mercredi 5 novembre 2014

ÈVE AU SOLEIL


ÈVE AU SOLEIL

Version française – ÈVE AU SOLEIL – Marco Valdo M.I. – 2014
d'après la version italienne de Lorenzo Masetti
d'une
Chanson espagnole - Eva tomando el sol - Joaquín Sabina1988



En voyant les poulets entrer,
Ève ne put retenir un cri.
Ils la frappèrent et la jetèrent en bas de l'escalier,
Ces anges déguisés en gendarmes,



Une histoire d'amour marginal, de maisons occupées et de dégagements du paradis terrestre racontée par Sabina sous forme de parabole biblique avec simplicité et poésie. Ironie unie à la dénonciation sociale et une trame qui rappelle Bouche de Rose.



Tout a commencé quand ce serpent
Me donna une pomme et me dit goûte.
Je m'appelais Adam,
Sûr que tu t'appelais Ève.
Nous squattions un étage
Abandonné à Moratalaz.
Quand on n'a pas été là-bas,
On n'a pas vu le paradis terrestre.
Dans une décharge, nous avons pris un matelas
Une table bancale et deux chaises
Tandis que je grattais des partitions,
Tu cuisais les pommes de terre.
Nous avons semé la mariejeanne
Et elle a fleuri sur le balcon
Avec une branche de l'arbre bancal
De la science du bien et du mal.


Ève aimait bronzer
Elle s'étendait chaque après-midi au soleil,
Personne ne vit jamais sirène pareille
Sur un balcon dénudée.
À l'heure du show de mon amie,
Bientôt à chaque fenêtre, il y eut un mari
Même quand la télé donnait en différé
Real Madrid - Benfica.
Un jour, la vipère d'en bas
Surprit son conjoint en train de zieuter
Elle a foutu un bordel et aux flics a téléphoné.
Comme nous n'avions pas de noms,
Ni feuilles de vigne, ni oncle conseiller,
Et pas d'autre Dieu que Cupidon,
Il ne servit à rien de protester.

Ève prenant le soleil, désordre bienfaisant
Baisers, oignon et pain, que veut de plus Adam.

Un juge qui se croyait Dieu décida
D'envoyer un garde sceller notre appartement.
Pas de place au paradis pour deux occupants.
Nous étions nus sur le matelas
Jouant à notre jeu favori ;
En voyant les poulets entrer,
Ève ne put retenir un cri.
Ils la frappèrent et la jetèrent en bas de l'escalier,
Ces anges déguisés en gendarmes,
Sans se soucier un instant de ses larmes,
Ni qu'elle fut enceinte de Caïn, notre aîné.
Aujourd'hui, Ève dans un super-marché vend
Les pommes du péché originel.
Dans la rue, je chansonne l'Éternel
Tout le monde m'appelle Adam.


La Gueuse

La Gueuse

Chanson française – La Gueuse – Léo Ferré - 1961
http://leoferre.hautetfort.com/archive/2007/01/12/censure-a-la-radio.html

La gueuse a de la gueule


Mon ami Lucien l'âne, par parenthèse, c'est pas pour dire, mais quand même il n'y a pas beaucoup de gens qui ont pour ami un âne, je veux dire un âne avec des oreilles d'âne et des sabots d'âne et toutes les choses qui font qu'un âne est un âne. Donc, reprenons, Lucien l'âne mon ami, car tu es mon ami et on ne saurait rien y changer, j 'avais promis de la publier céans et c'est ce que je fais. Voici donc, cette Gueuse… Elle n'a rien à voir avec cette bière acide et deux fois bue (le faro étant une bière trois fois bue, n'en déplaise à Baudelaire !, mais j'admets que son appréciation est assez ancienne et que les choses ont pu évoluer depuis)… Non, il s'agit tout simplement de la bien-aimée de Danton, ainsi qu'il est dit dans la chanson.


La bien-aimée de Danton ? De qui donc peut-il s'agir ?


Mais de la république, pardi ! Celle que les réactionnaires, les royalistes, les attardés en tous genres appellent précisément la gueuse. Celle qu'interpellait l'autre jour Theobald Tiger, alias Kurt Tucholsky sous le titre Rathenau [[48381]]. Elle gêne beaucoup cette fille-là, surtout les riches, car elle a de ces idées d'égalité et de fraternité qui sentent la fin de l'exploitation. La gueuse est d'essence populaire et orwellienne en diable, un clin d’œil à Voltaire, un clin d’œil à Meslier, un petit coup de rein pour aguicher le chaland, la gueuse est assez révolutionnaire dans l'âme… et diablement sympathique.


Si c'est comme ça, je la veux bien comme bien-aimée aussi. Ah, si je pouvais trouver une ânesse de ce genre...


C'est une excellente disposition. Mais la gueuse est une fille généreuse, elle peut se partager entre tous les celles et les ceusses qui la courtiseraient bellement… Elle est comme le savoir et l'intelligence : plus elle se répand, plus elle se renforce, plus elle embellit, plus elle fait d'heureux. Et à part les pisse-vinaigre, personne ne s'en plaint.


Oui, mais en quoi elle serait orwellienne ? Là, vraiment, j'ai besoin que tu me l'expliques…


Oh, Lucien l'âne mon ami, ce n'est pas bien difficile. J'ai dit orwellienne pour signifier qu'en bonne fille, en fille de petite extraction, elle ( la gueuse, cette république de petite extraction) sait en pense qu'il y a des choses qui ne se font pas et des choses qui doivent se faire. Elle a comme ambition de mettre fin à la guerre de cent mille ans que les riches font aux pauvres et c'est précisément cela qui lui vaut tant d'ennemis si virulents, si stupides, si méchants et si indécents. Elle a comme ennemis les infantiles, les médiocres, les fortunés et les aspirants au pouvoir, à la richesse et aux honneurs. Elle déteste les m'as-tu vu? Elle se contente de peu, elle s’accommode de vivre et c'est son vrai scandale. La source de la détestation qui la frappe depuis toujours.Mais quand même rassure-toi, pour elle, ça ira. Et puis, quelle chanson, quand même !


Là, tu as parfaitement raison… Quelle chanson ! Si on pouvait en faire autant… Mais voilà, nous les enfants de la gueuse, il nous faut composer avec nos mots, avec nos phrases. Mais cependant, il nous faut continuer encore à tisser le linceul de ce vieux monde réactionnaire, destructeur d'humanité, anxieux, ambitieux, avide, avare, âpre au gain et cacochyme.



Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




T'as ton fichu
Qu'est tout fichu,
La gueuse.
Ton bonnet qu'est tout délavé,
Ton cœur qui bat pour le malheur.
C'est pas le moment de te faire une fleur,
La gueuse.

C'est des soldats
Qui t'ont fait ça.
Pourtant, ça ne sait pas faire du charme,
Même que plutôt ça ferait des larmes
Avec des mitrailleuses,
La gueuse.

Il y a le père Danton
Dans la région,
La gueuse.
Il s'est retourné dans son panier ;
À croire qu'une tête dans un tas de son,
Ça fait penser dans la nation,
La gueuse.

Pour des soldats,
Tu as fait tout ça.
Moi qui croyais que tu étais en forme
Et voilà que tu fais les uniformes
Comme une pâle travailleuse,
La gueuse.

Dans tes beaux yeux,
Maintenant, il pleut,
La gueuse.
Il y a des clairons dans les chansons
À croire que pour mieux l'égorger
Un petit mouton, ça doit chanter,
La gueuse.

Mais les soldats
Qui t'ont fait ça
Finiront dans un livre au large
Avec du soleil dans la marge
Et puis toi en veilleuse,
La gueuse.

Ah, ça ira !
Tu connais ça,
La gueuse.
Même que Louis était parti
Sur cette machine à faire des ronds,
Un rond dans sa réputation.
La gueuse.

Si tu revenais,
On s'arrangerait ;
Si tu reviens pas, on se dérangera
Comme des marlous qui n'admettent pas
Qu'on leur prenne leur gueuse,
Leur gueuse, leur gueuse.