Version
française – LE BATEAU DE PAPIER – Marco Valdo M.I. – 2019
d’après
la version italienne LA BARCA DI CARTA – Lorenzo
Masetti – 2018
Album :
Tu sueño es mi sueño, tu grito es mi canto (Ton
rêve est mon rêve, ton chant est mon chant).
Selon
le site Cantos
Cautivos, c’était
l’une des chansons les plus importantes des camps de détention de
la dictature de Pinochet. Quand quelqu’un était
libéré
ou qu’il y avait
des informations crédibles selon lesquelles un prisonnier aurait été
envoyé en exil, une immense chorale chantait
cette chanson à l’unisson avec force.
Dialogue
Maïeutique
Celle-ci,
Lucien l’âne mon ami, est une chanson chilienne et comme il est
indiqué par le commentaire italien, une chanson qui était entonnée
par les prisonniers des camps de détention où le gouvernement
chilien du général Pinochet, un militaire félon tout comme l’avait
été en d’autres lieux et d’autres temps Francisco Franco
Bahamonde, dit le Caudillo. Augusto Pinochet est arrivé au pouvoir
au Chili en 1973, par un coup d’État perpétré le 11 septembre en
liquidant par la force le gouvernement et au passage, en assassinant
nombre de gens, dont le Président en titre Salvador Allende. Bien
que félon et ouvertement répressif et tortionnaire, son régime va
bénéficier de la bienveillance et l’appui des États-Unis. Avant
d’en venir à ce que raconte la chanson, juste une réflexion
générale. Cette chanson aurait aussi bien pu être une chanson d’à
peu près n’importe lequel des pays d’Amérique latine, car tous
(ou presque) ont connu ou connaissent aujourd’hui encore des
situations chaotiques où la guerre civile n’en finit de couver
sous la cendre et comme les éruptions volcaniques, d’éclater au
grand jour. C’est un état endémique à l’œuvre dans le monde
entier, mais il apparaît plus crûment là-bas que dans les pays
d’Europe. Comme on le sait, ça n’a pas toujours été le cas.
Par ailleurs, on a un peu oublié qu’à l’époque le Chili était
lui-même un pays de refuge pour les fugitifs d’autres pays
voisins. Notamment, par exemple, les Brésiliens ou les Uruguayens ou
sans doute, les Boliviens ou, ou… et une bonne part de ceux qui
purent échapper aux diverses dictatures se retrouvèrent un temps en
Europe.
J’en
ai croisé beaucoup, dit Lucien l’âne,
et il y en a beaucoup qui sont encore de
ce côté-ci de la planète. Globalement,
toutes ces dictatures sont l’effet
et le
reflet de la
Guerre
de Cent Mille Ans que les riches
font aux
pauvres pour maintenir et idéalement – à leurs yeux, accroître
leur pouvoir, leur domination, leur exploitation, leurs privilèges,
leurs richesses.
Cela
dit, reprend Marco Valdo
M.I., mise à part sa spécificité
chilienne de chant saluant la libération des prisonniers des camps
et du pays, ce Bateau de Papier fait irrésistiblement penser à
d’autres esquifs qui se glissent entre les mailles du malheur vers
une liberté même relative et une vie moins assassine ; en
somme, vers la vie tout court. Parmi ceux-là, il y a le Radeau
de Lampéduse qui reliait le désespoir d’Afrique à ce mirage
d’Europe où ses passagers croyaient que les appelait leur destin.
Le bateau y va, c’est sûr, mais il est toujours incertain qu’il
y arrive et plus encore que la terre d’exil soit une terre
d’accueil – rêves et cauchemars vivent dans la même tête. Dis
Papa, c’est loin l’Europe ? Tais-toi et nage. On
peut toujours rêver, dit l’enfant noir.
Mais
au fait, demande Lucien l’âne, n’est-ce pas ce même bateau de
papier qui fait la joie des enfants du monde entier ?
Tu
as raison, mon ami Lucien l’âne, il le pourrait encore, du moins
quand est chanté par Tonton Georges, Le
Petit Bateau de Pêche (1937,
paroles André Hornez, musique Paul Misraki).
Il commençait son parcours magique ainsi :
« C’était
un petit tout petit voilier
Un
petit bateau de pêche
On
l’avait bâti d’un bout de papier
Et
d’un vieux noyau de pêche »
Je
m’en souviens très bien, dit Lucien l’âne, cependant,
laisse-moi faire remarquer que même l’aventure du petit bateau
finit mal :
« Cela
fit une tempête
Et rapidement je vous en réponds :
Les événements se gâtent,
L’eau s’est engouffrée dans les entreponts,
Adieu la jolie frégate ! »
Et rapidement je vous en réponds :
Les événements se gâtent,
L’eau s’est engouffrée dans les entreponts,
Adieu la jolie frégate ! »
Pour
en revenir au Chili et à d’autres pays d’Amérique latine, dit
Lucien l’âne, j’ai entendu dire que sur terre aussi, là-bas, la
marche vers la liberté et l’espoir et comme tu as dit :
« vers la vie tout court » est tout aussi aléatoire que
l’escapade en bateau. Certains même dressent des murailles pour
tuer ce pauvre rêve. Mais nous, nous tissons le linceul de ce vieux
monde tourmenté, tremblant, volcanique, éruptif et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Le
bateau en papier s’en va
Sur
la mer de l’espérance ;
Il
suscite un tas de créances
Et
les enfants n’y montent pas.
Il
s’en va, il s’en va, il s’en va et il ne reviendra pas.
Il
s’en va, il s’en va, il s’en va et il ne reviendra pas.
Il
y a un médecin comme passager ;
Comme
capitaine, un soldat ;
Un
bourgeois comme canonnier
Et
une reine de poix.
Il
s’en va, il s’en va, il s’en va et il ne reviendra pas.
Il
s’en va, il s’en va, il s’en va et il ne reviendra pas.
Sur
le bateau, un ouvrier monte,
Un
professeur, un artiste
Et
monte aussi cette petite fille
Qui
était restée sur la rive.
Il
s’en va, il s’en va, il s’en va et il reviendra.
Il
s’en va, il s’en va, il s’en va et il reviendra.
Marin,
sur le bateau, tu peux monter,
Car
il ne faut plus qu’on se batte,
Car
on est tous camarades
De
paix et d’égalité.
Il
s’en va, il s’en va, il s’en va et il reviendra.
Il
s’en va, s’en va, s’en va, s’en va
vers la liberté