jeudi 14 décembre 2017

Heureusement qu’il y a les toros

Heureusement qu’il y a les toros

Chanson française – Heureusement qu’il y a les toros – Pierre Tisserand – 1968
La chanson « Heureusement qu’il y a les toros » a été interprétée par l’auteur
et apparaît sur l’album
Aux aguets de toi (1968)





J’éviterais soigneusement de parler de Franco ;
Pour trouver une rime, c’est un vrai mal de chien
Et on a beau chercher, Franco ne rime à rien.
Si ce n’est quel dommage, hélas à flamenco.

J’éviterais de parler des fiers caballeros
À la mine farouche et au désir superbe,
Ils sont pour la plupart morts sous les herbes
Ou ils ne tirent plus l’épée qu’en faisant le torero.

Heureusement qu’il y a les toros
Pour faire encore quelques héros.

Il fut un temps où les puissances d’Occident
Au lieu de sortir les griffes, au lieu de montrer les dents,
Envoyèrent en cachette des flacons d’arnica
Pour essayer de panser les plaies de Guernica.

Et ces mêmes puissances ont loué des bungalows,
C’est plus avantageux que les châteaux en Espagne,
Le fascisme a du bon au mois d’août et en pagne
Sur la Costa Brava, le cul plongé dans l’eau.

Heureusement qu’il y a les toros
Pour faire encore quelques héros.

On a beau quelquefois s’écrier « Haut les cœurs ! »
Il n’est que la vindicte pour s’élever au-dessus
De ces pauvres cornards qu’on appelle vaincus.
On pardonne aux salauds, mais aux salauds vainqueurs

Et comme le caudillo en France pour les intimes
A gagné sa guéguerre, il a droit à l’estime
De ses contemporains et ses vieux adversaires
Lui envoient quelques fleurs à chaque anniversaire.

Heureusement qu’il y a les toros,
Pour faire encore quelques héros oh oh oh, oh oh oh.


BERLIN

BERLIN


Version française – BERLIN – Marco Valdo M.I. – 2017
Chanson italienne – BerlinoMassimo Priviero – 2017




Un album qui parle d’émigration, un véritable concept-album qui raconte des histoires de vie des Italiens d’hier et d’aujourd’hui, qui parle de renaissance, de renouveau, de force.

Dans les années 80, nombre de jeunes cherchaient leur destin dans d’autres villes européennes, surtout pour chercher du travail dans les restaurants italiens. Ainsi fit ce garçon dans les années qui précédent la chute du mur. Berlin à l’époque était une ville merveilleuse, mais fort difficile à supporter pour qui à regret, a laissé l’horizon sûr de sa famille, de ses amis et de son bar. Apparemment désillusionné par rapport ce qui se passe, dégrisé quant à la beauté de son destin, décidé à retourner dans le petit village d’où quelques années auparavant, il était reparti.

J’allai à Berlin pour la première fois vers la moitié des années 80 et je le fis ensuite plusieurs fois successives pour une liaison sentimentale qui me lia pour quelque mois à une fille allemande. Le mur était encore debout et rien ne laissait présager qu’il tomberait de manière aussi bruyante et aussi rapide quelques années plus tard. Toutefois, ce qui me frappait le plus et qui m’intriguait dans cette ville splendide était précisément sa condition particulière d’île encerclée, si on peut ainsi dire, qui contraignait vraiment des gens d’extraction et de niveau totalement différents à expérimenter une cohabitation quotidienne.

Vraiment quand on marchait sur le Kudam, on pouvait voir assis sur deux banquettes contiguës un riche bourgeois et un jeune particulièrement alternatif, juste pour donner un exemple, qui avaient appris à cohabiter l’un à côté de l’autre. De la même manière, un local de givrés, si vous me passez le terme, se trouvait à quelques mètres d’un restaurant très sélect. C’était comme si la contrainte avait fait éclore une sorte de tolérance et d’acceptation réciproque d’une certaine façon miraculeuses. Ceci me semblait extraordinaire. Je vécus, la première fois que j’y allai, comme hôte dans un appartement de mes contemporains italiens qui s’étaient exilés là pour travailler, généralement comme barmans ou garçons, il va de soi surtout dans des restaurants italiens. Nous nous connaissions en raison d’une provenance commune, plus ou moins, et avec certains, je pouvais me considérer presque comme un ami. Toutefois, j’étais là pour user de mon temps qu’on pourrait qualifier en touriste, même si par bien des aspects alternatif, comme il est facile à imaginer, et inversement, ces garçons avaient une vie infâme et bien peu de temps à perdre en soirées créatrices ou en discussions par exemple sur ce qui se passait sous les apparences et ce qui a ensuite conduit aux événements de 1989.

De fait, en parlant avec eux, on découvrait plus une espèce de nostalgie du village laissé dans un coin d’Italie, avec un bar et le temps passé à vaguer sans but. En parlant avec eux, j’étais souvent déconcerté. « Bordel, vous êtes dans une des plus belles villes d’Europe ! » « Et qui a le temps pour la voir ! Va travailler dans un restaurant douze heures par jour et ensuite, vois si tu as envie de sortir. L’unique chose que tu espères, c’est un lit où dormir. Peut-être, la demie journée libre, tu t’en vas faire un tour… Voilà tout ! ». Ce n’était pas facile. Ce n’était pas facile de parler de murs à renverser, de liberté, de rêves ou de rock alternatif pour celui qui passait son temps à porter des assiettes à table dans le restaurant Bella Italia en comptant sur de bons pourboires à mettre de côté. Les films, considérés comme métaphores, étaient ailleurs et comme toujours les films sont fort différents de la vie de chaque jour. Même pour un jeune de vingt ans qui vivait dans une des plus belles villes d’Europe. Mais qu’aurait-il pu vraiment voir en seulement une demi-journée par semaine.




Il est quatre heures du matin.
En cet hiver 86, c’est la nuit ici à Berlin.
D’un village le long du Po, je suis venu.
Mes parents ont élevé quatre enfants ; je ne sais pas comment.
Et pour mes vingt ans, ils m’ont dit tu décides maintenant.
Mais où il y avait hier du travail, maintenant il n’y en a plus.
Alors, un soir, j’ai pris un train
Et j’ai laissé là, le bar des copains.
Ainsi un soir, j’ai pris un train
Qui m’a mené ici à Berlin.

Au restaurant Italie et Soleil, on fait dix heures par jour.
Esclave des tables, je connais à peine trois mots d’allemand,
Ça fait sept ans que je suis ici et je me sens même bien, certains jours.
Entre les déjeuners et les dîners, j’ai perdu mes rêves d’enfant.
J’ai quelques amis et parfois, on passe un bon moment,
Mais ils ne sont heureux que quand ils sont noirs.
Ainsi un soir, j’ai pris un train
Et j’ai laissé là mon bar
Ainsi un soir j’ai pris un train
Qui menait ici à Berlin
Hei hei Berlin, tout arrive là,
Hei hei Berlin, qu’est-ce que je fais là ?

J’ai mis quatre sous sur un compte à part,
Mais je les jouerai aux cartes, tôt ou tard.
Ici, ils disent que le mur tombera bientôt
Et même que ceux de l’autre côté, auront la liberté.
Mais ça m’est égal, je jure sur tout ce que j’ai
Que je voudrais être dans mon village le long le Po
Alors, un soir, j’ai pris un train
Qui partait dans le noir
Et j’ai laissé là mon bar.
Ainsi un soir, j’ai pris un train
Qu
i partait dans le noir
Et j’ai laissé là mon bar.
Ainsi un soir, j’ai pris un train
Et j’ai laissé là Berlin.