vendredi 30 décembre 2016

LE PAUVRE SOLDAT

LE PAUVRE SOLDAT

Version française – LE PAUVRE SOLDAT – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson italienne – Il povero soldatoGigliola Cinquetti – 1972
Texte et musique : Vassallo-Rubino









« Exécutions de guerre. Témoignages et épisodes de justice militaire du front italo-autrichien, 1915-1918 », par Massimiliano Magli, Nord Press Éditions


Lors de la première guerre mondiale des milliers de soldats italiens moururent pour la Patrie et des centaines d’autres soldats pour cette même Patrie eurent le « devoir » de mourir exécutés. Telle est la tragique constatation de cette étude qui reconstruit le destin de militaires envoyés à la mort parfois, car ils contrevenaient à une cruelle loi martiale ; le plus souvent car, même en respectant cette loi, ils représentaient une occasion idéale d’inspirer la terreur et réduire à une aveugle obéissance les troupes sur le front italien.
L’exécution était la peine la plus grave prescrite par les Codes Militaires Italiens (art. 8-29 Codes Pénaux Armée – art. 7-31 Codes Pénaux Marine) et représentait l’unique manière prévue par notre vieille législation militaire pour infliger la peine de mort. On distingue l’exécution de face et l’exécution de dos.
La première était prescrite pour délits des très graves mais pas déshonorants. Elle était faite par une escouade de douze soldats et un caporal, choisis à l’ancienneté parmi toutes les compagnies présentes au Siège du Corps auquel appartenait le condamné. Pour l’exécution, l’officier plus élevé en grade rangeait les troupes et faisait présenter les armes, il lisait la sentence. Puis, il faisait avancer le condamné, qui pouvait être assisté d’un ministre du culte et après l’avoir fait asseoir, il lui faisait bander les yeux. Si le condamné le demandait pouvait rester debout et sans bandeau. Ensuite, le peloton d’exécution accomplissait sa mission.
L’exécution de dos était infamante et était prescrite pour les délits qui dénotaient une extrême infamie. Avant l’exécution de dos, on procédait à la dégradation. Ensuite, on passait à l’exécution : on faisait asseoir le condamné, les yeux bandés, avec les épaules tournées vers le peloton d’exécution ; le peloton lui-même, s’il était déjà présent sur place avant le condamné, était rangé de dos, de sorte que condamné et le peloton ne se regardaient jamais de face ; après un demi-tour du peloton, la sentence était exécutée.

Parfois simplement fumer devant un officier signifia jouer sa vie ; d’autres fois, il suffisait de céder à la peur de la mort et de se soustraire aux armes, ou bien encore de vouloir abandonner la tranchée en recourant l’automutilation. Cela arriva même à celui qui avait accompli des gestes héroïques dignes d’une médaille, quelques heures avant de finir devant le peloton.

Dialogue maïeutique

Voici, Lucien l’âne mon ami, une chanson qui narre une triste aventure : celle du soldat qui est fusillé quelques instants avant que sa grâce ne soit signifiée. C’est une chanson anonyme, une histoire qu’on se passait sans doute dans les tranchées et pas seulement, je pense, dans l’armée italienne. On fusillait beaucoup dans toutes les armées ; un excellent moyen – pensait-on de maintenir la discipline, laquelle – selon les militaires les plus experts – est la force des armées.

C’est certain, répond Lucien l’âne qui s’y connaît en matière militaire vu qu’il a côtoyé les armées depuis des millénaires. C’est certainement un moyen de discipliner le fusillé. Lui au moins, il ne désobéirait plus, il n’essayerait plus de déserter, c’était déjà fait par la grâce du règlement. Mort, il n’aura plus à se donner la peine d’aller mourir au front.

C’est à peu près ce que la version de langue française de cette chanson et si elle le dit plus nettement que dans la version italienne, il faut y voir la patte du traducteur et son goût pour un peu plus d’ironie.

Je vois, dit Lucien l’âne, je vois, Marco Valdo M.I. mon ami, que nous sommes pour une fois sur la même longueur d’ondes.

Mais, Lucien l’âne mon ami, ce n’est pas tout. En cours de traduction, il m’est venu l’idée d’ajouter un distique.

Un distique ?, dit Lucien l’âne. D’abord, quel distique et que vient-il faire là ?


Tout simplement :Regrets éternels !, dit le colonel, Lucien l’âne mon ami. Tel est le petit distique que j’ai ajouté entre chaque quatrain. Quant à expliquer sa présence, tout ce que je peux en dire, c’est qu’il me semble qu’il venait tout seul pour donner un rythme plus martial à cette histoire ; il explicite à sa manière ce qui peut bien se passer dans la tête d’un colonel, quand il doit procéder à une exécution capitale. Lui-même n’est finalement qu’un rouage de la machine à broyer des hommes ; il n’a pas plus le choix que le condamné. L’un est condamné à mourir ; l’autre est condamné à tuer. Évidemment, il aurait pu échapper à ce destin de brute…

Ah, oui ?, dit Lucien l’âne. J’aimerais bien, Marco Valdo M.I. mon ami, que tu me dises comment.

Mais tout simplement en n’étant pas colonel. Tu comprends cela, Lucien l’âne mon ami. C’est évidemment un raisonnement spécieux, car – par exemple – on peut imaginer que le colonel est moins directement impliqué que ceux qui tiennent (soldats et peut-être camarades de celui qu’on fusille) les fusils dans le peloton d’exécution. On finit par comprendre ainsi que la vraie saloperie, c’est la guerre elle-même ; en filigrane, se pose également la question de la peine de mort. Tout cela est absurde. Quant à y mettre le holà, on n’a pas encore trouvé le moyen d’y parvenir, même si on en connaît l’origine et le principe moteur.

Oh, Marco Valdo M.I. mon ami, je vois aussi bien que toi quelle en est l’origine et son principe moteur : c’est la Guerre de Cent Mille Ans que les riches et les puissants font aux pauvres pour installer d’abord, puis maintenir ensuite leur domination, leur richesse, leur pouvoir, assurer leurs privilèges et poursuivre et développer l’exploitation. Le principe moteur est vraisemblablement l’avidité, l’envie, l’ambition ; ce monde est malade de tout cela. Pour en venir à bout, il n’y a pas mille manières, il faut et il suffit de tisser le linceul de ce vieux monde avide, aride, assassin, ambitieux et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Un pauvre soldat
À mort, on condamna.
Regrets éternels !,
Dit le colonel.

Regrets éternels !,
Dit le colonel.
Au matin, on vient le réveiller.
C’est l’heure d’être fusillé.
Il dit : je suis malade et dans ce cas,
Me fusiller, on ne peut pas.

Regrets éternels !,
Dit le colonel.

Mais le médecin militaire
Tâte son pouls
Et dit : son malaise
N’existe pas du tout.

Regrets éternels !,
Dit le colonel.

Les soldats sont arrivés
En file et affligés.
Leurs fusils de guingois
Avaient peine à tenir droit.

Regrets éternels !,
Dit le colonel.

L’honnête condamné
Demande alors à parler,
Mais la loi militaire
Lui ordonne de se taire.

Regrets éternels !,
Dit le colonel.

Le colonel en grand uniforme
Empoigne son épée
Et dit que dans les formes,
On va le fusiller.

Regrets éternels !,
Dit le colonel.

Les fusils tirent,
Le soldat s’effondre ;
Son sang salit
Sa tunique et son képi.

Regrets éternels !,
Dit le colonel.

À cet instant, arrive la grâce
Qui l’aurait sauvé,
Alors, content, à la caserne, il serait rentré
Pour aller au front se faire tuer.

Regrets éternels !
Dit le colonel.

jeudi 29 décembre 2016

À L’AUBE SOMBRE DU DIX AVRIL


À L’AUBE SOMBRE DU DIX AVRIL

Version française – À L’AUBE SOMBRE DU DIX AVRIL – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson italienne – E’ l’alba cupa del dieci aprile – anonyme – s.d.
Interprétation : Anton Virgilio Savona – s.d.
Texte : Savona A. Virgilio, Straniero Michele L., Canti della Resistenza italiana, Milano, Rizzoli, 1985

 





Sur l’air de « Monte Canino », elle raconte un épisode de la Résistance.

« Elle raconte un épisode de la Résistance… » me semble un peu trop expéditif, vu que le protagoniste de cette chanson – cité nom et prénom – a donné, comme tant d’autres, sa vie pour libérer l’Italie du nazifascisme…

Si par contre on veut activer un peu la Mémoire (qui ne fait jamais mal), on dira que Mario Allegretti était de Vignola, en province de Modène, où il était né en 1919. Il avait fait des études et passé la licence en Droit. Le 8 septembre 1943 le trouva à Parme, sous-officier dans les tankistes. Il décida immédiatement de combattre les Allemands et contribua à la constitution des groupes de partisans de « Justice et Liberté » – « Giustizia e Libertà » dans les environs de Modène et de Reggio.

Commandant d’un groupe appelé « Italie Libre »« Italia Libera » (en référence à la formation créée en Piémont de Duccio Galimberti, de Dante Livio Bianco et de Benedetto Dalmastro, mais aussi à une des premières organisations antifascistes, créée en 1924 par les frères Rosselli), il participa à l’aventure de la « République de Montefiorino »zone « dénazifascistifiée» et indépendante du 17 juin au 1er août 1944, en réponse aux massacres de Monchio, de Susano et de Costrignano perpétrés la même année par les occupants nazis et les milices des collaborateurs (136 morts. On parle de ces massacres dans la chanson Sopra le nuvole de Saverio Grandi)et ensuite, après la brutale réaction nazifasciste qui en entraîna la fin, Mario Allegretti contribua à la réorganisation des groupes partisans disparus et fut appelé au commandement de la 34ª Brigade « Monte Santa Giulia ».
Le 10 avril 1945,
tout près de Montefiorino, dans le bourg de Saltino di Prignano sulla Secchia, le commandant Mario Allegretti trouva la mort dans un accrochage avec les Allemands.

Je ne sais pas si
c’est vrai tant, avec l’habituelle emphase, en usage sur les notices de ANPI (Association Nationale des Partisans d’Italie) et autres, il est dit qu’il mourut en criant « Vive l’Italie ! » ; de toute façon, il mourut en combattant pour la Libération et à peu de jours de son advenue (25 avril 1945).




Le dix avril, l’aube est sombre,
Qui mène à Saltino par la crête.
D’un pas alourdi par un long cheminement,
L’arme à épaule passent les partisans.

C’est la brigade « G & L » de montagne,
« Sa
nta Giulia » de Mario Allegretti
Qui s’en va débusquer de l’allemand la tanière
Car la liberté se rapproche d’ici.

Il y a de longs mois qu’ils sont des « bandits »,
Depuis longtemps, ils vivent en frères,
Les « braves » gens les nomment rebelles,
Ce sont Volontaires de la Liberté.

Mais ce 10 avril est un jour sombre,
La lutte dure et veut les meilleurs.
La mort a saisi le commandant
Et pleure la douleur des partisans.

Ils pleurent muets la valeur du mourant,
Tremble sur la lèvre son nom de gloire,
Mario Allegretti passe à l’histoire,
Grand cœur de chef partisan.



lundi 26 décembre 2016

LA BALLADE DU FACTEUR WILLIAM L. MOORE DE BALTIMORE

LA BALLADE DU FACTEUR WILLIAM L. MOORE DE BALTIMORE, QUI EN 1963, S’EN ALLA SEUL DANS LES ÉTATS DU SUD. IL PROTESTAIT CONTRE LA PERSÉCUTION DES NOIRS. IL FUT TUÉ AU BOUT D’UNE SEMAINE. TROIS BALLES AVAIENT TROUÉ SON FRONT


Version française – LA BALLADE DU FACTEUR WILLIAM L. MOORE DE BALTIMORE, QUI EN 1963, S’EN ALLA SEUL DANS LES ÉTATS DU SUD. IL PROTESTAIT CONTRE LA PERSÉCUTION DES NOIRS. IL FUT TUÉ AU BOUT D’UNE SEMAINE. TROIS BALLES AVAIENT TROUÉ SON FRONT – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson allemande – Die Ballade von dem Briefträger William L. Moore aus Baltimore, der im Jahre 63 allein in die Südstaaten wanderte. Er protestierte gegen die Verfolgung der Neger. Er wurde erschossen nach einer Woche. Drei Kugeln trafen seine Stirn. – Wolf Biermann – 1965



Mon ami Lucien l’âne, commençons par le commencement : l’histoire que raconte la canzone de l’alors citoyen de la République Démocratique Allemande, vivant à Berlin (Est), Chausséestrasse 231, dénommé Wolf Biermann, ci-devant poète interdit d’exercice, est – la chose peut paraître curieuse à première vue – celle d’un facteur de Baltimore, ville située dans l’État du Maryland aux Zétazunis.

Il est, en effet, curieux, dit Lucien l’âne, qu’un poète allemand écrive une Ballade à propos d’un postier d’outre-Atlatntique.

C’est d’autant plus curieux, Lucien l’âne mon ami, que Wolf Biermann va insister lourdement en dotant sa chanson d’un des plus longs titres qu’il m’a été donné de voir. Un titre qui est presqu’une histoire en soi. Écoute bien ça, car il faut du souffle pour le dire – et encore, je ne le dirai qu’en version française. J’ajouterai l’original allemand entre parenthèses ; car je prononce mal l’allemand.
LA BALLADE DU FACTEUR WILLIAM L. MOORE DE BALTIMORE, QUI EN 1963 S’EN ALLA SEUL DANS LES ÉTATS DU SUD. IL PROTESTAIT CONTRE LA PERSÉCUTION DES NOIRS. IL FUT TUÉ AU BOUT D’UNE SEMAINE. TROIS BALLES AVAIENT TROUÉ SON FRONT. (Die Ballade von dem Briefträger William L. Moore aus Baltimore, der im Jahre 63 allein in die Südstaaten wanderte. Er protestierte gegen die Verfolgung der Neger. Er wurde erschossen nach einer Woche. Drei Kugeln trafen seine Stirn.)

C’est effectivement assez époustouflant, Marco Valdo M.I. mon ami. Moi, je me demande ce qui a bien pu justifier un pareil titre.

À mon sens, Lucien l’âne mon ami, ce qui a poussé Wolf Biermann à user d’un titre aussi long, c’est le fait qu’il souhaitait de cette manière, faire ressortir l’histoire de William Lewis Moore (c’est le fameux postier) et ainsi la faire connaître du public. Et aussi, je pense, faire qu’on ne l’oublie pas. Et il y est parvenu ; vois : nous sommes un demi-siècle plus tard et n’était cette chanson, on n’aurait (au moins dans les pays de langue allemande ou en dehors des Zétazunis) jamais plus parlé de ce courageux facteur. Pourtant, courageux, il le fut et même héroïque comme on va le voir. Un héros civil ô combien ! Je ne retracerai pas son parcours, c’est le propos de la chanson de Biermann, comme celui d’autres chansons qui lui furent dédiées, comme par exemple : William MoorePhil Ochs – 1963 ; Ballad for Bill Moore - Don West - 1963 ; WilliamMoore The Mailman - Seymour Farber – 1963. Résumons l’affaire : William L. Moore était facteur et de ce fait, était un infatigable marcheur ; mais c’était aussi, un militant des droits de l’homme, ce qu’aux Zétazunis, on appelle un activiste ; un athée, ce qu’aux Zétazunis on appelle « an athéist ». En l’occurrence, son action consistait en une longue marche de Chattanooga jusque Jackson (environ 630 km) pour aller remettre en mains du gouverneur de l’État du Mississippi une lettre où il demandait de mettre fin à la ségrégation raciale qui frappe les Noirs aux Zétazunis. Avant celle-ci, il avait déjà marché afin de porter une lettre au Président de l’époque, lettre dans laquelle il annonçait son intention d’aller à Jackson. En avril 1963, alors qu’il portait cette lettre, il fut abattu un soir au bord d’un chemin. Trois balles dans la tête, et hop, terminé. William Lewis Moore allait avoir 36 ans. On connaît le tueur, un certain Floyd Simpson, membre du KKK (Ku – Klux – Klan). On ne l’a jamais poursuivi.

Oh, moi, dit Lucien l’âne, quand j’entends parler de ce KKK étazunien, ça me donne toujours la nausée et je pense pour éloigner cette pénible sensation qu’on devrait l’appeler le Cul-cul-clan, tellement il est stupide et ridicule ; ce qui ne l’empêche pas d’être bêtement assassin.

On a retrouvé la lettre que comptait remettre personnellement au gouverneur du Mississippi. Il y écrivait notamment : « l’homme blanc ne pourra jamais se sentir vraiment libre tant que tous les hommes n’auront pas des droits égaux ».
Mais l’aventure de cette lettre ne s’arrête pas là ; des années plus tard, en avril 2008, Ellen Johnson et Ken Loukinen reprirent la marche interrompue du postier William Lewis Moore pour aller remettre en mains du gouverneur (enfin, son successeur) à Jackson, la lettre retrouvée. Le (nouveau) gouverneur a refusé de recevoir ce pli postal.

Finalement, conclut Lucien l’âne, ils avaient bien raison ceux qui ont fait à l’époque des chansons à propos de l’assassinat du facteur William Lewis Moore de Baltimore, sans eux, on aurait complètement oublié son geste et son histoire. Et il avait eu bien raison Wolf Biermann de faire un titre kilométrique. Cependant, il nous faut à présent reprendre notre marche à nous, reprendre notre tâche et tisser le linceul de ce vieux monde raciste, absurde, méprisant, méprisable et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Dimanche

Ce dimanche-là, William L. Moore
Se reposait de son labeur.
C’était un pauvre facteur ;
Il habitait à Baltimore.

Lundi

Le lundi, c’était à Baltimore,
Bill dit à sa femme :
« Je ne veux plus être facteur encore,
Je m’en vais dans le Sud – faire un voyage. »
Noirs et blancs, unis ! Unis !
Il avait écrit sur sa pancarte :
Blancs et noirs, à bas les barrières !
Et tout seul, il partit.

Mardi

Le mardi, dans le train,
Plus d’un demanda à William L. Moore
Ce que signifiait l’écriteau qu’il portait à la main,
Et chacun lui souhaitait bonne chance pour son parcours.
Noirs et blancs, unis ! Unis !
Il avait écrit sur sa pancarte :
Blancs et noirs, à bas les barrières !
Et tout seul, il était parti.

Mercredi

Le mercredi en Alabama,
Il marchait sur le macadam ;
Longue était la route de Birmingham,
Et ses pieds lourds entravaient son pas.
Noirs et blancs, unis ! Unis !
Il avait écrit sur sa pancarte :
Blancs et noirs, à bas les barrières !
Et tout seul, il était parti.

Jeudi

Le jeudi, un shérif l’arrêta sur le trottoir ;
Il lui dit : « Mais tu es un blanc ! »
Et dit encore « Qu’as-tu à faire des Noirs ?
Mon gars, réfléchis convenablement ! »
Noirs et blancs, unis ! Unis !
Il avait écrit sur sa pancarte :
Blancs et noirs, à bas les barrières !
Et tout seul, il partit.

Vendredi

Le vendredi, un chien, courut après lui ;
Il devint son meilleur ami.
Mais dès le soir, on jeta des pierres sur eux ;
Alors, ils sont partis plus loin, à deux.
Noirs et blancs, unis ! Unis !
Il avait écrit sur sa pancarte :
Blancs et noirs, à bas les barrières !
Et tout seul, il était parti.

Samedi

Le samedi fut chaud à mourir,
Une femme blanche est venue
Lui donner à boire, et en secret lui dire :
« Vous m’avez convaincue ! »
Noirs et blancs, unis ! Unis !
Il avait écrit sur sa pancarte :
Blancs et noirs, à bas les barrières !
Et tout seul, il partit.

Dernier jour

Le dimanche, un beau jour d’été bleu,
On l’a trouvé dans l’herbe verte –
Trois œillets rouge avaient mis le feu
À son front soudain livide.
Noirs et blancs, unis ! Unis !
Il avait écrit sur sa pancarte :
Blancs et noirs, à bas les barrières !
Et tout seul, il partit.

Mort tout seul
Il n’est plus seul.