mardi 31 juillet 2018

ERIC L’ÉTRANGER


ERIC L’ÉTRANGER



Version française – ERIC L’ÉTRANGER – Marco Valdo M.I. – 2018
Chanson italienne – Erich lo stranieroSambene2018





« Erich, l’étranger » est une histoire atypique dans le panorama de la Résistance. Elle raconte la capture d’Erich Klemer par Nunzia Cavarischia, une résistante et de son long séjour dans la maison de Nunzia qui le soigna en même temps qu’elle soignait son propre frère ; les destins d’Erich et Nunzia se rencontrèrent à nouveau quarante ans après la fin de la guerre à une cérémonie de ANPI (Association Nationale des Partisans d’Italie – organisation d’anciens résistants) de Tolentino en cimentant leur histoire d’amitié.


Je ne suis pas mort et je vois le soleil.
Auprès de moi, son frère partisan :
Blessé comme moi, soigné comme moi.
Je suis Eric l’étranger, l’ennemi ;
Après la guerre, j’ai vécu ma vie,
J’ai eu une femme et des enfants.

Tout homme est l’étranger en terre étrangère,
Aucun homme n’est l’étranger quand on le regarde au fond des yeux.
Tout homme est l’étranger en terre étrangère,
Aucun homme n’est l’étranger quand on le regarde au fond des yeux.

Je suis revenu et je suis un vieil homme
Venu à Tolentino
en souvenir
Assis dans un café, je serre la main d’une femme.
Cette femme est Nunzia la partisane ;
Elle ne me tua pas d
e cette main,
Je suis Eric, je suis vivant, je ne suis plus l’étranger.

Tout homme est l’étranger en terre étrangère,
Aucun homme
n’est l’étranger quand on le regarde au fond des yeux.
Tout homme est l’étranger en terre étrangère,
Aucun homme
n’est l’étranger quand on le regarde au fond des yeux.
Tout homme est l’étranger en terre étrangère,
Aucun homme
n’est l’étranger quand on le regarde au fond des yeux.

La Vendeuse d’Amour


La Vendeuse d’Amour


Chanson française – La Vendeuse d’Amour – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
76
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
III, XXXV)






Dialogue Maïeutique

La Vendeuse d’Amour, vois-tu Lucien l’âne, mon ami, aurait aussi bien s’appeler la marchande d’amour. Quoique quand j’y repense, ce ne serait pas tout à fait la même chose et il y manquerait certaine allusion.

Que de mystère, Marco Valdo M.I. mon ami, dans ce que tu racontes. Si tu voulais m’expliquer ton explication, je finirais peut-être par comprendre et j’en serais fort content. Je n’aime pas toute cette ambiguïté ; c’est trop vague et ça me perturbe. Donc, pourquoi appelle-t-on cette personne une vendeuse d’amour ? Je suppose qu’elle ne vend pas des putti, de petits amours en plâtre. En quoi une telle vendeuse et une marchande d’amour se distinguent-elles ? Par exemple, je vois très bien ce que sont des marchands de sommeil et je sais faire la différence avec les marchands de sable. Et puis, à quelle allusion alludes-tu ?

Ainsi, Lucien l’âne mon ami, je te réponds. Elle et vendeuse d’amour, car en bonne et folle fille, elle vend de la tendresse, de l’émotion et de la sensation à qui lui demande et peut payer ce service.

Elle ne vend donc pas de l’amour ?, dit Lucien l’âne en clignant des yeux.

Bof, c’est métaphorique, répond Marco Valdo M.I. et de toute façon, qui sait ce qu’est l’amour ? C’est assez évanescent selon qui en parle et dans quelles circonstances. L’amour est un concept vague qui recouvre mille choses et aucune. C’est un animal difficilement saisissable. Pour en revenir à la question, la marchande d’amour fait à peu près la même chose que la vendeuse, mais elle le fait faire par ses vendeuses. En somme, la marchande d’amour tient le commerce, l’établissement et emploie du personnel. On pourrait faire la même distinction entre la marchande et la vendeuse de chaussures ou de vêtements ou de n’importe quoi.

Si j’ai compris, dit Lucien l’âne, toutes deux exercent le commerce de l’amour tarifié en maison. L’une est la maquerelle, l’autre une des hôtesses d’accueil, accessoirement confidente et masseuse légère. Soit ! Cependant, il manque toujours la réponse pour le plus intriguant quelle est cette allusive allusion à laquelle tu alludais tout à l’heure ?

Cesse s’il se peut s’il te plaît ces allitérations désastreuses qui sentent ces serpents qui sifflent sans cesse, Lucien l’âne mon ami. L’allusion en question a toue son importance, mais elle vaut également pour les deux catégories : vendeuse et patronne. Ce à quoi j’alludais donc, c’était au fait que ces dames ont la mauvaise habitude de vendre non seulement de l’amour, mais aussi de vendre les amoureux aux autorités. Cette honteuse pratique sera détaillée dans la chanson suivante qu’avec la meilleure volonté du monde, je ne pourrais te montrer puisqu’elle n’est pas encore conçue. Celle-ci – La Vendeuse d’Amour – est un cas très particulier et pour tout dire, jusqu’à présent unique, car il s’agit d’une chanson qui figure sous cette forme dans la Légende – sauf le premier quatrain, qu’il m’a bien fallu introduire. C’est une chanson que j’ai inventée en recollant tels quels des textes épars de De Coster. On aurait pu la nommer La Chanson de Gilline, qui est cette séductrice qui va tenter de tenter Till et qui l’emmènera avec Lamme dans le piège de L’Arc en Ciel.

Ho !, dit Lucien l’âne, moi je m’y perds un peu dans ton explication. Qu’est ce que cet arc en ciel ?

L’Arc en Ciel ?, répond Marco Valdo M.I., est la maison de tolérance, tenue par la Stevenine, mère maquerelle de son état et donneuse patentée auprès des gens du Duc. Mais nous n’en sommes pas encore là et pour garder la poésie de cette Vendeuse d’Amour, on oublie momentanément tout ce que je viens de te dire et on se laisse bercer par cette ballade qui semble une danse lascive et fascinante.

Oui, c’est une bonne idée, dit Lucien l’âne, car j’aime beaucoup la poésie et la danse lascive. Ensuite, il nous faut tisser le linceul de ce vieux monde libidineux, commercial, cupide, âpre, avide, traître, sournois et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Voici la chanson d’amour
Que fit De Coster un jour
Pour une fille d’Ève tendre
À prendre, à vendre, à pendre.

Au son de la viole,
Je chante nuit et jour ;
Je suis la fille-folle,
La vendeuse d’amour.

Astarté de mes hanches
Fit des lignes de feu ;
J’ai les épaules blanches,
Et mon corps est Dieu.

Qu’on vide l’escarcelle
Aux carolus brillants :
Que l’or fauve ruisselle
À flots sous mes pieds blancs.

Je suis la fille d’Ève
Et de Satan vainqueur :
Si beau que soit ton rêve,
Cherche-le dans mon cœur.

Je suis froide ou brûlante,
Tendre au doux nonchaloir
Tiède, éperdue, ardente,
Mon homme, à ton vouloir.

Vois, je vends tout : mes charmes,
Mon âme et mes yeux bleus ;
Bonheur, rires et larmes,
Et la Mort si tu veux.

Au son de la viole,
Je chante nuit et jour ;
Je suis la fille-folle,
La vendeuse d’amour.

Cherche ailleurs de tels charmes,
Prends tout, mon amoureux,
Plaisirs, baisers et larmes,
Et la Mort si tu veux.

Sanglant était mon rêve,
Le rêve de mon cœur :
Je suis la fille d’Ève
Et de Satan vainqueur.

dimanche 29 juillet 2018

Les Gueux des Bois


Les Gueux des Bois


Chanson française – Les Gueux des Bois – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
75
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
III, XXXIV)







Dialogue Maïeutique

À en croire le titre de la canzone, dit Lucien l’âne, il y aurait une troisième sorte de Gueux ; après les Gueux de terre et les Gueux de mer, on découvre les Gueux des bois. Dans le fond, c’est bien possible et cette nouvelle sorte de Gueux dans son village perdu dans les feuillages me fait irrésistiblement penser à Walter Scott et à son Robin des Bois.

À mon sens aussi, ce n’est pas sans rapport, dit Marco Valdo M.I., d’autant que Charles De Coster, né en 1827, avait sans aucun doute pu lire, déjà dans son enfance ou son adolescence, l’Ivanhoé qui était le livre d’aventures par excellence et avait marqué les romanciers romantiques de sa génération. C’est notamment le cas d’Alexandre Dumas. Par ailleurs, la canzone reprend et sans hésitation cette même filiation.

Pour ce que j’en ai vu, et pas seulement le titre, dit Lucien l’âne, c’est évident. D’autre part, Till lui-même a des points communs avec l’archer vert de la Forêt de Sherwood : guerre de libération, résistance, justicier au grand cœur, combattant inébranlable qui prend le parti des pauvres contre les riches… J’arrête là, mais la chose est certaine. Je pense aussi reconnaître ton goût pour le deuxième sens des mots et des choses dans le titre qui sonne à mon oreille d’âne de bien curieuse façon ; il me semble entendre : les gueules de bois. Mais peut-être est-ce pure supputation de ma part ?

Lucien l’âne mon ami, je ne répondrai pas à pareille insinuation mal torchée, car elle a toutes les raisons d’être pertinente. Cependant, pur en revenir à cet épisode de la Légende et à cette troisième sorte de Gueux, il me semble qu’elle a dû nécessairement exister, car la répression espagnole chassait les hérétiques et avait provoqué des exils nombreux ; de surcroît, dans toutes les guerres de résistance et de libération, on trouve toujours des maquis, des forêts, des bois, des marais, des montagnes, quand ce n’est pas des déserts qui sont des lieux de refuge pour les rebelles. Et enfin, il y aurait mille et mille choses à dire encore, mais ce n’est pas le lieu ici pour des développements encyclopédiques. Ici, nous ne faisons qu’effleurer les choses ; quant aux détails, la chanson en fourmille.

En effet, Marco Valdo M.I., ici, on laisse place à l’imagination et à la patiente recherche. Nous pauvres lélians, pauvres descendants des canuts, nous n’avons pas le temps, ni la notoriété nécessaires pour pontifier. Il nous revient seulement de tisser le linceul de ce vieux monde insensé, injuste, imbécile, incorrect et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Le soleil d’été tue l’ombre ;
À midi, le répit n’existe pas.
Délaissant le bord de la rivière,
Till et Lamme entrent dans le bois.

Assis à l’orée de la clairière,
Ébahis, les deux compères
Regardent passer les cerfs
Et les broquarts surgissant du vert.

Till dit : « Tirons ce gibier
Qui va à sa reposée dans le hallier.
Poursuivons-le dans le fourré,
Il nous fera de quoi manger. »

Lamme répond : « Cerf est gibier de roi.
Laisse courir cette bête-là !
Si on nous prend à le chasser,
Nous serons pendus sans pitié. »

Une bande de loqueteux armés
Qui chassaient la harde.
Emmènent Till et Lamme prisonniers
À leur campement, sous bonne garde.

Au camp, des hommes en armes,
Des femmes, des enfants, tous en alarme.
Till dit : « N’êtes-vous pas nos Frères des bois
Qui fuient la persécution des soudards du roi ? »

« Nous sommes Frères des Bois,
Dit le plus vieux, mais qui es-tu, toi ? »
« Je suis, dit Till, peintre, manant, sculpteur,
Par le monde, je vais libre et sans peur. »

« Et qui es-tu toi, gros homme ?
« De par le monde, je cherche ma femme. »
« Écoute la sonnerie, le cerf est mort.
Nous le mangerons ce soir encore. »

Till dit : « Ne craignez-vous pas
Les juges, les happe-chair, les forestiers ? »
« Nous sommes nombreux, ils préfèrent nous ignorer.
Nous vivons en paix, tant que l’Espagnol n’est pas là. »

Till dit : « C’est sur mer,
Qu’il faut combattre ce fléau.
Pour chasser le bourreau et ses féaux,
Il n’est plus temps de guerre sur terre. »

vendredi 27 juillet 2018

La Femme de Lamme


La Femme de Lamme


Chanson française – La Femme de Lamme – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
74
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
III, XXIX)






Dialogue Maïeutique

La Femme de Lamme, dit Lucien l’âne, me fait penser par sa cadence à La Cane de Jeanne de Brassens et je me demande même si tu n’y as pas pensé toi aussi lorsque tu as choisi ce titre.

Eh bien, Lucien l’âne mon ami, tu es un devin plein de prescience ou alors, tu me connais très bien, car c’est exactement ce qui s’est passé. Tout comme j’ai en tête des jeux d’allitérations tels que la flamme de Lamme, la femme de flamme et toutes sortes de variantes assez bizarres.

Je te connais assez, en effet, Marco Valdo M.I. mon ami, pour savoir que les mots dansent dans ta tête une rumba d’enfer ; ils sautent dans tous les sens et s’alignent en des constellations perpétuellement changeantes. Mais dis-moi, la chanson, que raconte-t-elle ?

On sait depuis le début que Lamme cherche sa femme et que c’est même la raison qui le pousse à suivre son ami Till dans cette odyssée du Nord. Il y avait là un mystère proprement irrésolu et inquiétant : qu’est devenue la femme de Lamme, pourquoi est-elle partie? Ce mystère va être partiellement éclairci par la chanson : on va savoir comment et pourquoi la femme de Lamme est partie. Cependant, on ne sait pas où. On va aussi savoir que Lamme la croit fidèle et pourquoi.

Bien, bien, Marco Valdo M.I. mon ami, je bous de le savoir. Dis-le moi tout de suite.

Donc, Lucien l’âne mon ami, Lamme et sa femme étaient les gens les plus heureux ensemble ; Lamme adorait sa femme et elle l’aimait d’amour et comme il est dit dans les astres, ils s’aiment toujours encore. Mais c’était compter sans l’intervention d’un religieux qui sut convaincre la femme de consacrer à Dieu sa vertu ; ainsi, un jour, elle commença à se refuser à Lamme et quelque temps plus tard, elle s’en fut. Où ça ? Mystère ! Depuis Lamme la cherche partout et mène cette longue recherche et s’engage dans la guerre pour retrouver son tranquille bonheur qu’un représentant de Dieu lui a volé. Voilà pour l’anecdote et cette anecdote de cette amoureuse poursuite est une parabole, une métaphore de la poursuite de la tranquillité perdue du peuple des Pays et de la résistance des Gueux à l’occupant espagnol, à son égérie, l’Inquisition et à sa toute puissant maîtresse, l’Église catholique.
C’est en quelque sorte aussi un récit harmonique de la légende de Till et Nelle et un écho résonnant de la guerre de libération ; ce sont des histoires qui s’imbriquent les unes dans les autres.

Oh, dit Lucien l’âne, une histoire d’amour pour conter l’Histoire, voilà qui est romantique. Maintenant, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde religieux, dominateur, escamoteur, manipulateur et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


La femme de Lamme s’en est allée
À Bruges ; elle est revenue bien changée.
Ma femme, dit Lamme, m’aime trop
Comme moi, je l’aime ce tantôt.

Ce jour-là, elle me dit au doux instant,
« Il nous faut vivre comme des amis.
Je t’aime Lamme, tu es mon mari,
Pénitence et vertu me tiennent à présent.

Oh, bon Lamme, jusqu’aujourd’hui,
Tu cuisinas, tu balayas notre logis.
Tu m’épargnas tout effort,
Mon homme, je vais te servir jusqu’à la mort.

Te servir humblement, mon bel ami,
Mais rien de plus, mon chéri. »
« Ô femme, ne sépare par ces cœurs
Et ces corps, unis dans le bonheur ! »

« Il le faut, mon aimé, j’ai juré.
J’ai fait vœu
Par-devant Dieu
Et le prêtre qui m’a conseillé. »

« Dès ce moment-là,
Elle ne voulut plus de moi
Comme son époux véritable.
Voyez ma situation épouvantable.

Je lui dis : « M’amie, mon Pot au feu d’amour,
Que vous êtes grasse, mignonne et tendre !
Avec quelle autre poulette m’entendre ?
Où va, rivière fraîche, le chemin de ton cours ?

Je ne mangerai plus de toi encore ?
Où sont tes baisers au thym,
Ta bouche rosée du matin,
Ton cœur, ton sein, le frisson de ton corps ?

Quelle piété absurde de me délaisser,
Jeunes encor et pas encore vieux,
Pour satisfaire aux caprices d’un dieu
Jaloux sans doute de nos baisers.

Oh, ma femme, je te retrouverai
Et de cette religieuse passion,
Je te délivrerai.
Foi de Lamme, foi de garçon ! »

jeudi 26 juillet 2018

La Vengeance


La Vengeance


Chanson française – La Vengeance – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
73
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
III, XXIX)


Le prévôt Spelle et ses happe-chair.


La Vengeance, dit Lucien l’âne. Je me demande bien laquelle, mais je suis certain qu’il doit s’agir d’une histoire terrible, d’une affaire de vie et de mort.

De vivants et de morts plutôt, dit Marco Valdo M.I., et comme d’habitude, tu as deviné juste. Enfin, presque ; c’est plus qu’une affaire de vie et de mort, plus qu’une affaire, car la vengeance ici est au moins double. Il y a en premier plan la vengeance que Till exécute afin de punir le prévôt Spelle le Roux d’avoir torturé et finalement fait mourir Michielkin, le frère de l’amie de Till et en arrière-plan, mais très présente, la vengeance que Till poursuit depuis la mort sur le bûcher de Claes, son père et qui est au cœur même de la Légende, dont elle est un des moteurs. C’est elle qui se cache sous l’antienne : « Les cendres battent ».

Et Till ne doit pas être le seul à sentir ce besoin, ce désir de vengeance, dit Lucien l’âne.

Certes non, réplique Marco Valdo M.I., ils sont très nombreux tout comme sont très nombreux les bûchers et les crimes de l’occupant espagnol et des gens de l’Inquisition. Il y a là une colère générale qui s’alimente des tortures, des exactions, des exils et des exécutions. Les flammes des bûchers attisent l’incendie gigantesque qui progressivement s’étend au travers des Pays.

Tout ça à cause de l’imbécile obstination des Grands d’Espagne et la méchante rancœur de l’Inquisition, dit Lucien l’âne. Mais, dis-moi, Marco Valdo M.I., que raconte la chanson ?

Oh, Lucien l’âne mon ami, je te ferai grosso modo la réponse habituelle. De façon générale, la canzone rapporte la manière dont Till va opérer cette vengeance ; quant aux détails, on les trouve dans la chanson. La seule chose que je veux ajouter, avant de te laisser conclure, c’est ce nouveau rôle d’ange de la mort ou de vengeur que Till remplit ici avec un certain brio. À ce sujet, j’ai moi-même rencontré, il y a quelques années, un homme qui avait – comme d’autres – joué ce rôle de vengeur, vers 1943-45, pour le compte de la Résistance.

Et puis, Marco Valdo M.I., avant de conclure, il me plaît de rappeler que tu as déjà tracé le déroulement d’une telle action dans ta chanson « L’Homme en gris », qui reprenait le thème de « Morto sul selciato », une de ces chansons bilingues français-italien. Maintenant, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde tyrannique, meurtrier, assassin et cacochyme.


Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


L’âme en peine vague Lamme,
Qui se lamente par les rues de Gand.
Il mange, il boit, il cherche sa femme
Et vend des couques aux passants.

Till vend ses osiers et ses ratières.
Till tel un facteur porte des secrets à des inconnus,
Et collecte les fonds pour la guerre.
Par trahison, tout ce réseau sera un jour vendu.

Sur sa haridelle, le prévôt Spelle le Roux,
Armé de sa baguette rouge, sévit partout.
Il porte partout échafauds, bûchers, fosses
Où il enterre – vives – filles minces et grosses.

Les jours de juin sont tristes et pluvieux ;
Les temps sont difficiles pour les Gueux.
Sur la route, Till rencontre Boelkine,
Une fille libre qui l’accueille sous sa capeline.

Le temps passe en amoureux ramages.
Spelle le Roux arrive dans le village, aussitôt,
Les roucouleux fuient l’odieux prévôt
Au bourg voisin, à l’Étoile des Trois mages.

Boelkine dit : « Spelle et ses happe-chair
Ont pris et torturé mon frère.
La gangrène a mangé ses pieds,
Il est mort, il doit être vengé. »

Till dit : « Les cendres brûlent en ma poitrine,
Je vengerai ton frère, Boelkine
Et Spelle le Roux, par le cou, sera pendu ;
Mon cœur tout entier y est résolu. »

D’argile modelé, peint et cuit
Till fait de Michielkin, un masque mortuaire ;
À ses amis, il donne rendez-vous la nuit ;
Le curé même, il prie d’être témoin de l’affaire.

Spelle rentre de beuverie à la mi-nuit.
Le fantôme de Michielkin se dresse devant lui
Et le force à avouer et dix-sept témoins et le curé
Entendent Spelle de tant de crimes se dénoncer.

Au duc, je vais l’accuser, dit le curé.
Mieux vaut qu’il meure de la corde du bourreau,
Que des mains d’un fantôme nouveau.
Spelle le Roux pendu, le roi va hériter.