ACHATS
Version
française – ACHATS – Marco Valdo M.I. – 2015
Chanson
allemande – Einkäufe
– Kurt
Tucholsky – 1919
Publié
– sous le pseudonyme Theobald Tiger – le 21 décembre 1919 sur
“Ulk”, revue satirique berlinoise ( que les nazis fermeront en
1933, après plus de soixante ans de publication ininterrompue).
Musique :
Hanns Eisler
Interprète :
Ernst Busch in « Ernst Busch Singt Tucholsky Und Brecht
– Deutsches
Miserere »
Un cochon tire-lire rose et gras ? |
Tucholsky,
évidemment, comment faire autrement ? Tu avais déjà donné
une version française de ce Chant
de Noël chimiquement
corrigé [[46608]]
d'Erich
Kästner, qu'on apprend encore aujourd'hui en Allemagne dans les
bonnes écoles. Deux journalistes, deux
poètes,
ceux-là. Ça ne m'étonne donc que très peu que tu les suives pas à
pas.
Pour
tout te dire, Lucien l'âne mon ami, j'aurais bien aimé les
rencontrer en ces temps-là. Car de tels journalistes, aujourd'hui,
je n'en connais pas et la chose, je pense, s'explique assez bien par
l'évolution des journaux et autres grands médias. Il y a là une
sorte de banalisation du monde et du
discours, une
sorte d'industrialisation du travail
journalistique.
On produit aujourd'hui de l'information
comme on produit des vêtements au prix
d'une standardisation renforcée et évidemment, au moindre coût.
Les journaux de combat ont pour l'essentiel
disparu au profit d'organes d'information, au
sens orwellien. Mais
le filon n'est pas épuisé pour autant ; les textes
intéressants passent ailleurs. Heureusement !
La pensée ne peut jamais se soumettre ; elle glisse comme l'eau
dans tous les interstices et comme l'eau, elle vient à bout de tous
les obstacles. Dans ces Chansons contre la
Guerre, par exemple. Bref, ils empruntent d’autres voies. Je
nuancerais quand même ceci en disant cela : ni Tucholsky, ni
Kästner ne publiaient dans la « grande presse » de leur
époque. Ils empruntaient eux aussi déjà des chemins de traverse.
Karl Kraus, un Viennois, tenait haut et seul son Fanal.
Arrête-toi
là. Je connais tes admirations. Si tu continues, tu vas évoquer
Günter Grass. Dis-moi plutôt qui est ce
Michel et ce qu'il vient faire dans les chansons contre la guerre.
Lucien
l'âne mon ami, je sais que ta question est purement rhétorique et
que tu sais aussi bien que moi qui est ce Michel, car on en a déjà
parlé ensemble. Néanmoins, précisons qu'il s'agit tout simplement
de l'incarnation du petit peuple
allemand, de l'Allemagne elle-même,
de l'esprit national allemand ou
quelque chose dans le genre ou même tout cela à la fois.
Finalement, ça dépend des périodes, du contexte, de celui qui en
parle. Ici, Tucholsky désigne le peuple allemand, un peuple allemand
considéré comme un grand enfant qu'on peut manipuler, ce qui est
effectivement le cas à ce moment où les forces politiques sont en
pleine effervescence, où le pays est sous tension, où la violence
domine les rues. On est en 1919,
l'épisode révolutionnaire est
passé, la République de Weimar s'est
installée
en août… On est à la veille de Noël …
Et Tucholsky énumère avec ironie
toutes sortes de cadeaux (à décrypter, ce qui demande de la
réflexion, une connaissance de l'histoire allemande et sans doute un
peu de recherche ; mais on n'a
rien sans rien... ), c'est-à-dire
qu'il énumère tout
ce qui est à redresser dans le pays (et qu'on ne fera pas) et
dénonce cette réaction déjà en place qui
finira par asphyxier la République et
qui fera le lit du régime nazi.
Me
voilà servi. Au
fait, j'ai depuis un bon bout de temps la sensation que cette
République de Weimar avait quelque parenté avec l'Union Européenne…
Quand on voit ce qu'ils font aux Grecs, par
exemple [[41719]]. Pour
le reste, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux
monde répétitif, embourbé
dans le trop, réactionnaire et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Que vais-je offrir au petit MichelPour cette fête de Noël glaciale ?Un bavoir ? Un ballon ?
Un coussin en caoutchouc qui ne perce pas ?
Une petite bougie de savon ?
Il n'a pas encore ça. Il n'a pas encore ça !
Choisirais-je
la boîte de construction ?
Vais-je encore lui offrir du papier à lettres, des crayons ?
Un objet avec des touches noir-blanc-rouge ;
Un piano patriotique ?
Un conseil de guerre qui ne triche pas ?
Il n'a pas encore ça. Il n'a pas encore ça !
Vais-je encore lui offrir du papier à lettres, des crayons ?
Un objet avec des touches noir-blanc-rouge ;
Un piano patriotique ?
Un conseil de guerre qui ne triche pas ?
Il n'a pas encore ça. Il n'a pas encore ça !
Lui offrirais-je un pot de chambre à roulettes ?
Offrirais-je un moratoire ?
Un cochon tire-lire rose et gras ?
Un joli crématoire miniature ?
Une nouvelle Cour suprême du Reich intelligente ?
Il n'a pas encore ça. Il n'a pas encore ça !
Ah, chers oncles, tantes, cousins –
Offrez-lui quelque chose. J'ai du mal à.
Vous êtes sérieux et malins,
Accrochez-les sous le sapin.
Mais ne lui offrez pas de Réaction !
Il a déjà ça. Ça, il a déjà !