lundi 26 octobre 2015

DANSE DU FOU (POUR FRANCO MASTROGIOVANNI)

DANSE DU FOU
(POUR FRANCO MASTROGIOVANNI)

Version française – DANSE DU FOU (POUR FRANCO MASTROGIOVANNI) – Marco Valdo M.I. – 2015
Chanson italienne – Ballo del matto (per Franco Mastrogiovanni)Luca Ricatti – 2015



Francesco Mastrogiovanni, diFranco
Le maître (d'école) le plus haut du monde
Assassiné à l'hôpital





Toutes les fois que je chante en public «  Il ballo del matto » (le Bal du Fou), je prends quelques minutes pour raconter l'aventure de Franco Mastrogiovanni. Avant tout parce qu'en effet, si on ne connaît pas l'histoire, la chanson paraît un brin obscure. Et ensuite car c'est un événement qui doit être raconté.Dès lors, il est juste que j'écrive quelques lignes ici.Pour commencer, Francesco Mastrogiovanni, dit Franco, n'était pas du tout un fou. Il était instituteur. De lui, ses élèves disaient qu'il était l’instituteur le plus haut du monde. Ce devait être une personne à l’intelligence vive, curieuse, très sensible. Sa nièce, la journaliste Grazia Serra, m'a écrit qu'elle était heureuse qu'on écrive des chansons pour se remémorer son oncle, parce qu'il « vivait de musique ». Et il aimait les livres. Et ensuite il avait de toujours des sympathies anarchistes. Pour les forces de l'ordre c'était un « anarchiste reconnu », définition qui pour eux équivaut à dire qu'il était une sorte de pestiféré. La peste de la libre pensée. C'est peut-être vraiment sa liberté de pensée qui est à l'origine des mésaventures qui ont marqué sa vie.

À l'été de 1972, à Salerne, il se retrouva involontairement avec deux copains anarchistes  dans une bagarre avec quelques militants de FUAN, association de jeunesse du Mouvement Social Italien (pour les plus jeunes : le MSI était un parti d'extrême droite, guidé par Giorgio Almirante ). Par malheur, la bagarre finit très mal : son ami Giovanni Marini poignarde à mort Carlo Falvella, pour défendre Mastrogiovanni, qui s'était pris un coup de couteau. En n'ayant aucune responsabilité dans la mort du néofasciste, Franco fit plusieurs mois de prison, avant être absous. Pour les forces de l'ordre, il restera toujours un dangereux subversif.
En 1999, il finit de nouveau en prison pour l'indicible faute d'avoir contesté une amende. Il fa
llut le procès en appel pour qu'il soit absous et dédommagé pour injuste détention. Et pour ne rien manquer, il subit deux Traitements Sanitaires Obligatoires (TSO), en 2002 et en 2005.Suite à tout ce qui a subi, il semble que Franco ait développé une vraie phobie pour les uniformes. Malgré quelques périodes de dépression, de toute façon, il vit une vie normale, travaille pendant l'année, va en vacances, l'été.

En 2009, il va passer les vacances dans le Cilento. La nuit du 30 juillet, il traverse en voiture la zone piétonnière de la commune de Pollica. Les agents de police signalent qu'il a provoqué un incident, ce qui n'est pas vrai. Mais cela suffit pour que le maire, Angelo Vassallo, signe l'autorisation d'une énième TSO (internement psychiatrique). Il pense que si quelqu'un est qualifié de « subversif bien connu » et a déjà subi deux TSO (internements), il est finalement très facile de penser qu'il a fait un acte fou, même s'il s'est seulement trompé route.

Le matin suivant Franco Mastrogiovanni est à la mer, à l'établissement de bains qui fréquente. Les agents de police arrivent subitement sur lui, ils l'ont aperçu en route et ils se sont lancés à sa poursuite. Il refuse de se livrer et dit au gérant de l'établissement : « S'ils me conduisent à l'hôpital de Vallo della Lucania, ils me tuent. » Ensuite il s'enfuit et il se jette à la mer. À terre, il y a les forces de l'ordre, les Gardes Côte et je ne sais pas combien d'infirmiers.
Lorsque à la fin, épuisé, il sort de l'eau et se rend aux hommes en uniforme, son unique forme de protestation consiste à chanter des chansons anarchistes.

Ils l'emmènent à l'hôpital San Luca de Vallo della Lucania, le sédatisent, ils le lient à un lit et le laissent là. Pour environ quatre-vingt-dix heures. Franco se regimbe, demande de l'aide, saigne des poignets. Mais rien à faire, pendant presque quatre jours, on le laisse dans cet état. Sa nièce Grazia – raconte-t-elle – va demander pouvoir le voir, ils refusent, on ne peut pas.
Dans la chambre où il a été mis Franco, il y a une caméra de sécurité. La caméra filme tout. Elle filme son agonie, elle filme le personnel soignant qui passe à côté de lui, elle filme la mare de sang sous le lit. Et elle filme sa mort.

Il y a eu un procès de premier degré avec des condamnations. Maintenant, c'est le procès d'appel. L'avocat de la défense a soutenu que Mastrogiovanni devait être contenu pour défendre sa santé. Jugez vous-mêmes.

De cette histoire, les mass media ont très peu parlé. Car Franco était anarchiste et les anarchistes, on le sait, sont imprésentables. Car des TSO (internements psychiatriques) et des maladies mentales, il n'est pas bien de parler à la TV. Car l'autorisation à TSO (d'internement), c'est Angelo Vassallo , qui l'a signée, lequel est considéré comme un héros (lorsqu'il fut assassiné à son tour par des tueurs inconnus), et qu'il n'est pas bien de raconter des histoires qui font tache sur la mémoire des héros. Pour tout ceci ou peut-être d'autres raisons, du cas Mastrogiovanni, on a parlé très peu. Et alors de temps en temps, quelque chanteur lui dédie une chanson. Je l'ai fait aussi.



Chansons dédiées à Franco Mastrogiovanni:

Mastrogiovanni d
'Alessio Lega
Ottantadue ore d
e Pierpaolo Capovilla
Canzone per Francesco d
e Davide Gastaldo
Ballo del matto (per Franco Mastrogiovanni) d
e Luca Ricatti

La mort s'est vêtue de blanc
Sans vergogne, elle ment.
Elle porte une blouse étroite
Et un stéthoscope pend sur sa poitrine.

La mort s'est vêtue de blanc
Qui lie et serre fortement
En poche un papier timbré
Qui enferme là celui qui est oublié.

La mort s'est vêtue de blanc.
Elle prescrit le tourment,
Elle impose la contention,
Elle signe la persécution.

C'est un abus de puissance,
C'est l'arrogance, c'est la suffisance
De celui qui sait en user
Sous couvert d'autorité.

Où est-il le fou,
Mais qu'a-t-il fait ?
Dans les vagues de la mer, il s'est réfugié.
Voilà le fou
Mais qu'a-t-il fait ?
On ne sait pas, mais il faut l'arrêter.

Vienne une vague faire le bourreau ;
Que libre encore, il puisse se noyer.
J'aime mieux penser qu'il meurt dans l'eau
Que dans un hôpital enfermé.
Vienne une vague faire le bourreau
Que libre encore, il puisse se noyer.
J'aime mieux le penser mort dans l'eau
Que dans un hôpital assassiné.
De blanc se vêt la mort
Qui écrase même le plus fort.
Elle a un badge sur la poitrine
Et dispense la morphine.

Il est maintenant obligatoire
D'oublier cette histoire
Et beaucoup s'y sont pliés
Par respect de l'autorité.
Où est-il le fou,
Mais qu'a-t-il fait ?
Dans les vagues de la mer, il s'est réfugié.
Voilà le fou
Mais qu'a-t-il fait ?
On ne sait pas, mais il faut l'arrêter.

Vienne une vague faire le bourreau
Que libre encore, il puisse se noyer.
J'aime mieux le penser mort dans l'eau
Que dans un hôpital prisonnier.

Vienne une vague faire le bourreau
Que libre encore, il puisse se noyer.
J'aime mieux le penser mort dans l'eau
Que dans un hôpital assassiné.

La mort s'est vêtue de blanc
Sans vergogne, elle ment.
Elle porte une blouse étroite
Et un stéthoscope pend sur sa poitrine.

LA SÉCHERESSE

LA SÉCHERESSE

Version française – LA SÉCHERESSE – Marco Valdo M.I. – 2015
D'après la traduction italienne de Maria Luisa Scippa.
d'une chanson pugliese (italienne) – La siccitàMatteo Salvatore - 1970



Je guettais le ciel, la pluie n'est pas tombée

Et pas une larme pour mouiller la terre.
Le vent brûlant l'a toute séchée.


Je l'avais déjà traduite une fois [[38880]], mais cette version-ci est bien meilleure.

Ainsi Parlait Marco Valdo M.I.



Tous mes efforts se sont liquéfiés ;
J'ai semé le blé et je ne l'ai pas récolté.
Tout mon travail est gaspillé
Et l'infâme destin m'a condamné.

J'ai perdu toutes mes espérances :
Au fond du puits, s'en sont allées.
Ma fiancée, je la voyais en souffrance,
Tout le jour la tête penchée.
Je guettais le ciel, la pluie n'est pas tombée
Et pas une larme pour mouiller la terre.
Le vent brûlant l'a toute séchée.
La sécheresse est plus amère que la guerre.


J'ai perdu ma bien-aimée ;
Morte, dans son cercueil, s'en est allée.
Maudite soit cette sécheresse,
Puisse le monde entier en être accablé,
Maudite soit cette sécheresse,
Puisse le monde entier sombrer.