mardi 29 juillet 2014

Les Funérailles d'antan


Et même, à la grande rigueur, ne pas mourir du tout.


Les Funérailles d'antan
Chanson française - Georges Brassens 1958



http://www.youtube.com/watch?v=bwb5k4k2EMc (idem avec texte en espagnol)

Et en cadeau : Brassens chez lui :





J'avais traduit « L'Uomo » de Guccini et il y avait là un relent d'âme pas très ragoutant. Mais j'avais quand même traduit, juste primo parce que c'était Francesco Guccini, ensuite, deuzio, parce que je dois d'abord traduire pour comprendre, troizio, car il y avait une excellente (que dis-je, une superbe... rien que pour elle, j'aurais tout traduit) introduction de Riccardo Venturi et quatrio, car le Guccini m'avait tellement pompé l'air avec son histoire d'âme que j'ai voulu y mettre aussi une petite introduction à ma façon. On ne se refait pas, même si on se réincarne – en âne, par exemple, comme tu en es le plus estimable représentant.
Et puis, cette conclusion du bon Guccini :
« Seulement quelque chose qui s'envole
Dans l'air calme
Et puis s'évanouit,
On ne saura jamais pour où.
jamais, jamais, jamais, jamais, jamais... », j'y avais répondu à ma manière, celle du mécréant élémentaire, descendant par vocation du célèbre Monsieur de Cro-Magnon, lequel campait en Europe bien avant toute racine de l'âme.


Cependant, dit Lucien l'âne en riant de plus belle, il y avait déjà à l' époque de Cro-Magnon et même bien avant, et là tu peux le croire sans réserve, ce « quelque chose qui s'envole
Dans l'air calme Et puis s'évanouit, On ne saura jamais pour où. jamais, jamais, jamais, jamais, jamais... »... Quoi donc ? Les pets et, je te l'assure, ceux de l'ure et l'auroch trouaient à qui mieux mieux la couche d'ozone. Imagine les diplodocus ou les tyrannosaures... Mais quel rapport que tout cela peut bien avoir avec la chanson dont tu veux me tenir le texte et l'interprétation ?


Bien. Je t'explique. Comme disait Ferré : « On vit, on mange et puis on meurt », voilà le point de contact. On meurt. Généralement, on ne le fait pas exprès, mais peu importe. Et puis, une fois mort, il y en a qui se rengorgent, qui se font porter en terre ou en feu comme des divinités égarées, fiers de leur importance (dès lors passée), rodomontades et compagnie, pleurs, fleurs, couronnes, discours, cortèges... Bref, pompes funèbres à tout va. Évidemment, la chose coûte et cher encore bien. C'est là un des aspects de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres – même déjà morts. Même morts, ils veulent parader, ils veulent imposer. La chose est folle, mais c'est la chose. Elle est folle, elle est ridicule, elle est pédante, elle est arrogante et c'est ce que raconte la chanson. Oh, ce n'est pas n'importe quelle chanson et surtout, ce n'est pas n'importe quel chanteur, auteur, poète ironique... C'est Tonton Georges soi-même qui les chante en rigolant dans ses moustaches ces « Funérailles d'antan ». Et cette merveilleuse approche de la lutte finale : « J'aimerais mieux mourir dans l'eau, dans le feu, n'importe où
Et même, à la grande rigueur, ne pas mourir du tout. »


Oui, ben moi aussi... et en plus, elle permet de faire un peu le point sur cette vieille blague qu'est la mort et ce qui s'ensuit. Tu vois, Marco Valdo M.I., mon ami, nous les ânes, on ne fait pas tant d'histoire. On se contente de finir la vie en mourant – comme Boris Vian, qui disait, je cite de mémoire d'âne : « Un mort, c'est complet. C'est terminé. On n'est pas complet tant qu'on n'est pas mort. »  Le fond de l'affaire, c'est la complétude. Après, ce n'est plus notre affaire, peut-être et même certainement, est-ce celle des mouches et des vers. Ou des flammes, maintenant qu'on vous brûle pour que l'on prenne moins de place. Au fait, à partir en fumée, on est des millions, on est des milliards et finalement, on le sera tous quand la Terre explosera... En attendant, occupons-nous de la vie en souriant, en riant même et tissons sans nous en faire le linceul de ce vieux monde prétentieux, superstitieux, religieux, imbécile et décidément, cacochyme.



Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Jadis, les parents des morts vous mettaient dans le bain,
De bonne grâce, ils en faisaient profiter les copains.
" Y a un mort à la maison, si le cœur vous en dit,
Venez le pleurer avec nous sur le coup de midi... "
Mais les vivants aujourd'hui ne sont plus si généreux,
Quand ils possèdent un mort, ils le gardent pour eux.
C'est la raison pour laquelle, depuis quelques années,
Des tas d'enterrements vous passent sous le nez.

Mais où sont les funérailles d'antan ?
Les petits corbillards, corbillards, corbillards, corbillards
De nos grands-pères,
Qui suivaient la route en cahotant,
Les petits macchabées, macchabées, macchabées, macchabées
Ronds et prospères...
Quand les héritiers étaient contents,
Au fossoyeur, au croque-mort, au curé, aux chevaux même,
Ils payaient un verre.
Elles sont révolues,
Elles ont fait leur temps,
Les belles pom, pom, pom, pom, pom, pompes funèbres.
On ne les reverra plus
Et c'est bien attristant,
Les belles pompes funèbres de nos vingt ans.

Maintenant, les corbillards à tombeau grand ouvert,
Emportent les trépassés jusqu'au Diable Vauvert.
Les malheureux n'ont même plus le plaisir enfantin
De voir leurs héritiers marrons marcher dans le crottin.
L'autre semaine des salauds, à cent quarante à l'heure,
Vers un cimetière minable emportaient un des leurs,
Quand, sur un arbre en bois dur, ils se sont aplatis,
On s'aperçut que le mort avait fait des petits.
On s'aperçut que le mort avait fait des petits.

Mais où sont les funérailles d'antan ?
Les petits corbillards, corbillards, corbillards, corbillards
De nos grands-pères,
Qui suivaient la route en cahotant,
Les petits macchabées, macchabées, macchabées, macchabées
Ronds et prospères...
Quand les héritiers étaient contents,
Au fossoyeur, au croque-mort, au curé, aux chevaux même,
Ils payaient un verre.
Elles sont révolues,
Elles ont fait leur temps,
Les belles pom, pom, pom, pom, pom, pompes funèbres.
On ne les reverra plus
Et c'est bien attristant,
Les belles pompes funèbres de nos vingt ans.

Plutôt que d'avoir des obsèques manquant de fioritures,
J'aimerais mieux, tout compte fait, me passer de sépulture,
J'aimerais mieux mourir dans l'eau, dans le feu, n'importe où
Et même, à la grande rigueur, ne pas mourir du tout.
Ô, que renaisse le temps des morts bouffis d'orgueil,
L'époque des m'as-tu-vu-dans-mon-joli-cercueil,
Où, quitte à tout dépenser jusqu'au dernier écu,
Les gens avaient à cœur de mourir plus haut que leur cul.
Les gens avaient à cœur de mourir plus haut que leur cul.

Mais où sont les funérailles d'antan ?
Les petits corbillards, corbillards, corbillards, corbillards
De nos grands-pères,
Qui suivaient la route en cahotant,
Les petits macchabées, macchabées, macchabées, macchabées
Ronds et prospères...
Quand les héritiers étaient contents,
Au fossoyeur, au croque-mort, au curé, aux chevaux même,
Ils payaient un verre.
Elles sont révolues,
Elles ont fait leur temps,
Les belles pom, pom, pom, pom, pom, pompes funèbres.
On ne les reverra plus
Et c'est bien attristant,
Les belles pompes funèbres de nos vingt ans.