jeudi 2 janvier 2020

FORT CANARD EST TOUJOURS DEBOUT

FORT CANARD EST TOUJOURS DEBOUT


Version française – FORT CANARD EST TOUJOURS DEBOUT – Marco Valdo M.I. – 2019
Chanson allemande – Entenhausen bleibt stabilDie Toten Hosen – 2002









Dialogue Maïeutique

Ceci, Lucien l’âne mon ami, est nettement une chanson parabolique, à moins qu’il ne faille dire : parabolienne ou parabolesque. Au vu de ses intentions, je pencherai nettement pour parabolesque en donnant ainsi une immédiate perception de son double caractère : c’est une chanson qui est à la fois, une parabole et une figure grotesque – c’est-à-dire qui relève de l’art grotesque.

L’art grotesque, répond Lucien l’âne, nous est très familier en tant que genre, comme le sont toutes ses dérives avec lesquelles il se mêle et se confond : loufoque, dada, expressionniste, burlesque et sans doute, d’autres encore. C’est un vrai carnaval. Je dis « en tant que genre », car évidemment, je ne suis pas une encyclopédie sur le sujet, mais je vois bien de quoi on cause et c’est une manière d’être et de faire qui me convient. Je comprends donc clairement ce « parabolesque » et par exemple, je me souviens que tu as fait ressurgir une chanson dada cent ans après sa création en 1916. C’était la « Totentanz » d’Hugo Ball ; mais je ne comprends pas cet énigmatique titre « Fort Canard est toujours debout ». Si tu voulais me l’expliquer, j’en serais très honoré.

Là, Lucien l’âne mon ami, tu es un persifleur, tu me taquines. Qu’à cela ne tienne, je m’en vas te l’expliquer ce « Fort Canard est toujours debout ». Note d’abord que c’est le résultat d’un exercice compliqué de translation multilingue. Comme on peut sen douter, tout repose sur la signification de « Entenhausen ».

Oui, murmure Lucien l’âne, mais encore.

En cherchant bien, sauf à connaître déjà la signification de cet étrange mot – auquel cas le problème ne se pose pas, répond Marco Valdo M.I., on finit par savoir que c’est le nom allemand de Duckburg, qui était le fort que Cornélius, un très ancien aïeul de Donald Duck, avait acquis et en avait expulsé les Espagnols. C’était il y a à peu près deux siècles. Ce nom a été repris pour désigner en Allemagne un parc d’attraction à l’enseigne du Canard. Ensuite, on reprend l’explication à Duckburg, dont Entenhausen est l’exact calque allemand, qui en français est littéralement « Fort Canard ». Cependant, le titre de la chanson est en outre polysémique. Il renvoie certainement à un grand air de Charles Gounod : « Le Veau d’Or est toujours debout » et à sa dénonciation d’une humanité trop avide d’or, qui est une sorte d’arabesque tracée autour de la Guerre de Cent Mille Ans où les riches (passés, présents et futurs et leurs aspirants et concurrents) font une guerre sournoisement – jusqu’à l’appeler la paixaux pauvres afin de conserver leurs privilèges, d’accroître leurs richesses et le pouvoir qui les impose et les maintient.

Tout ça est magnifiquement dit, Marco Valdo M.I. mon ami, mais de quoi cause précisément la chanson ; en somme, quel est son argument ?

Je te dirais volontiers, Lucien l’âne mon ami, qu’elle raconte l’histoire contemporaine à la manière de ces titres de journaux que chaque jour, elle suscite : une série de guerres, de catastrophes, de massacres dans lesquels le monde s’enfonce et se dissout et où seul résiste ce Fort Canard, où seul « Fort canard est toujours debout » et le sommet de la parabole est celui-ci :

« Peu importe ce qui nous arrive maintenant
Et que le monde entier s’effondre,
Fort Canard est toujours debout.
Quand tout s’écroule ici,
À Disneyland, qui s’en soucie ? »

Ainsi, ce qu’il faut comprendre, c’est que ceux qui sont restés au-dedans de Fort Canard se trouvent dans un monde sans souci, le monde de Disney et n’ont pas à se soucier, ne se soucient pas et n’ont plus de soucis : ils sont drogués, sous l’influence efficace et prospère du puissant anesthésique animalier jamais inventé, issu des USA.

Je pense, conclut Lucien l’âne, qu’il est grand temps de ne pas se laisser embourber dans tout cet univers frelaté de l’« entertainment », cet opium du consommateur et du citoyen, distillé en continu et sans interruption par les médias. Alors, tissons le linceul de ce vieux monde fascinant, fascisant, joyeux, rigolo, rigolard et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Plus de cigares de Cuba, soulèvement en Irak,
Otages en Somalie, crise du dollar à New York,
Lettres piégées en Autriche, guerre civile au Pakistan,
Chaos en Italie, Coca Cola en Chine.



Plus de forêt au Brésil, le Japon chasse la baleine,
Virus tueur au Congo, guerre de la banane au Panama,
Mort par silicone à Hollywood, famine au Rwanda,
Plutonium en mer du Nord et Homos au Vatican.



Peu importe ce qui nous arrive maintenant
Et que le monde entier s’effondre,
Il y en a au moins un qui résiste.


Fort Canard est toujours debout,
Fort Canard est toujours debout.



Corruption à Mexico, la mafia à Moscou,
Plus de café du Nicaragua, pas de méthadone pour Amsterdam,
Pénurie d’eau au Zaïre, inondations au Portugal,
Sectarisme à Téhéran et feu au Soudan.



Peu importe ce qui nous arrive maintenant
Et que le monde entier s’effondre,
Il y en a au moins un qui résiste.


Fort Canard est toujours debout ;
Oui, Fort Canard est toujours debout,
Fort Canard est toujours debout,
Fort Canard est toujours debout.


Terreur à Bogota, attentat en Espagne,
Soulèvement à Malte, crise de foi en Syrie,
Chute de la monarchie en Angleterre, l’Islam emporte la Turquie,
Fascisme en Israël, mégalomanie en France.



Peu importe ce qui nous arrive maintenant
Et que le monde entier s’effondre,
Fort Canard est toujours debout.
Quand tout s’écroule ici,
À Disneyland, qui s’en soucie ?


Fort Canard est toujours debout,
Fort Canard est toujours debout,
Fort Canard est toujours debout !