Par derrière ou par devant
Chanson française
– Par derrière ou par devant – Marie-Josée
Neuville – 1957
Album: Le
monsieur du métro (1957)
Dialogue
Maïeutique
Lorsque
j’avais proposé la version française
POSITION
H de la chanson italienne de Sine Frontera intitulée « Posizione
orizzontale », tu
m’avais fait me ressouvenir d’une chanson et d’une chanteuse du
siècle dernier. C’était justement « Par derrière ou par
devant » et la chanteuse était Marie-Josée Neuville et
j’avais promis qu’on en reparlerait et nous y voilà.
Oh,
dit Lucien l’âne, c’est toujours une bonne idée de tenir sa
parole et aussi, d’insérer une chanson et en plus, de faire
connaître une artiste.
D’abord,
reprend Marco Valdo M.I., deux mots concernant Marie-Josée Neuville,
à la ville : Josée Françoise Deneuville. Je n’en ferai pas
la biographie (Wiki s’en charge fort bien), mais je voudrais en
éclairer un peu certain aspect amusant. Même si elle avait commencé
fort tôt dans la chanson, au moment où elle aborde sa carrière
professionnelle, Marie Josée n’était plus la collégienne qu’on
prétendait qu’elle fut sur les affiches, les pochettes de disque,
les notices publicitaires et les articles de journaux. Sans vouloir
trop la dévoiler, en 1957, Marie Josée n’avait pas tout à fait
vingt ans, mais presque.
C’est
beaucoup pour une collégienne, dit Lucien l’âne en riant.
De
même, toujours sans vouloir dévoiler plus qu’il ne faut son
intimité, la jeune demoiselle se devait – contrat commercial
oblige – de conserver ses tresses juvéniles, qui faisaient sa
réputation dans le domaine de la chanson.
Moi,
dit Lucien l’âne, j’aurais préféré que ma réputation se
bâtisse sur la qualité de mes chansons et de mes interprétations,
plus que sur mes tresses. Enfin, tant que c’était les tresses, ça
allait encore. Tout ça est bien futile et en réalité, je m’en
fous.
Moi
aussi, dit Marco Valdo M.I., d’ailleurs, foin de ces petits potins,
j’en viens à cette chanson dont l’arrière-plan est une solide
mise en cause de l’Histoire telle qu’elle était enseignée et
ensuite, une leçon de vie non négligeable. Enfin, elle comporte une
aimable fin (« happy end » en franglais) où triomphe
l’amour dans sa version la plus romantique ou la plus évangélique,
je ne sais trop. Sauf que tout ce bel ensemble est pimenté d’un
« Par derrière ou par devant » qui lui donne une tout
autre dimension.
Ah,
dit Lucien l’âne, je crois comprendre que tu entrevois dans
l’adorable comptine de Marie Josée, une version cryptée de la
Complainte
de Marinette.
Exactement,
Lucien l’âne mon ami, mais l’antienne est inversée et dans un
sens comme dans l’autre, dans nos régions, ce « Par derrière
ou par devant » réjouit petits et grands. Et tous s’amusent
de cet équivoque qui fait d’une innocente chanson un joli conte
pornographique :
« Des
« Je t’aime, je t’adore pour la vie entière »,
Il
y en a autant par derrière que par devant,
Car
le brave Cupidon, de sa flèche légendaire,
Vise
tous les cœurs de la Terre
Par
derrière
Ou
par devant. »
On
dirait, Marco Valdo M.I., une chanson de bonobos. À propos, c’est
pareil avec cet autre impérissable succès de Georges Millandy
(1930) :
« Le
Petit Cœur de Ninon » dont on a plaisir à subvertir les
sens en remplaçant le mot « cœur » par son initiale
suivie de trois points de suspension : « C... », ce
qui donne :
« Le
C... de Ninon
« Le
petit
c...
de Ninon
Est si petit, est si gentil,
Est si fragile.
C’est un léger papillon,
Le petit c... de Ninon,
Il est mignon mignon.
Si le pauvret parfois coquet
Est peu docile,
Ce n’est pas sa faute, non
Au petit c…,
Au petit c... de Ninon. »
Est si petit, est si gentil,
Est si fragile.
C’est un léger papillon,
Le petit c... de Ninon,
Il est mignon mignon.
Si le pauvret parfois coquet
Est peu docile,
Ce n’est pas sa faute, non
Au petit c…,
Au petit c... de Ninon. »
Mais
assez ri, tissons le linceul de ce vieux monde burlesque, cocasse,
libidineux, ridicule et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Dans
notre école, un vieux professeur
Souvent
victime de sa bonne humeur
Nous
enseignait, en récréation seulement,
Un
jeu qui le passionnait de son temps.
À
chaque phrase que disaient ses parents,
Il
ajoutait « Par derrière ou par devant ».
Le
brave homme ne se doutait pas
Qu’en
nous enseignant ce jeu-là,
Il
signait la condamnation
De
toutes ses prochaines leçons.
Le
nez de Cléopâtre eût été par derrière,
La
face du Monde en eût été par devant ;
Henri
IV avait panache blanc par derrière,
Henri
III n’avait pas sentiment par devant ;
Charlemagne
portait barbe fleurie par derrière,
Cachez
ce sein que je ne saurais voir par devant ;
Démons
déchaînés, nous étions tous par derrière,
Au
visage pur d’enfants charmants par devant.
S’en
est allé le vieux professeur
Près
du bon Dieu, et pourtant nos cœurs
N’oublieront
pas le petit avertissement
De
son jeu qui nous divertissait tant.
Par
devant, nombre de compliments
Deviennent
par derrière propos désobligeants.
Le
brave homme ne se doutait pas
Qu’en
nous enseignant ce jeu-là,
Il
nous initiait tout petits
À
la dure école de la vie.
Que
de recommandations m’a-t-on fait par derrière,
Lorsque
devaient m’être présentés par devant
Des
fripouilles, des brigands, m’assurait-on par derrière,
Mais
qu’amicalement on appelle vieux frères par devant.
Les
vieux frères en question m’avaient prévenue par derrière
De
me méfier de ceux qui me prévenaient par devant.
Mieux
vaut que la franchise reste par derrière,
Un
brin de mensonge est plus utile par devant.
L’amour
est l’exception qui nous fait dire par derrière
Des
choses aussi jolies que celles qu’on dit par devant.
Des
« Je t’aime, je t’adore pour la vie entière »,
Il
y en a autant par derrière que par devant,
Car
le brave Cupidon, de sa flèche légendaire,
Vise
tous les cœurs de la Terre
Par
derrière
Ou
par devant.