Le
Mambo du Légionnaire
Chanson
française – Le
Mambo du Légionnaire – Jean
Yanne – 1958
Dialogue
maïeutique
Lucien
l’âne mon ami, je viens de retrouver quelques chansons de Jean
Yanne et je me rends compte qu’elles ne sont pas dans les Chansons
contre la Guerre, alors que de toute évidence, elles devraient s’y
trouver. Au double tertre de chanson folklorique et comme il se doit
– au moins pour celle-ci – résolument contre la guerre, même si
comme disait un commentateur éclairé, même à la lumière du jour,
cela ne se voit pas. Laissons passer la nuit et on comprendra.
Pourtant,
habituellement, dans la critique, Jean Yanne n’y va pas par quatre
chemins, dit Lucien l’âne aux yeux éberlués comme s’il voyait
un âne monter droit dans le ciel en emportant un barbu.
En
effet, Jean Yanne, ordinairement n’y va pas par quatre chemins. Là,
tu as raison, Lucien l’âne mon ami, mais ici, non. Il n’y va ni
par quatre, ni par un, chemins, mais même il n’y va pas du tout.
Je m’explique, car je vois ton désarroi. C’est sa manière. En
apparence, il a l’air de raconter n’importe quoi, une histoire
pseudo-moyen-orientale de légionnaire et de désert, de chameliers
et de mousmés. Une vue teintée de nostalgie post-coloniale. Et elle
le serait, n’était la dose d’acide comique et ironique qu’elle
contient. En clair, c’est un tableau ravageur, un monument de
moquerie à l’égard de la colonisation française et de son bras
armé, la Légion étrangère. C’est une chanson aussi peu
militariste que Le Déserteur de Boris Vian, qui date d’ailleurs de
la même époque. Quoique ! L’année 1958, date du Mambo du
Légionnaire, est le moment où la Guerre d’Algérie s’intensifie
et où a lieu le coup d’État, parti d’Alger et la venue au
pouvoir du Général De Gaulle. D’ailleurs, au récital de Nîmes
où Jean Yanne fait la première partie de Dalida (une chanteuse à
la mode pendant une grande partie du siècle), les Légionnaires
présents dans la salle vont tellement peu apprécier sa chanson
qu’il n’aura que le temps de s’échapper. Pourtant, on dirait
une sorte de prospectus touristique… Évidemment, on dirait
seulement. Car, déjà, un mambo du légionnaire, c’est un peu la
Java de Jésus, c’est comme on dit par ici et maintenant :
« c’est du foutage de gueule ». Et tout le reste à
l’avenant. Je ne sais si les légionnaires ont décortiqué le
texte jusque là, mais ils ont immédiatement senti ce dont il
s’agissait. D’autant que de « mambo », on peut
toujours chercher, il n’y en a pas ; la toccata et le chanteur
sont carrément (et volontairement) sinistres.
Bon,
alors écoutons là. Puis, on reprendra notre tâche et on tissera à
quatre mains le linceul de ce vieux monde empli danseuses, de
légionnaires, de toccatas, de chameaux et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Pour
en revenir à ce que je disais avant les vacances, je voudrais vous
chanter une chanson qui remonte aux sources, c’est-à-dire une
chanson inspirée par le folklore.
Le
folklore est une des bases fondamentales de la chanson humanitaire et
sociale et je trouve bien triste qu’il ne soit pas mieux considéré,
qu’il n’est. En effet, le folklore est généralement bien
considéré, mais uniquement dans son pays d’origine. Ce qui fait
que si on prend pour exemple une chanson anglaise comme le « God
save the King ! », on constate que c’est une chanson qui
a un énorme succès en Angleterre, mais qui en France, n’a presque
pas de succès du tout. Sauf de temps en temps, à l’occasion de
certaines réunions sportives et encore faut-il que ce jour-là, il y
ait des Anglais sur le terrain.
Je
trouve ça infiniment dommage et c’est pour redonner ses lettres de
noblesses au folklore que j’ai voulu m’inspirer des thèmes
folkloriques du Gabon pour écrire une chanson en contrepoint que
j’ai dédiée au Docteur Schweitzer et que j’ai intitulée « Le
Mambo du Légionnaire ».
Sur
un piano systématiquement faux,
Le
légionnaire énigmatiquement beau
Jouait,
jouait pour oublier ses tourments
La
toccata qu’il aimait tant.
Une
danseuse exceptionnellement belle,
Avec
des hanches sensationnellement telles
Qu’on
aurait dit un souple tanagra,
Dansait,
dansait au son de la toccata.
Le
simoun hurlait sur les dunes qui coulaient,
Le
sable caracolait sur les galets qui roulaient
Sous
les palmiers qui penchaient
Leur
tronc qui se desséchait.
Le
sirocco se fâchait et faisait des ricochets
Quand
le vent soufflait, que la tempête ronflait
L’eau
n’avait pas de reflet, les sources se camouflaient
Et
le désert s’étendait.
Sous
le bruit crescendo du tonnerre qui montait
Quand
les éclairs descendaient,
Le
soleil dardait ses rayons sur les oueds,
Des
moustiques cavalcadaient, fous comme des farfadets.
Des
chameliers qui passaient, les cheveux se hérissaient
Car
devant eux se dressaient des mirages qui plus
Est,
ce qui prouvait que lorsqu’on ne pouvait plus
Marcher
si l’on avait mal aux pieds, on en crevait.
Car
le sable faisait des tombes pour ceux qui décédaient
Dans
ce curieux bled où dès le matin, on entendait :
Mambo
Sur
un piano systématiquement faux,
Le
légionnaire énigmatiquement beau
Jouait,
jouait pour oublier ses tourments
La
toccata qu’il aimait tant.
Une
danseuse exceptionnellement belle,
Avec
des hanches sensationnellement telles
Qu’on
aurait dit un souple tanagra,
Dansait,
dansait sous le ciel du Sahara.
Gaga
désopilant
Ah,
Sahara ! Sahara ! Sahara !
Tant
que les mousmés et les légionnaires
Ah,
Sahara ! Sahara ! Sahara !
Pourront
faire des fugues et des toccatas.