne.


Oui, répond Marco Valdo M.I., son titre complet est « La Vie, c’est comme une Dent » et elle est de Boris Vian. Une chanson, c’est beaucoup dire au départ ; juste un petit poème, un de ceux dont Boris était coutumier – il adorait ça. Un petit poème qui en grandissant est devenu une chanson que Serge Reggiani se fit un plaisir d’interpréter. C’est d’ailleurs comme ça, d’une petite idée à une petite sentence, d’une petite sentence à un petit poème que naissent et fleurissent les chansons. Cependant, celle-ci, à bien y regarder, en dit plus que bien des grandes et moins discrètes qu’elle.


Soit, mais que dit-elle ?, demande Lucien l’âne. Mais il faut me dire pourquoi et comment elle est venue ici seulement maintenant, alors que tu la connais depuis longtemps ; cela je le sais.



Oh, dit Marco Valdo M.I., elle dit plein de choses et elle les dit fort bien. Si elle est venue ici à présent, c’est à la suite de la chanson « La Vie » de Léo Ferré, qu’on a insérée récemment, où – dans notre dialogue, je l’avais citée et tout comme cette dernière, elle resurgit du fin fond des années 50 du siècle dernier. Ensuite, cependant, elle a de droit sa place dans des Chansons conte la Guerre du simple fait qu’elle est issue de la même veine que Le Déserteur et qu’à vrai dire, elle lui donne tout son sens : cet attachement profond à la conscience d’être et de la précarité d’exister. Et puis, elle donne à la vie toute sa capacité de résistance, une dimension qui nous est chère.


Oui, dit Lucien l’âne, sans doute ; la vie est le fondement de notre être qu’il importe naturellement de préserver jusqu’à tant que ça en vaut encore la peine. Il y a là une limite certaine autant que floue : celle du moment où, comme une dent précisément, il faut l’arracher, à laquelle chacun in fine est confronté seul ; seul et lui seul et lui seulement doit pouvoir en disposer. Pour ce qui nous concerne et en attendant, tissons le linceul de ce vieux monde absolu, absurde, abstrus, absorbé et cacochyme.



Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane







La vie, c’est comme une dent.

D’abord, on n’y a pas pensé,

On s’est contenté de mâcher

Et puis, ça se gâte ; soudain,

Ça vous fait mal et on y tient

Et on la soigne et les soucis

Et pour qu’on soit vraiment guéri,

Il faut vous l’arracher la vie.