lundi 10 octobre 2016

Le Mambo du Légionnaire


Le Mambo du Légionnaire


Chanson française – Le Mambo du LégionnaireJean Yanne1958








Dialogue maïeutique

Lucien l’âne mon ami, je viens de retrouver quelques chansons de Jean Yanne et je me rends compte qu’elles ne sont pas dans les Chansons contre la Guerre, alors que de toute évidence, elles devraient s’y trouver. Au double tertre de chanson folklorique et comme il se doit – au moins pour celle-ci – résolument contre la guerre, même si comme disait un commentateur éclairé, même à la lumière du jour, cela ne se voit pas. Laissons passer la nuit et on comprendra.

Pourtant, habituellement, dans la critique, Jean Yanne n’y va pas par quatre chemins, dit Lucien l’âne aux yeux éberlués comme s’il voyait un âne monter droit dans le ciel en emportant un barbu.

En effet, Jean Yanne, ordinairement n’y va pas par quatre chemins. Là, tu as raison, Lucien l’âne mon ami, mais ici, non. Il n’y va ni par quatre, ni par un, chemins, mais même il n’y va pas du tout. Je m’explique, car je vois ton désarroi. C’est sa manière. En apparence, il a l’air de raconter n’importe quoi, une histoire pseudo-moyen-orientale de légionnaire et de désert, de chameliers et de mousmés. Une vue teintée de nostalgie post-coloniale. Et elle le serait, n’était la dose d’acide comique et ironique qu’elle contient. En clair, c’est un tableau ravageur, un monument de moquerie à l’égard de la colonisation française et de son bras armé, la Légion étrangère. C’est une chanson aussi peu militariste que Le Déserteur de Boris Vian, qui date d’ailleurs de la même époque. Quoique ! L’année 1958, date du Mambo du Légionnaire, est le moment où la Guerre d’Algérie s’intensifie et où a lieu le coup d’État, parti d’Alger et la venue au pouvoir du Général De Gaulle. D’ailleurs, au récital de Nîmes où Jean Yanne fait la première partie de Dalida (une chanteuse à la mode pendant une grande partie du siècle), les Légionnaires présents dans la salle vont tellement peu apprécier sa chanson qu’il n’aura que le temps de s’échapper. Pourtant, on dirait une sorte de prospectus touristique… Évidemment, on dirait seulement. Car, déjà, un mambo du légionnaire, c’est un peu la Java de Jésus, c’est comme on dit par ici et maintenant : « c’est du foutage de gueule ». Et tout le reste à l’avenant. Je ne sais si les légionnaires ont décortiqué le texte jusque là, mais ils ont immédiatement senti ce dont il s’agissait. D’autant que de « mambo », on peut toujours chercher, il n’y en a pas ; la toccata et le chanteur sont carrément (et volontairement) sinistres.

Bon, alors écoutons là. Puis, on reprendra notre tâche et on tissera à quatre mains le linceul de ce vieux monde empli danseuses, de légionnaires, de toccatas, de chameaux et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Pour en revenir à ce que je disais avant les vacances, je voudrais vous chanter une chanson qui remonte aux sources, c’est-à-dire une chanson inspirée par le folklore.
Le folklore est une des bases fondamentales de la chanson humanitaire et sociale et je trouve bien triste qu’il ne soit pas mieux considéré, qu’il n’est. En effet, le folklore est généralement bien considéré, mais uniquement dans son pays d’origine. Ce qui fait que si on prend pour exemple une chanson anglaise comme le « God save the King ! », on constate que c’est une chanson qui a un énorme succès en Angleterre, mais qui en France, n’a presque pas de succès du tout. Sauf de temps en temps, à l’occasion de certaines réunions sportives et encore faut-il que ce jour-là, il y ait des Anglais sur le terrain.
Je trouve ça infiniment dommage et c’est pour redonner ses lettres de noblesses au folklore que j’ai voulu m’inspirer des thèmes folkloriques du Gabon pour écrire une chanson en contrepoint que j’ai dédiée au Docteur Schweitzer et que j’ai intitulée « Le Mambo du Légionnaire ».



Sur un piano systématiquement faux,
Le légionnaire énigmatiquement beau
Jouait, jouait pour oublier ses tourments
La toccata qu’il aimait tant.

Une danseuse exceptionnellement belle,
Avec des hanches sensationnellement telles
Qu’on aurait dit un souple tanagra,
Dansait, dansait au son de la toccata.

Le simoun hurlait sur les dunes qui coulaient,
Le sable caracolait sur les galets qui roulaient
Sous les palmiers qui penchaient
Leur tronc qui se desséchait.

Le sirocco se fâchait et faisait des ricochets
Quand le vent soufflait, que la tempête ronflait
L’eau n’avait pas de reflet, les sources se camouflaient
Et le désert s’étendait.

Sous le bruit crescendo du tonnerre qui montait
Quand les éclairs descendaient,
Le soleil dardait ses rayons sur les oueds,
Des moustiques cavalcadaient, fous comme des farfadets.

Des chameliers qui passaient, les cheveux se hérissaient
Car devant eux se dressaient des mirages qui plus
Est, ce qui prouvait que lorsqu’on ne pouvait plus
Marcher si l’on avait mal aux pieds, on en crevait.

Car le sable faisait des tombes pour ceux qui décédaient
Dans ce curieux bled où dès le matin, on entendait :

Mambo

Sur un piano systématiquement faux,
Le légionnaire énigmatiquement beau
Jouait, jouait pour oublier ses tourments
La toccata qu’il aimait tant.

Une danseuse exceptionnellement belle,
Avec des hanches sensationnellement telles
Qu’on aurait dit un souple tanagra,
Dansait, dansait sous le ciel du Sahara.

Gaga désopilant

Ah, Sahara ! Sahara ! Sahara !
Tant que les mousmés et les légionnaires
Ah, Sahara ! Sahara ! Sahara !
Pourront faire des fugues et des toccatas.