LA MARSEILLAISE DU TRAVAIL
(HYMNE DES MENDIANTS)
Version française – LA MARSEILLAISE DU TRAVAIL (HYMNE DES MENDIANTS) – Marco Valdo M.I. – 2021
Chanson italienne – La marsigliese del lavoro (Inno dei pezzenti) – Carlo Monticelli – 1881
LA SOUPE DES PAUVRES
Jules Adler – 1906
En fait, cette chanson dérive d’un poème de Carlo Monticelli (journaliste, poète, militant anarchiste et socialiste : Monselice – 1857 – Rome – 1913), publié pour la première fois en 1881, et mis en musique vers 1895 par Guglielmo Vecchi, maestro de la fanfare de Gualtieri, Reggio Emilia.
Dialogue maïeutique
Comme on le sait, Lucien l’âne mon ami, la Marseillaise fut la mère de l’Internationale ; elle fut aussi le chant du cœur de la Commune de Paris et elle engendra foule de chansons ; c’était à la fin du dix-neuvième siècle. Depuis, elle s’est embourgeoisée dans les défilés de la République, moins portée sur le chant révolutionnaire ; abandonnée sous les Empereurs et les rois, complètement occultée par l’État national sous l’égide du Maréchal et interdite par les occupants nazis. Sa récupération sous forme d’hymne officiel n’enlève rien à son sens de chant populaire. Elle était née dans la résistance à l’étranger, à l’envahisseur et aux forces coalisées des riches et des puissants.
Ainsi, dit Lucien l’âne, la Marseillaise se fit une descendance multiple.
En effet, répond Marco Valdo M.I., et c’est précisément le cas de cette chanson de Carlo Monticelli. Mais avant de débattre de cette dernière, je veux donner un court exemple d’une autre chanson qu’elle inspira à Louise Michel en août 1870 dans l’ambiance qui, dans Paris, préludait à la Commune. C’est deux strophes tirées de des mémoires visent directement l’empereur Napoléon III (« l’aigle en pourriture », « cette charogne impure ») et se terminent par « Aux armes, citoyens ! Formez vos bataillons. Marchons ; qu’un sang impur abreuve nos sillons. » Quelques mois plus tard, en effet, la Commune appelait le peuple de Paris aux armes pour se défendre contre les Prussiens et les Versaillais. Maintenant, venons-en à La marsigliese del lavoro (Inno dei pezzenti) – Carlo Monticelli – 1881. Qu’en dire de plus qu’elle n’en dit elle-même ? Car elle est très claire, quasiment pédagogique. Elle explique à sa manière (et avec d’autres mots) la Guerre de Cent Mille Ans que les riches et les puissants font aux pauvres pour accroître leurs privilèges, étendre leur domination, multiplier leurs richesses et assurer par l’exploitation la production de leurs profits.
Soit, dit Lucien l’âne, maintenant, si la marsigliese est « pédagogique », ne peux-tu en détailler certains éléments ?
Je vais essayer, dit Marco Valdo M.I. ; donc, la marsigliese commence par définir son camp en indiquant qui la chante. Elle est chorale, c’est un personnage collectif qui l’interprète, même si la voix est solitaire. C’est en quelque sorte le chœur antique des pauvres, des mendiants, la plèbe crasseuse de ce temps, la foule innombrable des souffrants.
Bien, dit Lucien l’âne, mais ensuite ?
Ensuite ?, répond Marco Valdo M.I., elle précise le champ de la confrontation et ce déséquilibre fondamental qui fait marcher de guingois l’humanité : « Le soleil brille pour les riches et les puissants, Eux se réjouissent ; nous, nous avons faim. » Au fond de son refrain, elle martèle deux choses : le « droit naturel » des humains à l’égalité dont la transgression continuelle par les dominants (riches, puissants et leurs affidés) empêche l’avènement de la paix universelle : « Il n’y aura pas de paix entre les hommes tant que l’homme dominera l’homme. »
Jusque-là, dit Lucien l’âne, je suis fort bien le raisonnement.
Oh, Lucien l’âne mon ami, tu mets ainsi au clair le moteur de la chanson, le principe qui la construit et la guide : c’est la raison. Tout comme le fait également l’Internationale :
« Debout,
les damnés de la terre
Debout, les forçats de la faim !
La
raison tonne en son cratère
C’est l’éruption de la fin. »
Oui, dit Lucien l’âne, mais il me paraît que cette éruption fut – jusqu’à présent – plus celle de la faim sans que jamais pour autant le monde ait réellement changé de base et pour tout dire, de n’être peut-être (pour certains) plus rien, on n’en est quand même pas tout.
Oh, dit Marco Valdo M.I., la marsigliese ne s’y trompe pas qui conclut en saluant « l’étoile lointaine », où « le règne odieux de la tyrannie et du privilège devra finir. » Il faut quand même être objectif : la réalité souvent enterre la fiction. Pour le reste, il suffit de lire la chanson dans son intégralité en se rappelant le temps et l’ambiance sociale dans lesquels elle a vu le jour – qui expliquent son caractère un peu suranné (le monde a changé de mode vestimentaire, mais n’a pas abandonné ses ressorts fondamentaux),
Oui, dit Lucien l’âne, c’est souvent déroutant les chansons d’un autre temps, d’un autre lieu ou d’une autre civilisation ou culture, même si au fond, les mondes sont fondés sur les mêmes bases. Au fond, de ce point de vue, tous ces vieux mondes n’en font qu’un seul et nous, nous tissons le linceul du vieux monde inique, inéquitable, injuste, implacable, infernal et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Nous sommes les pauvres, les mendiants,
La plèbe crasseuse de ce temps,
La foule innombrable des souffrants
Pour qui la vie n’est qu’un tourment.
Au cœur de l’hiver, nos enfants
Dépérissent d’une famine sans fin.
Le soleil brille pour les riches et les puissants,
Eux
se réjouissent ; nous, nous
avons faim.
Pour tous, pourtant, la nature demeure
Et donne des droits égaux sur la terre.
Mais les voleurs et les oppresseurs
Nous font une implacable guerre.
Il n’y aura pas de paix entre les hommes
Tant que l’homme dominera l’homme ;
Nos plus terribles persécuteurs
Sont nos exploiteurs.
Encore impubères, leurs jupes détachées,
Triste spectacle, nos femmes, forcées
De se donner au seigneur sans amour.
N’ont plus pour nous les prémices d’amour ;
Et nos filles prostituées
Dans les hôpitaux, meurent désespérées ;
Les malheureuses s’en vont crever
Pour
un repas, pour un
tablier.
Pour tous, pourtant, la nature demeure
Et donne des droits égaux sur la terre.
Mais les voleurs et les oppresseurs
Nous font une implacable guerre.
Il n’y aura pas de paix entre les hommes
Tant que l’homme dominera l’homme ;
Nos plus terribles persécuteurs
Sont nos exploiteurs.
Au nom de la patrie chaque fois poussés
Contre d’autres peuples, on s’est battu,
Mais vainqueurs ou vaincus,
Notre
destin n’a jamais changé.
S’il
y a un patron,
italien ou allemand,
Il lui faut sucer notre sang.
La patrie libre est une dérision,
S’il
nous faut toujours
subir le bâton.
Pour tous, pourtant, la nature demeure
Et donne des droits égaux sur la terre.
Mais les voleurs et les oppresseurs
Nous
font une implacable guerre.
Il n’y aura pas de paix entre les
hommes
Tant qu’un homme dominera un autre ;
Nos plus terribles persécuteurs
Sont
nos exploiteurs.
Dans les plaines et sur les monts,
Dans les usines et les mines, nous suons
Mais de nos efforts infinis,
Nous ne récoltons pas tout le fruit.
Puis, devenus vieux, on est enfermé
Dans des refuges de charité
Et sur notre tenue d’assisté,
Les
riches vantent
leur pitié.
Pour tous, pourtant, la nature demeure
Et donne des droits égaux sur la terre.
Mais les voleurs et les oppresseurs
Nous
font une
implacable guerre.
Il
n’y aura pas de paix entre les hommes
Tant que l’homme dominera l’homme ;
Nos plus terribles persécuteurs
Sont nos exploiteurs.
Ah, si en la justice de l’avenir,
L’espérance n’est pas folie,
Le règne odieux de la tyrannie
Et
du privilège devra
finir.
Notre
honte, nos
larmes, nos peines,
Nos pesantes angoisses devront
S’effacer et déjà, nous levons le front
Pour
saluer l’étoile lointaine.
Pour tous, pourtant, la nature demeure
Et donne des droits égaux sur la terre.
Mais les voleurs et les oppresseurs
Nous
font une
implacable guerre.
Il
n’y aura pas de paix entre les hommes
Tant que l’homme dominera l’homme ;
Nos plus terribles persécuteurs
Sont nos exploiteurs.