lundi 25 juin 2018

Le Cœur et l’Esprit


Le Cœur et l’Esprit


Chanson française – Le Cœur et l’Esprit – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 59
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, XXIII)



Laurence Sterne



Dialogue maïeutique


« Le Cœur et l’Esprit », en voilà un beau titre, dit Lucien l’âne. Encore faut-il savoir de quoi il est question. Peut-être même que ce pourrait être une de nos devises et pourquoi pas, une devise des Chansons contre la Guerre.

En effet, Lucien l’âne mon ami, c’est un titre qui évoque toute une forme de personnalité, toute une manière d’être et de se comporter. C’est en quelque sorte une boussole morale, une inclinaison de l’être qui penche toujours du bon côté.

Ainsi en va-t-il pour le titre, mais dis-moi Marco Valdo M.I. mon ami, dis-moi un peu ce que raconte la canzone, car – comme tu peux t’en douter – j’attends avec impatience la suite de l’histoire. Pour moi, tes chansons sont devenues comme les épisodes d’un feuilleton comme en écrivait Pierre Allexi Joseph, Ferdinand de Ponson du Terrail, connu sous le titre de vicomte de Ponson du Terrail.

Je reconnais bien là ton goût pour les noms à rallonge. Cependant, Lucien l’âne mon ami, je préférerais invoquer le feuilletoniste anglais ou presque, il publia au fur et à mesure de l’écriture – cette révélation prit dix ans, son proprement extraordinaire et décapant « Vie et opinions de Tristram Shandy », qu’on ne se fatigue jamais de relire, car il est à chaque fois une autre découverte.

Oh, je le sais, dit Lucien l’âne en riant, moi qui le relis depuis l’époque ce coïtum interruptum (accusatif) et tout ce qui s’ensuit comme on boit un porto datant de sa naissance. Imagine ce que ce serait dans mon cas ; d’ailleurs, à ma naissance, le porto n’existait pas.

Soit, dit Marco Valdo M.I., je ne voudrais pas tromper les gens : le porto est un vin vénérable, quand même. Ah, Sterne – ce presque archevêque d’York, car s’il n’avait écrit et eu des polémiques et des aventures amoureuses trop voyantes, il l’eut été comme son aïeul.

Mais quand même, Marco Valdo M.I. mon ami, Laurence Sterne, l’auteur de Tristram, archevêque d’York, Yorick porté au rang d’archevêque, troisième personnage du Royaume d’Angleterre, voilà qui aurait redoré la couronne et mis l’humour au rang de grandeur nationale.

De fait, Lucien l’âne mon ami, il est parfaitement louable d’imaginer Sterne comme archevêque, Sterne relatant aux fidèles de Sa Majesté les joies du baptême à la canule, Sterne est bien celui à qui nous devons tant et le droit de dialoguer à notre guise. Mais, vois-tu, Lucien l’âne mon ami, tout ceci n’a que peu à voir avec la canzone. Quoique… sauf à considérer évidemment que la chanson – comme le « je » de Rimbaud – est une autre, ainsi qu’elle l’a souvent démontré.

Oui, dit Lucien l’âne, ça ne lui va pas de servir de faire-valoir au commerce ou de trafiquer l’argent et le reste. D’ailleurs, elle se révolte, comme Till. Elle en a marre d’ânonner des insanités, de débiter des débilités. Bien sûr qu’il lui faut du son (parfois), mais enfin, elle a toute sa tête. Donc, lors de l’épisode précédent dans la réalisation en direct de leur guet-apens, nous avions laissé nos amis Till et Lamme avec la nécessité de s’éloigner au plus vite de l’auberge de Marlaire et surtout, des cadavres des trois prédicants, qu’ils venaient d’assassiner – pur la bonne cause pourtant. Entretemps, ils sont arrivés à Huy, mais ayant changé de rive à Andenne pour égarer leurs poursuivants éventuels, ils ont franchi li pontia et ont repris le cours de leur périple, car ils doivent, comme on le sait, aller à Maestricht en dépit de tous les obstacles, en passant obligatoirement par Landen, comme le démontre la canzone. On les retrouve là-bas, après le cri de l’alouette et le chant du coq hardi – lequel, comme on sait ici, est le coq wallon, symbole de liberté, avec celui qui les a accueillis. Je ne te dirai pas le reste, sinon à quoi servirait de lire la chanson.

Bien sûr, Marco Valdo M.I. mon ami, il y faut du suspense, un brin de mystère, un territoire inconnu et inexploré et étant moi aussi un explorateur invétéré, un âne itinérant dans toute l’histoire, furetant sans désemparer depuis des milliers d’années, j’apprécie particulièrement d’avoir à découvrir ce que je ne sais pas ou que je ne connais pas encore. Maintenant, si tu le veux, revenons à notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde sans cœur, sans esprit, sans vue de lui-même, sans conscience, sans volonté et cacochyme.


Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


Lamme demande : « Où allons-nous ? »
« À Maestricht », dit Till.
Lamme dit : « Il faut être fou,
Le duc espagnol tient la ville. »

Till dit : « Pour les trois prédicants,
Les corbeaux, les hiboux et les vautours
S’en chargent opportunément
Tour à tour. »

Lamme dit : « À Maestricht, ils sauront
Et à la mort, ils nous mèneront,
Haut et court, ils nous pendront. »
Till répond : « Nous passerons.

À Maestricht, nous devons être tantôt ;
En passant par Landen, nous y serons bientôt.
À Landen, l’alouette sifflera.
À Landen, le coq hardi répondra. »

À Landen, l’alouette siffle,
À Landen, le coq hardi répond.
« Vive le Gueux, amis libres !
Entrez en ma maison.

Envoyés du Prince, entrez,
Mangez et buvez !
Voyez le jambon et les boudins,
Les verres emplis de vin. »

Lamme boit comme le sable sec ;
Lamme mange à grand bec.
Filles, gars, tous viennent le voir
Titan besognant des mâchoires.

« Cent paysans partiront
Dans une semaine
Pour travailler à grande peine
Aux digues de Bruges et environs.

Par des chemins divers,
À cinq ou six, ils iront
À Bruges, les Gueux trouveront
Les barques pour atteindre la mer. »

Et dit encore le maître des lieux
« Je donnerai arme et argent :
Dix florins à chaque gueux
Et un grand coutelas bien tranchant. »

Till dit : « C’est là magnificence. »
Thomas, le maître des lieux, dit :
« Je ne besogne pas pour la récompense,
J’agis selon le cœur et l’esprit. »

« Le Cœur et l’Esprit », en voilà un beau titre, dit Lucien l’âne. Encore faut-il savoir de quoi il est question. Peut-être même que ce pourrait être une de nos devises et pourquoi pas, une devise des Chansons contre la Guerre.

En effet, Lucien l’âne mon ami, c’est un titre qui évoque tut une forme de personnalité, tout une manière d’être et de se comporter. C’est en quelque sorte une boussole morale, une inclinaison de l’être qui penche toujours du bon côté.

Ainsi en va-t-il pour le titre, mais dis-moi Marco Valdo M.I. mon ami, dis-moi un peu ce que raconte la canzone, car – comme tu peux t’en douter – j’attends avec impatience la suite de l’histoire. Pour moi, tes chansons sont devenues comme les épisodes d’un feuilleton comme en écrivait Pierre Allexi Joseph, Ferdinand de Ponson du Terrail, connu sous le titre de vicomte de Ponson du Terrail.

Je reconnais bien là ton goût pour les noms à rallonge. Cependant, Lucien l’âne mon ami, je préférerais invoquer le feuilletoniste anglais ou presque, il publia au fur et à mesure de l’écriture – cette révélation prit dix ans, son proprement extraordinaire et décapant « Vie et opinions de Tristram Shandy », qu’on ne se fatigue jamais de relire, car il est à chaque fois une autre découverte.

Oh, je le sais, dit Lucien l’âne en riant, moi qui le relis depuis l’époque ce coïtum interruptum (accusatif) et tout ce qui s’ensuit comme on boit un porto datant de sa naissance. Imagine ce que ce serait dans mon cas ; d’ailleurs, à ma naissance, le porto n’existait pas.

Soit, dit Marco Valdo M.I., je ne voudrais pas tromper les gens : le porto est un vin vénérable, quand même. Ah, Sterne – ce presque archevêque d’York, car s’il n’avait écrit et eu des polémiques et des aventures amoureuses trop voyantes, il l’eut été comme son aïeul.

Mais quand même, Marco Valdo M.I. mon ami, Laurence Sterne, l’auteur de Tristram, archevêque d’York, Yorick porté au rang d’archevêque, troisième personnage du Royaume d’Angleterre, voilà qui aurait redoré la couronne et mis l’humour au rang de grandeur nationale.

De fait, Lucien l’âne mon ami, il est parfaiement louable d’imaginer Sterne comme archevêque, Sterne relatant aux fidèles de Sa Majesté les joies du baptême à la canule, Sterne est bien celui à qui nous devons tant et le droit de dialoguer à notre guise. Mais, vois-tu, Lucien l’âne mon ami, tout ceci n’a que peu à voir avec la canzone. Quoique… sauf à considérer évidemment que la chanson – comme le « je » de Rimbaud – est une autre, ainsi qu’elle l’a souvent démontré.

Oui, dit Lucien l’âne, ça ne lui va pas de servir de faire-valoir au commerce ou de trafiquer l’argent et le reste. D’ailleurs, elle se révolte, comme Till. Elle en a marre d’ânonner des insanités, de débiter des débilités. Bien sûr qu’il lui faut du son (parfois), mais enfin, elle a toute sa tête. Donc, lors de l’épisode précédent dans la réalisation en direct de leur guet-apens[[58007]], nous aviosn laissé nos amis Till et Lamme avec la nécessité de s’éloigner au plus vite de l’auberge de Marlaire et surtout, des cadavres des trois prédicants, qu’ils venaient d’assassiner – pur la bonne cause pourtant. Entretemps, ils sont arrivés à Huy, mais ayant changé de rive à Andenne pour égarer leurs poursuivants éventuels, ils ont franchi li pontia et ont repris le cours de leur périple, car ils doivent, comme on le sait, aller à Maestricht en dépit de tous les obstacles, en passant obligatoirement par Landen, comme le démontre la canzone. On les retrouve là-bas, après le cri de l’alouette et le chant du coq hardi – lequel, comme on sait ici, est le coq wallon, symbole de liberté, avec celui qui les a accueillis. Je ne te dirai pas le reste, sinon à quoi servirait de lire la chanson.

Bien sûr, Marco Valdo M.I. mon ami, il y faut du suspense, un brin de mystère, un territoire inconnu et inexploré et étant moi aussi un explorateur invétéré, un âne itinérant dans toute l’histoire, furetant sans désemparer depuis des milliers d’années, j’apprécie particulièrement d’avoir à découvrir ce que je ne sais pas ou que je ne connais pas encore. Maintenant, si tu le veux, revenons à notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde sans cœur, sans esprit, sans vue de lui-même, sans conscience, sans volonté et cacochyme.


Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


Lamme demande : « Où allons-nous ? »
« À Maestricht », dit Till.
Lamme dit : « Il faut être fou,
Le duc espagnol tient la ville. »

Till dit : « Pour les trois prédicants,
Les corbeaux, les hiboux et les vautours
S’en chargent opportunément
Tour à tour. »

Lamme dit : « À Maestricht, ils sauront
Et à la mort, ils nous mèneront,
Haut et court, ils nous pendront. »
Till répond : « Nous passerons.

À Maestricht, nous devons être tantôt ;
En passant par Landen, nous y serons bientôt.
À Landen, l’alouette sifflera.
À Landen, le coq hardi répondra. »

À Landen, l’alouette siffle,
À Landen, le coq hardi répond.
« Vive le Gueux, amis libres !
Entrez en ma maison.

Envoyés du Prince, entrez,
Mangez et buvez !
Voyez le jambon et les boudins,
Les verres emplis de vin. »

Lamme boit comme le sable sec ;
Lamme mange à grand bec.
Filles, gars, tous viennent le voir
Titan besognant des mâchoires.

« Cent paysans partiront
Dans une semaine
Pour travailler à grande peine
Aux digues de Bruges et environs.

Par des chemins divers,
À cinq ou six, ils iront
À Bruges, les Gueux trouveront
Les barques pour atteindre la mer. »

Et dit encore le maître des lieux
« Je donnerai arme et argent :
Dix florins à chaque gueux
Et un grand coutelas bien tranchant. »

Till dit : « C’est là magnificence. »
Thomas, le maître des lieux, dit :
« Je ne besogne pas pour la récompense,
J’agis selon le cœur et l’esprit. »