Chanson
allemande - Jahrgang 1899 - Erich Kästner – 1928
Ensuite, on nous prit pour faire des militaires, Comme chairs à canon. |
Donc,
Lucien l'âne mon ami, quand j'indique, comme ici, « version
française », il faut comprendre très exactement : « Ceci
n'est pas une traduction ». Ce qui a l'avantage de ne pas
tromper les gens sur ce qu'ils peuvent lire.
De
toute façon, dit Lucien l'âne en riant de toutes ses dents, il
suffit d'aller voir ce que font les traducteurs patentés pour
comprendre combien tu as raison de désigner ainsi ton travail.
Cela
dit, j'en viens à cette histoire d'Erich Kästner qui est
remarquable en ce qu'elle exprime le destin de toute une génération :
celle dont la vie a commencé la dernière année du siècle
précédent, celle qui vivra son adolescence dans la guerre 14-18 et
passera finalement du banc de l'école au casse-pipe ; c'était
aussi celle d'Erich Maria Remarque (né en juin 1898). Une génération
entière qui est passée du catéchisme aux joies du sexe… De la
confirmation aux multiples éjaculations. Ainsi, j'y ai retrouvé ce
mot quasiment disparu du vocabulaire de notre époque et certainement
de la majorité écrasante de nos contemporains, le mot
« confirmand » qui désigne chez les catholiques et les
protestants les gens qui reçoivent la confirmation de leur
engagement religieux ; il s'agit d'une cérémonie qui se fait à
l'adolescence. C'est le début de l'histoire. La fin est tout aussi
étonnante. Quand je dis que cette canzone, publiée en 1928, exprime
le destin de ces hommes, elle le fait aussi pour le futur et
combien :
« Les
vieux disent, il serait temps
Pour vous de semer et de récolter maintenant.
Nous serons bientôt prêts. Encore un moment.
Encore un moment. On a presque fini !
Puis, nous vous montrerons, ce que nous avons appris !».
Pour vous de semer et de récolter maintenant.
Nous serons bientôt prêts. Encore un moment.
Encore un moment. On a presque fini !
Puis, nous vous montrerons, ce que nous avons appris !».
En
somme, dit Lucien l'âne , mon ami Marco Valdo M.I., tu es en train
de me dire que Kästner prophétisait que 14-18 engendrerait 39-45.
C'est
bien l'impression que l'on a avec le recul. Qui sème le vent,
récolte la tempête, dirait-on presque. Je t'ai déjà parlé de cet
effet second de l'art poétique, de tisser les trames invisibles du
futur. Cependant, je ne pense pas un seul instant qu'Erich Kästner
fût devin, ni qu'il imaginait ce qui allait suivre, même s'il
savait à quoi s'en tenir avec cette bande de crapules nazies. Pour
le reste, tout est dit par la chanson. Il y a seulement ces étranges
flocons de pommes de terre qui se mettent à neiger. Tout s'explique
par le fait que d'un côté, il y avait ces années-là un excédent
de patates et de l'autre, simultanément, on assistait à un manque
de céréales… Alors, il a fallu sécher les pommes de terre –
ce sont ainsi que sont fait les flocons : par séchage – pour
que la fécule ne pourrisse pas et combler la pénurie des céréales
en mêlant les flocons de patates aux farines pour faire le pain –
mieux connu sous le nom de K-Brot (pain de guerre)… qui
manifestement a laissé de mauvais souvenirs. Et puis, il y a ce
« craché par terre » qui est un geste de conjuration de
la jettatura...
Chez
les ânes aussi, on crache par terre pour conjurer et même, pour
jurer. Le mieux est donc à présent de regarder ce texte et puis, de
reprendre notre tâche et nous remettre à tisser le linceul de ce
vieux monde polysémique, polémophère, polymorphe, politiquement
bancal et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Nous
avons couché avec les femmes,
Tandis que les hommes étaient en France.
Nous nous sommes pris pour des amants ;
Nous étions à peine des confirmands.
Tandis que les hommes étaient en France.
Nous nous sommes pris pour des amants ;
Nous étions à peine des confirmands.
Ensuite, on nous prit pour faire des militaires,
Comme chairs à canon.
À l'école, les bancs se vidèrent,
Les mères pleuraient à la maison.
Ensuite,
il y eut un peu de révolution
La pomme de terre neigea en flocons ;
Puis, les femmes revinrent,
Et vinrent les gonocoques.
La pomme de terre neigea en flocons ;
Puis, les femmes revinrent,
Et vinrent les gonocoques.
Entre-temps,
les vieux ont été ruinés,
Il nous resta la nuit pour étudier ;
Le jour, nous étions employés
Et nous comptions les billets.
Il nous resta la nuit pour étudier ;
Le jour, nous étions employés
Et nous comptions les billets.
Alors,
elle a presque eu un enfant
De toi ou de moi – on ne sait !
Un de nos amis l'a cureté.
Et bientôt nous aurons trente ans.
De toi ou de moi – on ne sait !
Un de nos amis l'a cureté.
Et bientôt nous aurons trente ans.
Nous avons passé nos examens finalement
Et nous avons déjà tout oublié.
Nous sommes seuls jour et nuit maintenant
Et nous n'avons juste rien à manger !
Nous avons vu le monde en face,
Au lieu de jouer avec des poupées.
Nous avons craché par terre,
Pour ne pas tomber devant Ypres.
Notre corps et notre esprit progressivement
Se sont durcis et renforcés.
On nous avait trop longtemps, trop tôt et trop intensément
Dans l'histoire mondiale projetés!
Les vieux dirent, il serait temps
Pour vous de semer et de récolter maintenant.
Nous, nous serons bientôt prêts. Encore un moment.
Encore un moment. On a presque fini !
Puis, nous vous montrerons, ce que nous avons appris !