lundi 12 août 2013

ODE À PASSANNANTE

ODE À PASSANNANTE



Version française – ODE À PASSANNANTE – Marco Valdo M.I. – 2013
Chanson italienne – Ode al Passannante – Carlo Ghirardato – 1998






Giovanni Passannante, anarchiste, cuisinier, bon pour les pauvres, généreux et lèse-majesté



J'ai rencontré la figure de Giovanni Passannante alors que je discutais et écrivais et réécrivais l'introduction à l'« Hymne à Oberdan ». Mais – je le répète – l’irrédentiste Oberdank n'a rien à voir avec l'anarchiste Passannante. Cependant, il m'aurait déplu qu'il n'y eût pas une chanson sur lui… Heureusement j'ai trouvé celle-ci, écrite par Carlo Ghirardato, chanteur lyrique et musicien amoureux de Fabrizio De André.

Giovanni Passannante était né à Salvia de Lucania en 1849, dernier de dix enfants, dans une famille très pauvre. Il fut forcé à travailler dès l'enfance comme journalier et berger. Plus tard, un officier de l'armée, son concitoyen, le prit à son service et cela lui permit de reprendre ses études interrompues trop tôt. Il connut ainsi la pensée de Mazzini et devint républicain. D'abord à Potenza, ensuite à Salerno, il travailla comme cuisinier et politiquement se rapprocha toujours davantage de l'anarchisme. Il offrait des repas gratis aux pauvres, l'hôte anarchiste Passannante, et pour cela, il fut licencié par son patron.

En novembre 1878, il se rend à Naples et en premier lieu, il troqua sa veste avec un couteau, un petit canif avec une lame de huit centimètres. Le 17 novembre 1878 avec cette lame insignifiante, il attaqua Umberto Ier d'Italie qui se trouvait en visite officielle dans la ville. Le roi eut à peine une égratignure… Passannante fut arrêté, torturé, condamné à mort, gracié et dès lors, enfermé dans une cellule pour toute la vie, une petite cellule minuscule au pénitentier de Portoferraio à l'île d'Elbe, très humide et insalubre car elle se trouvait sous le niveau de la mer, où régicide manqué, il fut couvert de chaînes et oublié jusqu'à ce que, après dix ans (1888), inévitablement il craqua et fut transféré à l'asile de Montelupo Fiorentino où il mourut en 1910 (22 ans plus tard), sans par ailleurs jamais s'excuser, demander un pardon ou une pitié.

Et les perfides Savoies ne se contentèrent pas de voir mourir Passannante de mort lente, mais ils firent arrêter tous les membres de sa famille et les firent enfermer à l'asile d'Aversa où – aussi eux, pourtant innocents – restèrent prisonniers jusqu'à la fin de leurs jours. Et encore, comme si ça ne suffisait pas, les nobles royaux infligèrent une punition collective à sa ville natale, qui de Salvia fut rebaptisée Savoia di Lucania, comme elle s'appelle malheureusement aujourd'hui encore

Le geste de l'anarchiste, la terrible fin qui lui fut réservée et le courage avec lequel il l'affronta, acquirent à Passannante de très nombreuses sympathies. Même Giovanni Pascoli lui dédia une ode, aujourd'hui perdue, qui ouvrit au poète les portes de la prison… sauf que Pascoli après seulement huit jours rétracta tout, alors que Passannante – comme il est dit – eut une tout autre résistance.

Une chose dont je ne m'étais pas souvenu (antérieurement) à propos de Passannante et de la cruauté inhumaine que les Savoies lui appliquèrent (à lui, à ses parents et à sa terre entière) est qu'ils ne cessèrent même pas de le torturer après sa mort, survenue à l'asile criminel de Montelupo Fiorentino le jour de la Saint-Valentin de 1910. En effet, son horrible détention fut prorogée ad libitum puisque sa tête fut coupée, son crâne ouvert et son cerveau extrait, et crâne et encéphale furent exposés à partir de 1936 au musée criminologique de la via del Gonfalone à Rome.

Maintenant, en ces temps dominés par la physiognomonie et l'eugénisme lombrosien, ce macabre usage était plutôt commun (je ne suis pas sûr, mais il me semble que même la tête de Cesare Lombroso serait dans le formol ici à Turin… un jour, j'irai vérifier) mais cependant contre Passannante, même mort, il y eut un acharnement sans égal.

En mai de 2007, après de nombreuses interpellations parlementaires et grâce aux initiatives du comité « Pro Salvia » de Salvia [Savoia] de Lucania, les restes de Passannante ont trouvé une sépulture au cimetière de son pays natal. À l'enterrement – qui se fit en cachette, un jour avant le jour prévu – étaient présents seulement le maire, un fonctionnaire de la Région Basilicate et quelques agents de la Digos qui avaient convoyé le « prisonnier » de Rome jusque là…

Je ne crois pas que ce fut un bien. Laisser Passannante exposé à Rome aurait peut-être mieux servi la mémoire de la « Guerre de Cent Mille Ans que les riches font impitoyablement aux pauvres », comme le rappelle toujours notre Marco Valdo M.I…. Et ensuite le laisser enterrer ainsi, avec un subterfuge et sans ses proches pour lesquels il donna la vie…De toute façon, c'est fait…

Maintenant cependant il faut absolument que ce nom de « Savoia » disparaisse et revienne l'ancienne dénomination de Salvia de Lucania, pour que renaisse le parfum de l'herbe aromatique et des saules et disparaisse à jamais la puanteur de mort et de sang qui toujours accompagne le Pouvoir.
Sinon Giovanni ne pourra jamais trouver la paix.

(sources :
Alessio Lega et Massimo Ortalli sur Revue Anarchique n.326/2007 ;
Sur les traces de Passannante, extraits de la thèse de licence de Paola Rossi publiée sur le site du Cercle culturel Sandro Pertini de l'Elbe ;
Pétition pour rendre à Savoia di Lucania son nom originaire, Salvia de Lucania, du site de l'acteur et du metteur en scène Ulderico Pesce, auteur du spectacle « l'arroseur du cerveau de Passannante »)

(Bartolomeo Pestalozzi)



Ta veste de velours
Tu l'as vendue pour huit sous
Afin d'acheter ce couteau,
Une demi lire, et faire sa balafre
À Umberto Ier : premier de quoi ?

Passannante aïe mon gars !
Prométhée du monde paysan,
Monde qui, selon tes mots, parfois:
« vend jusqu'à l'honneur
de ses fillettes »

Mère Maria Fiore
Maman rendue idiote
Par la faim et la douleur,
Peine et encore douleur
Pour Giovanni entre tous
Ton meilleur fils

Giovannino
En selle sur l'alphabet
Paladin de fortune,
En cherchant le dragon
Tu trouvas un roi, et celui-là
Était nu comme toi !

Hé, mon gars
Fils roturier
Au cœur de seigneur
Sans doute avais-tu raison :
Le roi comme une nuée d'abeilles
Entre nous et le soleil.

Ensuite arriva ta grâce
Pire que ta mort
On t'enterra vif
Sous une tour
Sous le niveau de la mer,
Là où brûle le sel
De la grâce royale.

Passannante jamais repenti
De ce geste contre l'oubli,
Ton regard d'enfant doux et gentil
A conquis Pascoli
Le poète sur ta plaie mit
Son doigt joli.

Passannante, ne pleure plus

Le roi ne règne plus.