samedi 28 mai 2016

L’ÉCONOMIE LIBÉRALE

L’ÉCONOMIE LIBÉRALE

Version française – L’ÉCONOMIE LIBÉRALE – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson allemande – Die freie Wirtschaft – Theobald Tiger, alias Kurt Tucholsky – 1930









Un poème de Theobald Tiger, alias Kurt Tucholsky, publié le 4 mars 1930 dans « Die Weltbühne », la revue que Tucholsky dirigea jusque cette année-là avant de s’exiler en Suède, convaincu que désormais la lutte contre l’arrivée au pouvoir des nazis était perdue…

Le nazisme n’était pas l’unique préoccupation de Tucholsky. Il savait que les nouveaux guerriers étaient dangereux, car ils dupaient les masses populaires épuisées par la misère et le chômage, mais aussi, car ils étaient soutenus par de grands groupes industriels, des zélateurs du « libre marché », de la « dérégulation » totale, du capitalisme. En échange de son soutien, ils avaient demandé aux nazis de libérer le pays de tout ce qui sentait le syndicalisme, le socialisme, le communisme, l’anarchisme.


Dialogue maïeutique


Lucien l’âne mon ami, nous venons de voir en quelques phrases la situation de l’Allemagne de ce temps-là. On en avait eu une illustration déjà dans les années qui précèdent. L’Allemagne des années vingt n’était pas un havre de paix et de prospérité. Depuis la fin de la guerre, la population assistait médusée à un affrontement violent entre les tenants de l’ancien régime, les nostalgiques de l’Empereur qui ambitionnaient une sorte de restauration ou espéraient un pouvoir fort, une dictature ; les républicains qui essayaient de se maintenir au pouvoir et de sauver la République et les révolutionnaires – de gauche ou de droite – qui visaient eux aussi la conquête du pouvoir.
Sur le terrain économique et social, la confrontation n’était pas moins vive. Pour les patrons, il s’agissait tout simplement de déconstruire le système social (hérité de l’Empire) trop favorable aux travailleurs, de déconstruire (sinon détruire) les organisations ouvrières, de se libérer de toute concertation, d’imposer la liberté d’exploiter, qui est celle du loup) dans la bergerie, du renard dans le poulailler ; bref, de se débarrasser de toute entrave à la « liberté économique ». Il s’agissait également de mater toute velléité de résistance dans les entreprises et dans le pays.

Je vois ça très bien et d’autant mieux que c’est ce qui est en train de se passer aujourd’hui, ici, dans ce pays où nous résidons et sans doute dans les autres pays d’Europe : Regardez ce qu’ils font aux Grecs, ils vous le feront bientôt. On assiste au démantèlement systématique de tout ce qui gêne les riches : diminution des salaires, instauration de la précarité dans le travail, diminution des pensions, allongement de la durée du travail, recul de l’âge de la retraite ; tirs de barrage médiatiques et répression policière contre les pauvres et ceux qui les défendent ; ils dressent les gens les uns contre les autres et tentent de jeter la responsabilité de leurs attaques sur leurs victimes. Je constate aussi que tout cela se fait sans la moindre honte, sans aucune pudeur, à visage découvert, avec une arrogance croissante. On est en plein dans la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font obstinément et sans aucun scrupule contre les pauvres.


Dans la chanson, Kurt Tucholsky, alias Theobald Tiger, détaille – par la voix d’un héraut du patronat – la situation, toutes les exigences des patrons et les forces (armées et privées) qu’ils mettent en place pour appliquer manu militari leur sympathique programme.
« Dans les entreprises travaillent pour nos idées
Les Officiers de l’ancienne armée,
Les Casques d’acier, les gardes d’Hitler… »
Mais arrivé à la dernière strophe, changement de programme, renversement de la vapeur : Tucholsky-Tiger appelle à la défense et à la conquête du pouvoir dans l’entreprise, dans l’économie, dans l’État par les « prisonniers du travail ». Il en annonce l’avènement :
« Le jour arrivera
Où le p
risonnier du travail dira :
« 
Pas pour vous.
Mais
pour nous. Pour nous. Pour nous. »
Sans doute en manière de mobilisation face aux périls qu’il n’arrête pas de dénoncer.

Et nous pareillement, nous dénonçons l’iniquité du système, l’injustice de l’exploitation, la dangerosité de l’économie libérale, ce qui est notre manière de tisser le linceul de ce vieux monde inique, injuste, dangereux et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Vous devez supprimer ces foutus barèmes
Vous devez faire confiance à votre directeur
Vous devez abandonner ces comités de conciliation
Vous devez avoir plus confiance dans le chef.
Plus de conseil d’entreprise chez nous,
Nous voulons être de libres entrepreneurs !
À bas les groupes – suivez notre enseigne !
Vous suivre, non
Mais nous-mêmes, oui.

Pas besoin de maisons pour vos poumons,
Pas de pensions et pas d’assurances.
Vous devriez tous avoir honte,
De prendre encore de l’argent au pauvre État !
Vous ne devez plus rester
groupés
Voulez-vous bien vous disperser
 !
Pas d
’unions dans notre secteur !
Pour vous non.
Mais
pour nous, oui.

Nous formons pour le long terme
Des trusts, des cartels, des fédérations, des ententes.
Avec les flammes de nos hauts fourneaux, nous sommes
Unis dans des sociétés par des intérêts solides.
Nous dictons les prix et les contrats –
Aucune loi de protection ne nous contrarie
Nous sommes bien organisés ici…
Chez vous, non.
Mais chez nous, oui.

Ce que vous faites, c’est du marxisme.
Pas de ça !
Nous conquérons pas à pas le pouvoir.
Personne ne nous dérange. En toute tranquillité
Les gouvernements socialistes regardent.
Nous vous voulons à titre individuel. Aux fusils !
C’est la dernière leçon de l’économie.
La revendication n’est pas encore lancée,
Un professeur allemand ne nous l’a pas encore confirmée.
Dans les entreprises travaillent pour nos idées
Les Officiers de l’ancienne armée,
Les Casques d’acier, les gardes d’Hitler…


Vous, dans les caves et dans les mansardes,
Ne voyez-vous pas ce qu’ils font de vous ?
Avec quelle sueur se fait le profit ?
Arrivera ce qui arrivera.
Le jour arrivera
Où le prisonnier du travail dira :
« Pas pour vous.
Mais pour nous. Pour nous. Pour nous. »