lundi 23 février 2015

Le Général Dort Debout

Le Général Dort Debout


Chanson française – Le Général Dort Debout – Ray Ventura – 1936
Paroles : Jean Féline








Alors voilà, mon ami Lucien l'âne. Voilà la chanson que je t'avais promise l'autre jour en te faisant connaître ma version « LE GÉNÉRAL », de la chanson allemande « DER GENERAL », chanson de Dieter Süverkrüp. J'espère que tu t'en souviens…


Évidemment et j'attendais avec une certaine impatience cette chanson d'enfance de Georges Brassens...


Ce « général qui dort debout » est une chanson de son enfance, mais elle est aussi présente tout à la fin de son existence comme en témoigne un enregistrement de 1980. Je te rappelle que Tonton Georges est mort jeune d'esprit et de corps… Né en 1921, il meurt en 1981, soit exactement 60 ans.


En effet, de nos jours, soixante ans n'est plus considéré comme un âge avancé. D'ailleurs, moi qui te parles… J'ai largement plusieurs dizaines de siècles, alors…


En parlant de l'âge de Tonton Georges, je ne voulais pas disserter sur le fait de savoir à partir de quel moment on est vieux ; de cela, tu peux débattre au marché ou à la télévision…


Quelle horreur ! Tu veux m'envoyer à la télévision ou supposes-tu que je passe mon temps devant l'étrange lucarne… Je te rappelle que je suis un âne et que les ânes ont bien d'autres choses à faire et à penser que de se laisser embobiner par des écrans hypnotiques.


Ho, Lucien l'âne mon ami, je voulais juste dire que cette histoire d'âges, c'était un sujet pour la télévision. Donc, si j'ai parlé de l'âge de Tonton Georges, c'était pour situer la chanson dans le temps. Quand Brassens l'entend les premières fois, ce doit être après 1936 et sans doute dans la version courte de Ray Ventura. Cela en fait une chanson juste avant la guerre 1939-45 et même contemporaine de l'intervention allemande et italienne en Espagne contre la République, de l'annexion de l'Autriche (Anschluss), des accords de Munich… Et ainsi, ce général qui dort debout en dit plus qu'il n'y paraît. Rappelle-toi Munich 1938 et le commentaire de Churchill à propos des accords passés par la France et l'Angleterre avec Hitler et Mussolini et publié dans le Times de l'époque : « Ils devaient choisir entre le déshonneur et la guerre. Ils ont choisi le déshonneur, et ils auront la guerre ». Dès lors, tu comprendras comment et pourquoi cette chanson d'origine anglaise va traverser la Manche et devenir sous la plume de Jean Féline cet innocent « Général dort debout ». Que cette sorte de coïncidence – parallèle à celle de ce « Tout va très bien, Madame la Marquise » [[43266]] – résulte d'une volonté délibérée et comme politiquement consciente de l'auteur n'est ni certain, ni nécessaire. On dirait que la création de chansons (et plus généralement, de poésie ou même, de tout texte) charrie avec elle des sens en quelque sorte sortis d'un inconscient, un peu comme une eau sourd au milieu d'un champ, d'un bois, d'un pré, d'un talus, d'un chemin...


Je comprends bien cela et je pense que tu décris assez bien le phénomène.
Mais que raconte donc cette chanson ?


C'est l'histoire d'un petit garçon qui un soir, alors qu'il joue avec ses soldats de plomb, s'endort et met fin à la guerre qui se préparait. Dans la chanson, le général est un jeune enfant – disons de trois ou quatre ans et son armée est factice. Dans le réel…


Oui, je vois, c'est bien autre chose. Alors, écoutons la chanson…


Oh, juste un dernier mot... Je propose de reprendre en premier la version longue chantée par André Claveau, chanteur de charme du temps de ma grand-mère ; une version qui date des années Cinquante. Elle contient toutes les autres. J'y joins la version de Ray Ventura et suprême cadeau, la version de Georges Brassens qui se trouve dans l'ensemble des chansons de ses chansons d'enfance.


Et ça, c'est un vrai cadeau… Alors, allons-y et tissons, quant à nous, le linceul de ce vieux monde soldatesque, militariste, guerrier et cacochyme.



Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.



Sur le plancher du salon,
Sont rangés les soldats de plomb.
Fantassins et artilleurs,
Des cavaliers, des sapeurs
Vont jouer leur destin.
Pourtant, aucun ordre ne vient.


Rantanplan, pas de grande parade !
Fermez le ban, pas de mousquetade !
Tout le monde au garde-à-vous !
Mais le général dort debout.

Les soldats étaient pourtant prêts,
On avait dit qu'ils se battraient,
Mais il faut qu'ils soient dissous
Car le général dort debout.

Les officiers ne sont pas contents.
Du colonel au sous-lieutenant,
Ils transmettent ce commandement :
"Baboum badaboum, rompez les rangs !"

Regardez sa tête se pencher,
Il faut l'emmener se coucher
Ce tantôt, pas de héros,
Car le général fait dodo.

Devant ce grand désarroi,
Tout va vite de guingois.
Quatre tanks sont renversés ;
Tous les avions sont écroulés ;
D'un geste du pied,
Leur chef les a tous balayés.

Rantanplan, pas de grande parade !
Fermez le ban, pas de mousquetade !
Tout le monde au garde-à-vous !
Mais le général dort debout.

Les soldats étaient pourtant prêts,
On avait dit qu'ils se battraient,
Mais il faut qu'ils soient dissous
Car le général dort debout.

Les officiers ne sont pas contents.
Du colonel au sous-lieutenant,
Ils transmettent ce commandement :
"Baboum badaboum, rompez les rangs !"

Regardez sa tête se pencher,
Il faut l'emmener se coucher
Ce tantôt, pas de héros,
Car le général fait dodo.


Le marchand de sable vient
Apportant le sommeil en ses mains.
Dormez bien, la lune luit.
Général, bonne nuit !


La version courte : Ray Ventura et les Collégiens. (1936)


Sur le plancher du salon,
Sont rangés les soldats de plomb,
Fantassins et artilleurs,
Des cavaliers, des sapeurs.
Ils vont jouer leur destin,
Pourtant aucun ordre ne vient
Rantanplan, pas de grande parade !
Fermez le ban, pas de mousquetade !
Tout le monde au garde-à-vous !
Mais le général dort debout.

Les soldats étaient pourtant prêts,
On avait dit qu'ils se battraient.
On devait faire une jolie guerre,
Mais le général dort debout

Les officiers ne sont pas contents,
Du colonel au sous-lieutenant
Transmettent ce commandement :
"Baboum badaboum, rompez les rangs !"

Regardez la tête penchée
Il faut l'emmener se coucher
Ce tantôt pas de héros
Car le général fait dodo

(Les chœurs)
Le marchand de sable vient
Apportant le sommeil en ses mains
Dormez bien, la lune luit
Général, bonne nuit
Bonne nuit…