Levée
du piège
Chanson
française – Levée
du piège
– Marco
Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 117
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – IV, XVIII)
Ulenspiegel le Gueux – 117
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – IV, XVIII)
Dialogue
Maïeutique
Depuis
des jours, la flotte des Gueux de mer est bloquée par la glace à
quelques encâblures devant Amsterdam. C’est là, Lucien l’âne
mon ami, une situation périlleuse, car la glace est suffisante pour
porter une armée et toute une artillerie. Et la crainte de l’amiral
Worst va se révéler exacte. Une nuit, tout une armée passe
l’attaque. C’est cette bataille que relate la chanson.
Et
moi qui pensais, dit Lucien l’âne, que les Gueux étaient sauvés
depuis qu’ils avaient pu ramener du ravitaillement lors de
l’expédition à la ferme et qu’il leur suffisait d’attendre le
dégel tranquillement sur leurs bateaux. D’ailleurs, aux dernières
nouvelles, ils faisaient la fête :
« Chez
Lamme, c’est musique de cuisine ;
Tous
ensemble, chez Lamme, on dîne.
Vive
le Maître Queux ! Vive les Gueux ! »
En
effet, reprend Marco Valdo M.I., les Gueux se réjouissaient et
meublaient l’attente du dégel en faisant de somptueux repas, mais
tout en gardant – et heureusement – un œil vigilant sur le
rivage. Pour eux, l’attaque qui viendra n’aura rien d’une
surprise. Souviens-toi qu’ils avaient déjà fait l’objet d’une
pareille tentative à Emden (Le
Navire dans la Glace ; Les
Boeufs qu’on abat) et qu’ils n’avaient dû leur
salut qu’à la fonte soudaine de la glace qui couvrait le Dollard.
Juste une parenthèse à propos de ces épisodes récurrents pour
indiquer que les Gueux – hommes du Nord – sont habitués à de
telles conditions hivernales, d’autant que ce phénomène est
récurrent en ces années à cheval sur le 16ᵉ et le 17ᵉ siècles,
où la petite glaciation atteint son minimum ; alors
qu’aujourd’hui, le réchauffement climatique fera bientôt
pousser des palmiers dans les oasis du Zuiderzee.
Oui,
oui, répond Lucien l’âne. De ce fait, ils ont de l’expérience
et savent à quoi s’attendre.
Et
c’est ce qui va les sauver, Lucien l’âne mon ami, car l’attaque
est d’envergure : plus de mille hommes avec de l’artillerie
et tout le matériel d’abordage. En plus, ce qui importe énormément
à ces troupes mercenaires cupides des Espagnols, il y a tout le
butin de la flotte venue de Lisbonne qui se trouve encore
nécessairement sur les bateaux des Gueux. Pour les détails,
laissons raconter la chanson.
Tu
as raison, Marco Valdo M.I. mon ami, laissons dire les détails à la
chanson, mais j’aimerais quand même que tu me dises quelques mots
de ce titre étrange : « Levée de Piège », car je
ne pense pas qu’il s’agit d’une histoire de braconnage en
forêt.
Non,
certainement pas, mon ami Lucien l’âne. « Levée de Piège »
part de l’expression « Levée de Siège » qui est
usitée pour désigner la fin de l’encerclement d’une ville, d’un
camp, d’un château. On parle alors de la « levée du siège »
lorsque l’armée des attaquants s’en va et libère la ville, le
camp, le château de sa menace. Mais voilà, ici, c’est une flotte
qui est encerclée par les glaces, elle prise au « piège »
par le gel. Elle se trouve dans la situation similaire à celle d’un
siège « terrestre » et elle ne peut en être libérée
que le relâchement de la prise qui l’enserre. C’est ce qu’elle
attend et c’est ce qui se produit.
Voyons
donc ce qu’il en est, dit Lucien l’âne. Alors, tissons le
linceul de ce vieux monde sournois, cupide, stupide et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Il
gèle encore, la flotte inerte
Voit
sur le rivage un noir troupeau
Où
luisent torches et fanaux.
Les
vigies sonnent l’alerte.
Sur
les bateaux des Gueux,
C’est
le couvre-feu,
Sur
le pont, soudards et matelots,
À
plat ventre, attendent l’assaut.
Les
artilleurs chargent les canons
De
sacs à balles ou de boulets
Et
attendent l’instruction
« Cent
pas ! » pour tirer sans arrêt.
Des
patins rayent la glace qui crie,
Les
voix ennemies trouent la nuit,
Elles
disent : « Les Gueux fainéants dorment.
À
nous, les trésors de Lisbonne ! »
Elles
avancent à plus de mille ;
Avec
des torches et des échelles.
La
longue ligne marche tout droit.
L’amiral
Worst hurle : « Cent pas ! »
Quatre-vingts
canons en chœur ont tonné
Dans
le noir, tonnerre, terreur, tintamarre,
Les
torches repartent en ordre dispersé.
« Poursuivez !
Poursuivez les fuyards ! »
Sur
les blessés et les morts couchés sur place,
On
trouve des cordes pour pendre les Gueux.
Victoire !,
mais la flotte reste dans la glace ;
Victoire !,
mais danger pour les Gueux !
Worst
attend une nouvelle attaque.
Lamme
voit dans le beurre un signal
Et
demande à parler à l’amiral
Pour
des considérations météorologiques.
Il
dit : « Les volailles sont molles, le sel pleure
L’huile
est liquide, le beurre onctueux,
Le
givre du saucisson est aqueux,
Il
pleuvra bientôt, Monseigneur. »
Justesse
de ses présages :
Pluie
chaude et orage,
Flux
de marée sur le rivage,
Le
piège fond, la flotte se dégage.