LA
DIGNITÉ DU COCHON EST
INTANGIBLE !
Dialogue
Maïeutique
Sans
commentaires !,
dit Marco Valdo M.I., sauf pour
dire que Boris Vian avait fait le lien dans son Joyeux
tango des Bouchers de la Villette, que je résume :
« Faut
que ça saigne !
Faut que les peaux se fassent tanner,
Faut que les pieds se fassent paner,
Que les têtes aillent mariner,
Faut que ça saigne !
Faut avaler de la barbaque
Pour être bien gras quand on claque
Et nourrir des vers comaques,
Faut que ça saigne !
Bien fort !
Faut que les peaux se fassent tanner,
Faut que les pieds se fassent paner,
Que les têtes aillent mariner,
Faut que ça saigne !
Faut avaler de la barbaque
Pour être bien gras quand on claque
Et nourrir des vers comaques,
Faut que ça saigne !
Bien fort !
C’est
le tango des joyeux militaires,
Des gais vainqueurs de partout et d’ailleurs ;
Des gais vainqueurs de partout et d’ailleurs ;
C’est
le tango des fameux va-t-en-guerre,
C’est le tango de tous les fossoyeurs !
C’est le tango de tous les fossoyeurs !
...
Tiens !
Voilà du boudin ! Voilà du boudin !
Voilà du boudin ! »
Voilà du boudin ! »
Oh,
dit Lucien l’âne, mourir tout seul, âne, homme ou cochon,
on meurt toujours tout
Seul, disait
Brel :
« On est deux à vieillir
Contre le temps qui cogne,
Mais lorsqu’on voit venir
En riant la charogne,
On se retrouve seul. »
Et
j’ajoute, car
cela s’impose absolument,
dit Marco Valdo M.I., un poil de philosophie réaliste : mourir
seul ou tous ensemble, hommes et bêtes, quelle importance ?
Quel est le sens de la vie ?, demande le cochon. Mourir, dit
l’homme. The meaning of life ! : « Always
Look on the Bright Side of Life », c’est
le seul conseil qu’on peut donner à chacun, le seul qui vaille
pour tous les destins.
Certes,
mais la cruauté est-elle bien raisonnable ?, dit Lucien l’âne.
Tissons le linceul de ce vieux monde carnassier, carnivore, assassin,
condamné à la mort et d’ailleurs, cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
C’était
dans une boîte hermétique,
Sur
du béton, à l’usage de couche impropre,
Qu’elle
a découvert l’éclairage électrique.
Elle
était le porcelet numéro quatre,
Trois
autres étaient tassés au-dessus d’elle.
Elle
faillit étouffer dans une cohue pareille !
Après
deux semaines d’allaitement,
Quelqu’un
est venu et a emmené sa maman,
Mais
même après que le souvenir se soit défait,
Parfois,
il lui arrivait
De
se souvenir des mots de sa maman :
« La
dignité du cochon est intangible ! »
Sa
prison est devenue son chez soi ;
Jour
après jour, toujours au même endroit
Et
toujours assise dans sa propre abjection.
Pour
son nez fin, quelle puanteur !
Elle
était triste de cette horreur ;
Puis,
il y a eu les injections.
Puis,
on l’a forcée à la reproduction,
Elle
n’a jamais accepté ça,
La
porcitude n’est qu’élevage et engraissement
Et
quand on a ouvert son testament,
Elle
y disait comme sa maman le disait déjà :
« La
dignité du cochon est intangible ! »
Puis
un jour, la bétaillère est arrivée,
Par
la queue et l’oreille, on l’a attrapée
Avec
ses compagnons de servitude,
Qui
tremblaient et criaient de peur,
Transportée
debout pendant des heures,
Beaucoup
plus confinée que d’habitude.
La
truie est intelligente, elle sent déjà
La
situation tragique qui l’attend là.
Elle
sait qu’elle va à son dernier reposoir.
Elle
reconnaît l’abattoir,
Et
elle s’y rend sans se battre.
« La
dignité du cochon est intangible ! »
Elle
n’a jamais vu le ciel, ni sa lumière,
Jamais
été gambader dans un pré vert,
Jamais
été assise sur la paille fraîchement cueillie,
Jamais
lavée dans la boue en plein air,
Jamais
joyeusement accouplée, ni divertie.
Comment
pourrais-je manger tant de misère ?
Le
menu à la main, mon regard se morfond,
Je
réfléchis à ce terrible destin
Et
je pense soudain.
Je
ne veux pas, pauvres cochons,
Être
complice de vos douleurs.
Comme
j’étais invité dans ce restaurant,
J’ai
commandé à l’instant
Le
chou-fleur cuit à la vapeur.
« La
dignité du cochon est intangible ! »