Le Gaufrier
Chanson
française – Le
Gaufrier
– Marco Valdo M.I.
– 2018
Ulenspiegel le Gueux – 89
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, XLIII)
Ulenspiegel le Gueux – 89
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, XLIII)
Dialogue
Maïeutique
« Le
Gaufrier », demande Lucien l’âne, serait-ce une chanson de
cuisine ?
Pas
exactement, dit Marco Valdo M.I., ou alors, un gaufrier sorti tout
droit de la cuisine du diable. En réalité, ce gaufrier, comme on le
découvre dans la chanson, est un instrument de meurtre, c’est
l’arme du crime. En principe, un gaufrier est bien un outil de
cuisinière ; il est équipé de longs bras de fer épais et au
bout de ces bras, on trouve des plaques de fonte d’acier, fort
épaisses et fort lourdes. Manié avec vigueur, c’est une masse
d’arme redoutable. Il assomme et blesse et peut même tuer sur le
coup si on frappe à la tête. Mais il y a pire encore, le gaufrier
de la chanson est muni de dents d’acier qui crèvent les chairs,
les arrachent, broient les os et les vertèbres.
Donc,
reprend Lucien l’âne, on découvre le gaufrier entre les mains du
poissonnier et que raconte-t-elle d’autre la canzone ?
Elle
raconte, Lucien l’âne mon ami, que Till reconnaît dans ce garou,
le poissonnier qui avait dénoncé son père, Claes le charbonnier et
comme on peut le penser, Till n’est pas tendre avec cette crapule.
Il a sorti son coutelas et s’apprête à lui percer la gorge quand
Toria, la mère de Betkine, l’enfant assassinée, le retient. Pas
par bonté d’âme ou par miséricorde, mais, car elle veut justice
et elle veut surtout vengeance et elle se met sur le champ à
l’exercer à l’aide du gaufrier. Une application immédiate de la
loi du talion, en quelque sorte et de cette bouche létale, elle
mord, elle mord pour faire mal, pour faire payer le meurtrier.
Hou-là,
dit Lucien l’âne, c’est une louve en colère que cette femme.
Elle va le tuer…
Je
ne pense pas, rétorque Marco Valdo M.I, j’en tiens pour preuve ce
qu’elle demande et d’ailleurs quand le meurtrier – sous ses
coups – supplie qu’on l’achève, elle s’y oppose vivement en
disant :
« Tenez
le vif, il faut justice ! »,
« Gardez-le
vif pour les supplices
Et
qu’à la fin seulement, le diable l’emporte ! »
Oh,
je vois, s’exclame Lucien l’âne : « Les supplices et
à la fin seulement… », je comprends purquoi elle empêche
Till de le tuer sur place et tout compte fait, elle fait bien. Elle
évite à Till d’être poursuivi comme assassin. Car, même si la
guerre en cours avec ses sacs et ses massacres peuvent faire paraître
ces faits-divers insignifiants, il n’en reste pas moins qu’il
faut que justice se fasse, mais par la voix de la justice. C’est un
dilemme que se présente souvent quand le chaos de la guerre
embrouille les événements. Quant à nous, reprenons notre tâche et
tissons le linceul de ce vieux monde chaotique, périlleux,
massacreur et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
La
cloche sonne le vacarme,
Un
enfant court le village
Et
partout donne l’alarme :
« Garou
est pris dans le bocage. »
Les
bras pris au piège, le garou
Ne
hurle pas comme un loup,
C’est
un démon, il a des mains ;
Il
pleure, il prie, il geint.
Comme
un humain, il mande pitié.
« Je
ne suis pas loup, je ne suis pas diable,
Je
suis vieux, je saigne, je suis blessé,
Je
souffre, c’est épouvantable ! »
Till
dit : « Oh, poissonnier détestable,
Je
te reconnais et comme alors, je te hais !
Les
cendres sur mon cœur sont intraitables :
Foi
de Till, je te le dis, pitié de toi, jamais ! »
« Poissonnier,
tu as dénoncé mon père,
J’ai
vu mourir ma mère ;
Je
n’oublie rien de tout cela. »
Et
Till sort alors son coutelas.
« Tenez
le vif, il faut justice ! »,
Supplie
la mère de l’enfant morte.
« Gardez-le
vif pour les supplices
Et
qu’à la fin seulement, le diable l’emporte ! »
Elle
trouve l’arme du crime, le gaufrier ardent.
Elle
l’ouvre, une gueule de lévrier
Aux
brillantes et longues et dures dents ;
Elle
ferme cent fois les mâchoires d’acier.
Sur
les jambes, sur les pieds, sur les bras,
Le
fer mord en haut, le fer mord en bas,
Et
le poissonnier sanglote et se débat,
Et
sans cesse encore, la morsure le broie.
« Il
a fait ainsi à Betkine, il paye !
Le
vilain paye ses odieux sévices.
Le
meurtrier hurle et saigne, c’est justice !
La
cloche des morts l’appelle, il paye ! »
« Je
suis mouillé de sang, pitié ! »
« Du
sang de l’enfant, pas de pitié !
À
petit feu, main coupée, tenaille ardente,
La
mort te tient, la mort est patiente ! »