mercredi 7 octobre 2015

LES CINQ CANARDS

LES CINQ CANARDS


Version française – LES CINQ CANARDS – Marco Valdo M.I. – 2015
Chanson italienne – Le cinque anatreFrancesco Guccini1978 – 

Paroles et musique de Francesco Guccini




Cinq canards en vol contre le soleil voilé,
Contre le soleil voilé… 

« Les cinq canards sont un hymne à la résistance, à l'anticonformisme, à la liberté personnelle ; derrière une écorce de noir et brumeux darwinisme de façade se cache en effet la lutte pour la vie, pour la dignité, pour une existence juste et finalement satisfaisante. […] Un texte qui superficiellement ressemble peu à ceux qui l'ont précédé. Mais dans ce vol, dans ce dernier vol du canard survivant, il y a toute la conscience têtue que nous cherchons depuis toujours, cette impression sincère de justice éternelle qui accompagne seulement celui qui se sait du bon côté, continuant à lutter, malgré tout, avec rage et sentiment.

Cette chanson du bon Francesco est en fin du compte une fable amère, qui veut nous faire réfléchir sur ce qui est juste et ce qui est faux ; il semble nous dire avec son habituel rythme compassé et éclectique, avec ce sourire ironique que nous redisons à des lèvres serrées, que « les choses justes le sont par définition », sans subterfuges, sans duperies, sans sourires hypocrites ou haussements d'épaules indifférents.

« Cinq canards volent plein sud » ; ainsi commence cette persuasive métaphore de l'existence. Un texte linéaire, coulant, qui se sert d'une histoire de douleur, de mort et de survie pour en raconter une autre, encore plus belle, encore plus délicate ; dans le vol incessant et infatigable des cinq canards se révèle la détermination granitique de tous ceux qui ont toujours perdu, mais jamais cessé de voler.Car les hommes, comme les canards, tombent. Mais la mémoire non : la mémoire reste. »
(« 
Les cinq canards. Darwinisme, utopie, résistance et liberté : tout dans une chanson magnifique et oubliée », de Johnny Felice, in Sottobosco.info)


Cinq canards vont plein sud :
Bien avant le temps, l'hiver est arrivé.
Cinq canards en vol contre le soleil voilé,
Contre le soleil voilé…

Aucun bruit sur la taïga,
Un éclair un instant et une morsure cruelle :
Quatre canards en vol et tombe une proie
Et une proie tombe...
Quatre canards vont plein sud :
Lointaine est la terre qui les nourrit,
Autant la terre qui les nourrira et l'hiver arrive déjà
Et l'hiver arrive déjà …

Le jour semble ne finir jamais ;
Dans le vent,
blanche et aveugle, la neige sifflait:
Trois canards volent d'un vol lourd maintenant
D'un vol lourd maintenant…

À quoi ils pensent, personne le saura :
L'hiver et la grande plaine ne pensent rien
Et rien, le gel qui brise le sol d'un cri qui dure,
D'un cri qui dure…

Et le troupeau va, va plein sud.
Il n'existe plus rien si ce n'est le sommeil et la faim :
Deux canards vont plein sud qu'ils voient maintenant ,
Plein sud qu'ils voient maintenant…

Cinq canards allaient plein sud :
Peut-être ne verra-t-on qu'un seul arriver,
Mais son vol dit qu'il faut voler,
Qu'il faut voler,
Qu'il faut voler,
Qu'il faut voler…






Coupez les pieds !


Coupez les pieds !

Chanson française – Coupez les pieds ! – Marco Valdo M.I. – 2015


Ulenspiegel le Gueux – 5

Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).


JUSTE POUR MONTRER DE QUOI IL S'AGIT...



Quelle horreur encore me contes-tu, Marco Valdo M.I. mon ami ? Mais qui donc pousse de tels hurlements et pour quelle raison et pour quel supplice ?


Ah, Lucien l'âne mon ami, il s'agit bien de ça. D'un supplice à la raison insignifiante. Et le condamné, les pieds brûlés sous la torture est mené clopin-clopant dans un nid de flammes. Quant à la raison de pareille déraison, on la connaît : les moines ne voulaient pas payer un sculpteur de son travail – une statue de la Madone que ces va-nu-pieds avaient commandée. Alors, l'artiste avait d'un coup de son ciseau, défiguré la Vierge qu'il venait de terminer. Ils le dénoncèrent comme iconoclaste ; après l'avoir copieusement torturé comme il est d'usage dans les tribunaux de la répression catholique – pour faire avouer le condamné ou que sais-je, on lui brûle la plante des pieds avant de le faire aller à pieds à sa mort.


On comprend qu'il hurle : « Coupez les pieds ! » ; il parle des siens. Quelle horreur ! Et quelle considération voudrait-on qu'on ait pour cette catholicité, capable de telles atrocités ?


Et puis, Lucien l'âne mon ami, là ne s'arrête pas cette paradisiaque cruauté. On lie ce brave sculpteur – comme fit Philippe de la Guenon Hérétique  – à un poteau placé au milieu du cercle de feu fait de bottes de paille et de fascines croisées… Sa mort est certaine. Il ne peut s'échapper. Il tire sur sa chaîne pour y échapper, mais sa mort en est juste ralentie – il n'en criera que plus longtemps et comme il est dit dans la chanson, Philippe aime beaucoup cette musique, ce chant de l'hérétique.


Oh, Marco Valdo M.I. mon ami, combien cruel et délirant est ce prince qui tolère, qui encourage de pareilles insanités.


Et puis, je n'en ai encore rien dit, mais comme souvent dans les récits de Charles De Coster (comme on sait, ce roman est composé d'une série de courts récits qui se suivent, sans nécessairement avoir un lien direct entre eux), il y a une sorte de contre-chant, une histoire parallèle où en réponse à l'agonie de l'iconoclaste, une autre agonie déroule son film. C'est l'agonie de la reine Marie que tous, et en premier lieu, son mari Philippe le sadique, et même jusqu'à sa suivante, son amie, chargée de veiller sur elle, la duchesse d'Albe, tous abandonnent pour aller assister au spectacle de l'homme incendié. Curieux divertissement…


C'est pire que ce que je n'aurais jamais osé imaginer.


Lucien l'âne mon ami, laisse-moi t'interrompre une dernière fois, pour te dire que ce genre de spectacle… sur certains écrans des jours d'à présent, on peut en voir tout autant ; d'autres gens recommencent à croire aux vertus de l'horreur. Ainsi s'en va le monde : d'un pouvoir l'autre, d'une religion l'autre, d'un fanatisme l'autre…


Marco Valdo M.I. mon ami, tu avais bien raison avec ton antienne : « Fanatiques de tous les pays (et j'ajoute : de tous les temps), calmez-vous ! ». Malheureusement, ils sont durs de la comprenure, ces gens-là. Et puis, comment les rendre intelligents ? Comme disait Tonton Georges : « Le Temps ne fait rien à l'affaire » Enfin, reprenons notre tâche et tissons le suaire de ce vieux monde sadique, religieux, brutal, imbécile et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Coupez les pieds ! Coupez les pieds !
Philippe entendait fort bien crier ;
Il aimait beaucoup cette musique ;
Pour lui, c'était le chant de l'hérétique.

Le sculpteur aux pieds brûlants
Hurlait encore au milieu des flammes.
Dans les douleurs de l'enfer le voyant
Grâce ! criaient les bonnes dames.

Et pendant ce temps-là, la reine Marie
Suait, frissonnait sur le sol, glacée.
Sentant venir sa mort et s'en aller sa vie,
La mère de Don Carlos pleurait désespérée.

Coupez les pieds ! Coupez les pieds !
Un chien aboie à la mort, pensait la reine.
Le sculpteur, fier encore, tirait sur sa chaîne.
Il se mourut soudain, asphyxié.

La reine Marie périt dans le vacarme
De ce sculpteur qu'on assassine.
Suivant la prédiction de Katheline,
Philippe semait la mort, le sang et les larmes.