Katheline suppliciée
Chanson française – Katheline suppliciée – Marco Valdo M.I. – 2015
Ulenspiegel le Gueux – 8
Opéra-récit
en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La
Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses
d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs
(1867).
Il l’attacha sur le banc de torture.
Il versa l’eau chaude dans l’estomac.
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Nous
voici, Lucien l’âne mon ami, à la huitième canzone de l’histoire
de Till le Gueux. Les sept premières étaient, je te le rappelle :
01
Katheline
la bonne sorcière [[50627]]
02
Till
et Philippe [[50640]]
03.
La
Guenon Hérétique [[50656]]
04.
Gand,
la Dame [[50666]]
05.
Coupez
les pieds ! [[50687]]
06.
Exil
de Till [[50704]]
07.
En ce temps-là, Till
Je
ne l’avais pas oublié… Mais voyons ce que tu as à dire de la
huitième…
La
huitième raconte l’histoire
atroce du supplice de Katheline, la bonne sorcière, celle-même qui
mit au monde de ses mains, Till et de son ventre, Nelle. Peut-être,
t’es-tu posé la question de savoir pourquoi, parmi ceux qui
l’aimaient bien, on l’appelait dans son village, Katheline, la
bonne sorcière. Tout simplement, car c’en
était une. Une vraie. Non pas qu’elle
entretînt des relations diaboliques – tu sais comme moi et comme
tout un chacun que c’est
une impossibilité du simple fait que ni Diable, ni Dieu n’existent,
mais on l’appelait
ainsi, car elle soignait les bêtes et les gens par les simples,
c’est-à-dire
par les plantes – une
méthode héritée d’une sagesse
ancienne. Je t’ai
déjà parlé de la sorcière telle qu’elle était dans les
sociétés paysannes et de son rôle tout à fait essentiel de
sage-femme, de soigneuse, de guérisseuse, de conseillère et de
consolatrice.
Oh,
ce n’est
pas à moi que tu dois expliquer ce que sont les sorcières, ni
pourquoi l’Église, qui entendait prendre leur place, s’est
acharnée à vouloir les éliminer par tous les moyens. Elle alla jusqu’à inventer la Vierge et le culte marial…
Donc,
comme tu le sais aussi et comme tout un chacun le devine, il existe
des gens idiots, bêtes et malveillants, rongés par l’envie et
l’avidité et pour qui tous les moyens sont bons pour faire de
l’argent. Y compris, comme tu le verras ici, au détriment de leurs
voisins ou d’une
brave femme.
Oh,
j’ai
vu souvent cela et j’ai vu beaucoup de gens en souffrir. L’envie
est une bête sournoise et méchante, je le sais bien.
Si
tu sais cela, tu vas comprendre la suite. Katheline avait soigné les
bêtes d’un
fermier et celles d’un autre fermier, voisin du premier. Les
animaux de l’un furent guéris ; par malheur, une vache du
second périt. Et ce dernier accusa Katheline d’avoir tué sa vache
par des procédés diaboliques. Évidemment, il n'en était rien,
mais le mensonge porta et Katheline fut arrêtée sous l’accusation
de sorcellerie, une des pires qui soit.
Je
t’interromps, car je veux dire que ce type est une ordure…
En
effet. Je continue mon récit. Il faut savoir que dans la justice de
l’époque, telle que
l’imposait l’Église, il fallait que le coupable avoue son crime.
Cela partait d’une bonne intention et d’un bon sentiment
ecclésiastique : l’aveu était le premier pas vers la
repentance et la repentance mène au pardon et au salut. C’est
d’ailleurs encore aujourd’hui le mécanisme fondamental de la
confession et de l’absolution qui en découle. Donc, pour en
quelque sorte aider l’accusé à faire ce premier pas vers le
salut, on le torturait avec pas mal de sérieux, de technique et de
raffinement. Ensuite, il ne restait plus qu’à le condamner soit à
la peine de mort, généralement agrémentée de nouvelles tortures,
soit à un supplice, le
tout en place publique. Il fallait bien impressionner les foules et
les tenir dans une atmosphère de peur. Le supplice qu’on inflige à
Katheline est terrible (on lui pose sur le crâne de l’étoupe et
on lui incendie ainsi la tête) et elle est tellement meurtrie par
ces tortures à rallonge qu’elle est devenue folle et comme, avec
ses pieds brûlés (c'était une des tortures précédentes), elle
est incapable de marcher, ils l’emmènent en chariot hors du
territoire de Damme pour l’exil auquel ils l’ont, en plus,
condamnée.
Que
voilà de braves gens ! Ils ont vraiment tout fait pour sauver
Katheline de l’emprise du diable. Encore que je ne pense pas que le
feu et les flammes dussent l’effrayer beaucoup… Quelle bande de
sadiques ! Et dire que ça se passait ici quelque part… Mais
sûrement, le supplice imbécile qu’ils infligent à Katheline
n'était qu’une goutte dans l’océan de douleurs, de tortures et
de massacres qui va submerger l’Europe (sans compter l’Amérique…)
de ce temps-là. Tu fais bien Marco Valdo M.I., mon ami, de relater
ces épouvantables événements,
car
la folie humaine, surtout quand elle est institutionnalisée, est
redoutable et est toujours prête à se réveiller. Alors, reprenons
notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde inquisitorial,
délateur, envieux, avide, sadique et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Katheline
la bonne sorcière, en ce temps-là,
Par
des simples et sans prières
Sauva
de la mort sans autres manières
Les
animaux d’un fermier de l’endroit.
Un
bœuf, trois moutons, un cochon
Mais
pas la vache de celui-là
Mal
lui en prit, car le félon
De
jeter des sorts l’accusa.
Accusation
sans fondement et infâme.
On
arrêta la bonne femme.
On
la condamna à avouer ;
Par
la torture, à avouer.
Le
bourreau la mit nue et la rasa.
Il
l’attacha sur le banc de torture.
Il
versa l’eau chaude dans l’estomac.
Katheline
vomit tant et tant de vomissure.
Avoue :
tu es une sorcière.
Je
n'avoue rien. j’aime les bêtes.
j’ai
soigné la vache par des remèdes.
Avoue :
tu es une sorcière.
Tu
me voulus pour épouse dans le temps.
Pourquoi
viens-tu si tard ?
Le
nombre sacré tue ceux qui veulent m'avoir.
Le
greffier dit : elle est folle, maintenant.
À
Damme, le juge condamna Katheline
À
avoir la tête brûlée et un exil de trois ans.
Sur
la tête rasée de Katheline, on mit les étoupes.
Elles
brûlèrent longtemps, longtemps.
Katheline
gémit, pleura, cria, hurla ;
Dessus
sa tête, enfin, les flammes cessèrent.
On
détacha Katheline la bonne sorcière
Et
hors de la ville, sur un chariot, on la mena.