Le Printemps – Till et Nelle (3)
Chanson française – Le Printemps – Till et Nelle (2) – Marco Valdo M.I. – 2016
Ulenspiegel
le Gueux – 28
Opéra-récit
en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La
Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses
d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs
(1867).
(Ulenspiegel
– I, LXXXV)
Cette
numérotation particulière : (Ulenspiegel
– I, I), signifie très
exactement ceci :
Ulenspiegel :
La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses
d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs,
dans le texte de l’édition de 1867.
Le
premier chiffre romain correspond au numéro du Livre – le roman
comporte 5 livres et le deuxième chiffre romain renvoie au chapitre
d’où a été tirée la chanson. Ainsi, on peut – si le cœur
vous en dit – retrouver le texte originel et plein de détails qui
ne figurent pas ici.
Nous
voici, Lucien l’âne mon ami, à la vingt et huitième canzone de
l’histoire de Till le Gueux. Les vingt-sept premières étaient, je
te le rappelle :
01
Katheline
la bonne sorcière
(Ulenspiegel
– I, I)
02
Till
et Philippe
– (Ulenspiegel – I, V)
03.
La
Guenon Hérétique
(Ulenspiegel
– I, XXII)
04.
Gand,
la Dame
(Ulenspiegel
– I, XXVIII)
05.
Coupez
les pieds !
(Ulenspiegel
– I, XXX)
06.
Exil
de Till
(Ulenspiegel
– I, XXXII)
07.
En
ce temps-là, Till
(Ulenspiegel
– I, XXXIV)
08.
Katheline
suppliciée (Ulenspiegel – I, XXXVIII)
09.
Till,
le roi Philippe et l’âne
(Ulenspiegel
– I, XXXIX)
10.
La
Cigogne et la Prostituée
(Ulenspiegel
– I, LI)
12.
La
messe du Pape, le pardon de Till et les florins de l’Hôtesse (Ulenspiegel – I, LIII)
13.
Indulgence (Ulenspiegel
– I, LIV)
14.
Jef,
l’âne
du diable (Ulenspiegel
– I, LVII)
15.
Vois-tu
jusque Bruxelles ?
(Ulenspiegel
– I, LVIII)
16.
Lamentation
de Nelle, la mule et la résurrection
[[51150]]
(Ulenspiegel
– I, LXVIII)
17.
Hérétique
le Bonhomme
(Ulenspiegel
– I, LXIX)
18.
Procès
et condamnation (Ulenspiegel
– I, LXIX)
19.
La
Mort de Claes, le charbonnier (Ulenspiegel
– I, LXXIV)
20.
Le
Talisman rouge
et noir
(Ulenspiegel
– I, LXXV)
21.
La
Vente à l’encan
(Ulenspiegel
– I, LXXVI)
22.
Telle
est la Question
(Ulenspiegel
– I, LXXVIII)
23.
Charles
et Claes (Ulenspiegel – I, LXXIX)
24.
Trois
cents ans de torture
(Ulenspiegel
– I, LXXIX)
25.
Au
bord du canal (Ulenspiegel
– I, LXXXIV)
26.
Le
Géant Hiver (Ulenspiegel
– I, LXXXV)
27.
Le
Roi Printemps (Ulenspiegel
– I, LXXXV)
Lors
du précédent épisode, Till et Nelle assistaient à une sorte de
sacre du Printemps, qui aurait mieux été nommé le sacre de
Printemps, alias Lucifer, le porteur de lumière, qui les sauvait in
extremis de la terrible impétuosité des trolls, kobolds, huldres,
goublins, nains, elfes, filles-fleurs : toutes et tous arcboutés
en un délire de montée de sève printanière. Les filles-fleurs
avaient toutes envie de Till et les nains de Nelle.
Ah !
Ah !, dit Lucien l’âne en paraphrasant ainsi Bosse-de-Nage le
singe qui ne savait dire que ça, quand la nature se réveille, il
est temps de garer ses fesses. C’est le bonobo blues dans les
champs et dans les bois.
Bref,
c’est un foutu carnaval, bien plus mouvementé encore, plus
naturel, plus vif, plus barbare et plus festif que le « Carnaval
des Animaux » que Saint-Saens écrira vingt ans après en
1886. (voir
https://www.youtube.com/watch?v=0AnEzdlv0dE
et https://www.youtube.com/watch?v=Gtnpw4F2YG0).
Et les deux amoureux rejoignent la grande folie collective et se
mettent à balancer au gré des vents, qui les emportent. Soudain,
ils sont découverts et jetés dans la foule, où ils sont
instantanément réduits à des objets d’un jeu, d’un rite, d’un
culte cruel et se retrouvent ainsi à la limite de subir une sorte de
viol collectif, s’il n’y avait l’intervention de Lucifer.
C’est
une grande chance que cette intervention, ce « Deus ex
machina », car l’affaire aurait pu se terminer fort mal.
Ah,
Lucien l’âne mon ami, je me demande parfois si tu ne le fais pas
exprès… Ne voilà-t-il pas que tu viens de faire de Lucifer en
personne, un « Deus ex machina ». C’est assez drôle,
en effet.
C’est
étrange, mais que veux-tu telle est l’expression consacrée depuis
la plus haute antiquité. Cependant, laisse-moi te dire que j’en
ai vu dans le passé de telles scènes, j’ai même failli en être
l’objet et j’ai heureusement pu m’en dégager à temps. J’ai
même entendu dire que de pareilles scènes se déroulent encore
aujourd’hui. Un de mes frères – « ce
pelé, ce galeux d’où venait tout leur mal... » y laissa
la peau, comme le rapporte La Fontaine, dans un texte qui mériterait
de figurer dans les Chansons contre la Guerre.
(http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/jean_de_la_fontaine/les_animaux_malades_de_la_peste.html)
Pour
ce qui se passe ici et de nos jours (hic et nunc), Lucien l’âne
mon ami, contrairement à la bousculade des esprits dans ce
printemps imaginaire, la foule des agresseurs ne comporte que des
humains. Parfois, ce sont des scènes de guerre où ces curées sont
des armes de terreur : viols, sacs, éventrations, égorgements,
mutilations, pendaisons, assassinats, destructions, incendies sont
des ingrédients de ces tohu-bohus démentiels. Parfois, elles
déroulent en temps de paix, mais là encore, les agresseurs font la
guerre aux agressés – il n’y manque que les drapeaux et les
uniformes, dont le seul tort est d’être d’une autre « ethnie »,
d’une autre « race », d’une autre « peuple »,
d’une autre « religion » ou tout simplement, sans
religion ou encore, d’un autre « sexe » ou du même.
Tout est bon pour justifier ces folies haineuses et brutales. Sans
doute, dans ce rêve de Nelle et de Till, qui un instant vire au
cauchemar, ces violences sont le reflet de celles que les armées
infligent aux populations civiles. Les guerres de religions sont
parmi les plus odieusement abjectes qu’il se puisse exister.
Il
fallait que cela fut dit. À présent, il nous faut reprendre notre
tâche et continuer à tisser le linceul de ce vieux monde
incandescent, indécent, haineux, criminel, cruel et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Les
esprits de la terre
Courts,
trapus, aux reins larges
Apportent
d’immenses jarres
D’une
liqueur étrange.
Les
plantes et les arbres s’agitent,
La
terre pour boire se crevasse,
Le
vin vif et clair est servi
Et
tout bourgeonne, verdoie, fleurit.
Les
insectes sucent à même le sol,
Les
oiseaux se gavent en plein vol.
Les
filles-fleurs, baisent les échansons alertes
Et
avalent la sève bouche ouverte.
Avides,
les uns aux autres s’arcboutent,
Cherchent
le vin, plus vivants à chaque goutte
Ils
rient, chantent, crient, hurlent.
Le
mâle cherche la femelle et prie la nature.
Le
roi et la reine trinquent à leur tour ;
Ils
s’enlacent devant toute la cour
Et
en chœur, tous avec le roi s’écrient
Gloire
à l’Air libre ! Gloire à la Vie !
Till
prend Nelle dans ses bras
Et
commence une tendre danse.
Ils
tournoient, feuilles glissant en bas.
Soleil,
lune, vents et nuées les balancent.
Un
esprit les ferre et dans la foule les jette.
Qui
veut du garçonnet ? Qui veut de la fillette ?
Les
voix scandent : Bienvenue aux vers de terre.
Et
Nelle et Till, un moment, désespèrent.
Et
Nelle crie : Grâce ! Grâce !
Les
esprits : Gloire, gloriette !
Gloire
aux femmelettes !
Danse,
danse, grâce, grâce !
Le
Roi Printemps arrête la danse.
Qu’on
m’amène ces deux poux !
Les
filles-fleurs halent Till en cadence,
Les
nains serrent Nelle aux genoux.
Je
te connais bourgeon de sorcière
Et
toi, rejeton de charbonnier.
Que
venez-vous en ces lieux chercher ?
Demande
en souriant Lucifer.