dimanche 13 septembre 2015

LA VACHERIE

LA VACHERIE

Version française – LA VACHERIE – Marco Valdo M.I. – 2015

Chanson italienne – La vaccataIvan Della Mea2000


T
exte : Ivan Della Mea
Musi
que : Paolo Ciarchi
Interpr
étation et guitare : Paolo Ciarchi
Album:
La Cantagranda




 Ça me ferait trop mal au cœur de laisser comme ça une vache réfugiée sans aide et protection, tout comme je ne chercherai certainement pas à profiter de son lait sans bonne contrepartie. De toute façon, entre âne et vache, on se comprend assez bien.




Une vache demande l'asile politique et l'hospitalité à ses 

camarades ânes


de Rosa Luxembourg


Salut camarades. Je suis Rosa. Rosa Luxembourg. Longtemps j'ai été la vache d'Ivan Della Mea qui, par bonté, me gardait dans sa maison, à Milan, rue Montemartini, de Sudadio Giudabestia. Comme on voit, il écrivit aussi une chansonnette sur moi ; ô Dieu, une vraie vacherie – comme le dit du reste le titre – qu'il eut la bonne idée, dans l'album de la Cantagranda, de faire jouer et chanter par ce fou furieux de Paolo Ciarchi ; dans la chanson, d'autre part, il préfigurait mon abattage.

Le problème est que,
le pauvre Ivan s'en est allé d'abord ; et je me suis retrouvée seule et sans but. Et où le trouverai-je un autre comme Ivan, qui me prenne chez lui ? Les ouvriers de l'usine ? Jusqu'à présent, tant que c'était lui qui me conduisait, parfait ; ensuite, lorsque je m'y suis présentée toute seule en demandant la solidarité et un peu d'herbe (comme vache, je me contente de peu…), ils ont inventé mille excuses : et la crise, et la sécurité, et l'article 18 pas extensible aux vaches, et tout ça, et tout ça… en somme, oui, un peu de solidarité, un demi tract, une paire de posts sur deux blogs militants, mais de l'herbe, pas un brin ; et penser à tout le lait frais que j'avais donné gratis à ces chômeurs. Mais bon, les malheureux ; je les comprends un peu aussi. Déjà qu'ils se font entuber tout seuls, dans les maquignonnages de Marchionne et de Camusse (entre les patrons et les syndicats), ils n'ont vraiment pas besoin de se mettre une vache sur le dos.

Je garde la chanson, qui ne fait pas de mal ; vous voyez un peu quel type était l'Ivan, et comme il tanna pour les fêtes des psychologues démocratiques (P.D.) qui voulaient le faire passer pour fou parce qu'il me gardait chez lui sans problème, en me confiant même ses ineffables métaphores sur la classe ouvrière, sur soixante-huit, sur la mémoire des camarades et combien d'autres choses. Je peux vous assurer que je lui ai été reconnaissante. Un peu de lait, je le lui ai donné même sur le point de mourir, peut-être en a-t-il même emporté un peu de l'autre côté. Cependant, maintenant, errant en vaguant, je suis arrivée ici. Et puisque je ne vois pas, malheureusement, de sections ou de « parcours » sur les vaches, je demande l'asile politique et hospitalité à vous autres les ânes. Je ne cause pas d'ennuis, il me suffit un petit coin du site avec un peu d'herbe fraîche. Lait frais pour tous, webmaster et administrateurs, hôtes fixes, Marchivaldi, Gianpieri Teste, Donchisciotti, il suffit de me traire. Muuuuuuuuh !

P.o. Rosa Luxemburg.






La vache parle drôlement, dit Lucien l'âne. D'ordinaire, elles disent « Meuh ».


Certes, Lucien l'âne mon ami. Tu as une bonne oreille, Meuh, c'est du français, muuuuuh, est très différent. On pourrait croire à première vue que c'est du finnois, car les vaches finnoises disent : ammuu, muu ; mais en réalité, c'est du lombard. En fait, c'est une vache régionaliste ; elle meugle en lombard.


Cela dit, si c'est une réfugiée, la chose est évidente ; si elle demande l'asile chez les ânes, on lui accorde sans rechigner. Je rappelle que les ânes ont fait une déclaration universelle des droits de l'âne [[49337]], en précisant bien qu'elle s'applique pour tous les êtres vivants. Bienvenue à cette vache historique et marxiste. Cela va dans le sens de l'histoire. C'est une vache progressiste; mais elle devrait prendre garde; si on la pousse un peu, elle pourrait verser dans l'activisme révolutionnaire et finir dans le Ticino. Ça s'est déjà vu; en particulier, pour Rosa Luxemburg, qui a fini dans la Spree, même qu'on n'a jamais retrouvé ses tueurs. Mais je ne pense pas que ça puisse lui arriver à cette nouvelle Rosa. Depuis le temps qu'Ivan est parti, elle a dû reprendre sa route et quitter ces endroits malsains. Enfin, je vais peut-être la croiser un de ces jours en montagne et je lui proposerai de prendre la route avec moi. Si ça se trouve, je lui ferai voir le film avec Marguerite [[https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Vache_et_le_Prisonnier]]. Ça devrait lui plaire.


Bonne idée, mon ami Lucien l'âne. Avec toi comme guide, elle ne risque pas de s'égarer dans d'autres lieux mal famés. Il y a encore en Europe des endroits où une vache libre et libertaire peut être gentiment accueillie.


Je m'y efforcerai, je te le garantis. Ça me ferait trop mal au cœur de laisser comme ça une vache réfugiée sans aide et protection, tout comme je ne chercherai certainement pas à profiter de son lait sans bonne contrepartie. De toute façon, entre âne et vache, on se comprend assez bien. Pour le reste, revenons à cette étrange et très amusante chanson et ensuite, reprenons notre tâche et tissons, avec l'aide de Rosa, le linceul de ce vieux monde humain, trop humain, oublieux, méprisant et méprisable et cacochyme.


Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.





Peeeeeellerin qui vient de Rome,Va le coupé, va le coupé,
Peeeeellerin qui vient de Rome
Avec des chaussures cassées aux pieds....
Muuuuuuuuuuuhhhhhh....!




Salut la vache -, je lui ai dit, et elle m'a répondu muuuuh.
À sept heures du matin, je l'ai montée sur des patins à roulettes et je l'ai conduite devant l'usine.
J'ai distribué le lait de vache aux chômeurs ; ils étaient contents.
La chose s'est sue.
Un congrès de psychologues démocrates était en cours je ne sais où.
Ils sont venus me chercher.
Ils nous ont pris moi et la vache et ils nous ont emmenés dans une villa de Somma Lombardo, celle des couvertures de laine, dans la bruyère.
Ils ont lié la vache à un arbre.
Muuuuuh.
Ils m'ont donné une chambre avec vue sur le green.
Ils voulaient me poser des questions :

- Pourquoi la vache sur des patins à roulettes ?
- Pour ne pas frapper le lait sur les mamelles.
- Pourquoi devant l'usine ?
- Parce que la classe ouvrière est encore l'unique classe qui puisse lever le drapeau du rachat de l'homme dans le besoin, de la venue du socialisme comme phase de transition vers le communisme avant et l'utopie après, car comme dit Karl Marx etc, etc.
- Pourquoi le lait aux chômeurs contents ?
- Par solidarité militante, pour donner un sens à la vache et à moi qui l'entretiens.
- Où la gardez-vous ?
- Chez moi.
- Où chez toi ?
- Dans le bain.
- Et ta femme… ?
- Elle veut bien.
- Et ton fils ?
- Il voudrait qu'elle dorme dans sa chambre avec lui.
- Et pour manger ?
- Je la mène au Parc des Roses.
- Et les déchets… enfin, tu comprends ?
- Ils engraissent les géraniums du balcon et les roses du jardin.
- Et les autres locataires ?
- Il y a celui qui a un chat, celui qui a un chien, celui qui a une maîtresse, moi, j'ai la vache...
- Et elle, que fait-elle à la maison ?
- Elle fait la vache, elle reste dans ses habitudes.
-Et cela te semble normal... ?
- En quel sens ?
- Dans le sens qu'il n'est pas normal de garder une vache chez soi...
- Alors, ce n'est pas normal, et puis quoi ?
- Il doit y avoir un motif, une raison, un pourquoi ...
- Il y en a.
- Et lequel ?
- Elle est belle, elle est bonne, elle est généreuse, elle est discrète, elle est démocratique et je l'ai gagnée à une tombola d'une fête de l'Unità dans un village de la Basse Cremonèse.
- Et les autorités municipales ? Et la police ?
- Que pourraient-ils faire ? Elle ne pollue pas, elle engraisse, elle respecte les feux et ne dépasse jamais les limites de vitesse ; elle a des stops, des catadioptres et des flèches sur les oreilles ; elle est en règle ; elle a sa médaille, ses certificats de vaccination, elle ne mord pas et je paye la taxe pour elle.
- Et les ouvriers devant l'usine comment la prennent-ils ?
- Ils ne la prennent pas.
- Certes, mais disons, comment réagissent-ils… ?
- Ils boivent le lait ou le remporte chez eux ou ils laissent tomber, c'est-à-dire qu'ils font comme pour tout le reste, les tracts, les journaux, les activistes syndicaux ; quelqu'un dit que c'est une bonne camarade.
- Elle a un nom cette vache...
- Rosa.
- Rosa Luxemburg !
- C'est vous qui le dites.
- Tu as fait 68… ?
- Et aussi 48 et 58 et 78, mais je n'avais pas la vache.
- Et qu'avais-tu … ?
- Des amis et des camarades, puis Marx Lénine Mao Che Guevara Castro Ho-Chi-Minh Gianni Bosio Franco Solinas mon frère Luciano l'Inter vainqueur et la classe ouvrière avancée.
- Et maintenant, tu n'as plus rien, juste … ?
- J'ai encore tout, mémoire, raison, histoire, femme et enfants, une maison et en plus, la vache.
- En somme pour toi, c'est un peu la compensation des frustrations soixane-huitardes ?
-
Quand elle me donne du lait, c'est une compensation, sinon une madone ne compense pas et en tout cas, je ne la fouette pas.
- Et demain… ?
-
On verra.
-
Mais tu ne peux pas imaginer de conserver une vache chez toi...
-
Je le pense et je le fais, ce n'est pas difficile, ce n'est pas rien ; nous vivons ensemble et nous survivons tous là.
-
Tu as cité Mao et cela signifie-t-il que Rosa pour toi est un fétiche, un totem…
C'est une vache et elle fait muuuuuh.

À ce moment, Rosa a fait muuuuuh.
Je me suis levé.
- Les psychologues démocratiques (P.D.) se sont levés.
-
Que se passe-t-il ? - ont-ils demandé.
-
Elle a fait muuuuuh et je dois m'en aller.
Je suis sorti.
J'ai rejoint Rosa.
Je l'ai traite.
J'ai offert le lait aux psychologues.
Ils l'ont bu.
-
Et quand elle sera trop vieille… ?, ont-ils demandé.
- La macello e me la mangio. Meglio tran trun taratrun...
tran-su-stanzionare con una vacca che con il padreterno, non vi pare?
- Je la tue et je la mange. Il vaut mieux tran trun taratrun… transsubstantier avec une vache qu'avec Dieu le Père, n'est-ce pas ?
Ils ne m'ont pas répondu.
- Et demain ? - m'ont-ils demandé.
- Autre usine et autre lait, tant qu'il y en a…

Comme on voit, 68 a fini en vache, mais ce n'est sûrement pas le pire de tous les maux.
Pour le moins, il y a une continuité dans la générosité.
Sans nostalgie et sans mélancolie.
On peut finir aussi en vache dans la joie.
Ceci aussi, en finale, est une pensée de menga … et qui a une vache la garde.

(Rappel : loi de Menga : Qui l'a dans le cul, la garde)
J'ai pris Rosa par la longe.
Allons, je lui ai dit, et elle m'a répondu muuuuuh.