lundi 28 octobre 2019

LE BATEAU DE PAPIER

LE BATEAU DE PAPIER

Version française – LE BATEAU DE PAPIER – Marco Valdo M.I. – 2019
d’après la version italienne LA BARCA DI CARTA – Lorenzo Masetti – 2018
de la chanson chilienne (espagnol) – El barco de papel Amerindios1973
Paroles et musique : Julio Numhauser
Album : Tu sueño es mi sueño, tu grito es mi canto (Ton rêve est mon rêve, ton chant est mon chant).

 


Selon le site Cantos Cautivos, c’était l’une des chansons les plus importantes des camps de détention de la dictature de Pinochet. Quand quelqu’un était libéré ou qu’il y avait des informations crédibles selon lesquelles un prisonnier aurait été envoyé en exil, une immense chorale chantait cette chanson à l’unisson avec force.


Dialogue Maïeutique


Celle-ci, Lucien l’âne mon ami, est une chanson chilienne et comme il est indiqué par le commentaire italien, une chanson qui était entonnée par les prisonniers des camps de détention où le gouvernement chilien du général Pinochet, un militaire félon tout comme l’avait été en d’autres lieux et d’autres temps Francisco Franco Bahamonde, dit le Caudillo. Augusto Pinochet est arrivé au pouvoir au Chili en 1973, par un coup d’État perpétré le 11 septembre en liquidant par la force le gouvernement et au passage, en assassinant nombre de gens, dont le Président en titre Salvador Allende. Bien que félon et ouvertement répressif et tortionnaire, son régime va bénéficier de la bienveillance et l’appui des États-Unis. Avant d’en venir à ce que raconte la chanson, juste une réflexion générale. Cette chanson aurait aussi bien pu être une chanson d’à peu près n’importe lequel des pays d’Amérique latine, car tous (ou presque) ont connu ou connaissent aujourd’hui encore des situations chaotiques où la guerre civile n’en finit de couver sous la cendre et comme les éruptions volcaniques, d’éclater au grand jour. C’est un état endémique à l’œuvre dans le monde entier, mais il apparaît plus crûment là-bas que dans les pays d’Europe. Comme on le sait, ça n’a pas toujours été le cas. Par ailleurs, on a un peu oublié qu’à l’époque le Chili était lui-même un pays de refuge pour les fugitifs d’autres pays voisins. Notamment, par exemple, les Brésiliens ou les Uruguayens ou sans doute, les Boliviens ou, ou… et une bonne part de ceux qui purent échapper aux diverses dictatures se retrouvèrent un temps en Europe.


J’en ai croisé beaucoup, dit Lucien l’âne, et il y en a beaucoup qui sont encore de ce côté-ci de la planète. Globalement, toutes ces dictatures sont l’effet et le reflet de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres pour maintenir et idéalement – à leurs yeux, accroître leur pouvoir, leur domination, leur exploitation, leurs privilèges, leurs richesses.


Cela dit, reprend Marco Valdo M.I., mise à part sa spécificité chilienne de chant saluant la libération des prisonniers des camps et du pays, ce Bateau de Papier fait irrésistiblement penser à d’autres esquifs qui se glissent entre les mailles du malheur vers une liberté même relative et une vie moins assassine ; en somme, vers la vie tout court. Parmi ceux-là, il y a le Radeau de Lampéduse qui reliait le désespoir d’Afrique à ce mirage d’Europe où ses passagers croyaient que les appelait leur destin. Le bateau y va, c’est sûr, mais il est toujours incertain qu’il y arrive et plus encore que la terre d’exil soit une terre d’accueil – rêves et cauchemars vivent dans la même tête. Dis Papa, c’est loin l’Europe ? Tais-toi et nage. On peut toujours rêver, dit l’enfant noir.


Mais au fait, demande Lucien l’âne, n’est-ce pas ce même bateau de papier qui fait la joie des enfants du monde entier ?


Tu as raison, mon ami Lucien l’âne, il le pourrait encore, du moins quand est chanté par Tonton Georges, Le Petit Bateau de Pêche (1937, paroles André Hornez, musique Paul Misraki). Il commençait son parcours magique ainsi :


« C’était un petit tout petit voilier
Un petit bateau de pêche
On l’avait bâti d’un bout de papier
Et d’un vieux noyau de pêche »


Je m’en souviens très bien, dit Lucien l’âne, cependant, laisse-moi faire remarquer que même l’aventure du petit bateau finit mal :


« Cela fit une tempête
Et rapidement je vous en réponds :
Les événements se gâtent,
L’eau s’est engouffrée dans les entreponts,
Adieu la jolie frégate ! »


Pour en revenir au Chili et à d’autres pays d’Amérique latine, dit Lucien l’âne, j’ai entendu dire que sur terre aussi, là-bas, la marche vers la liberté et l’espoir et comme tu as dit : « vers la vie tout court » est tout aussi aléatoire que l’escapade en bateau. Certains même dressent des murailles pour tuer ce pauvre rêve. Mais nous, nous tissons le linceul de ce vieux monde tourmenté, tremblant, volcanique, éruptif et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane






Le bateau en papier s’en va
Sur la mer de l’espérance ;
Il suscite un tas de créances
Et les enfants n’y montent pas.


Il s’en va, il s’en va, il s’en va et il ne reviendra pas.
Il s’en va, il s’en va, il s’en va et il ne reviendra pas.


Il y a un médecin comme passager ;
Comme capitaine, un soldat ;
Un bourgeois comme canonnier
Et une reine de poix.


Il s’en va, il s’en va, il s’en va et il ne reviendra pas.
Il s’en va, il s’en va, il s’en va et il ne reviendra pas.


Sur le bateau, un ouvrier monte,
Un professeur, un artiste
Et monte aussi cette petite fille
Qui était restée sur la rive.


Il s’en va, il s’en va, il s’en va et il reviendra.
Il s’en va, il s’en va, il s’en va et il reviendra.


Marin, sur le bateau, tu peux monter,
Car il ne faut plus qu’on se batte,
Car on est tous camarades
De paix et d’égalité.


Il s’en va, il s’en va, il s’en va et il reviendra.
Il s’en va, s’en va, s’en va, s’en va vers la liberté