L’ÉCONOMIE
LIBÉRALE
Version
française – L’ÉCONOMIE LIBÉRALE – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson
allemande – Die freie Wirtschaft – Theobald
Tiger, alias Kurt Tucholsky
– 1930
Un
poème de Theobald Tiger, alias Kurt Tucholsky, publié le 4 mars
1930 dans « Die Weltbühne », la revue que Tucholsky
dirigea jusque cette année-là avant de s’exiler en Suède,
convaincu que désormais la lutte contre l’arrivée au pouvoir des
nazis était perdue…
Le
nazisme n’était pas l’unique préoccupation de Tucholsky. Il
savait que les nouveaux guerriers étaient dangereux, car ils
dupaient les masses populaires épuisées par la misère et le
chômage, mais aussi, car ils étaient soutenus par de
grands groupes industriels, des zélateurs du « libre
marché », de la « dérégulation » totale, du
capitalisme. En échange de son soutien, ils
avaient demandé aux nazis de libérer le pays de tout
ce qui sentait le syndicalisme, le
socialisme, le communisme, l’anarchisme.
Dialogue
maïeutique
Lucien
l’âne mon ami, nous venons de voir en quelques phrases la
situation de l’Allemagne de ce temps-là. On en avait eu une
illustration déjà dans les années qui précèdent. L’Allemagne
des années vingt n’était pas un havre de paix et de prospérité.
Depuis la fin de la guerre, la population assistait médusée à un
affrontement violent entre les tenants de l’ancien régime, les
nostalgiques de l’Empereur qui ambitionnaient une sorte de
restauration ou espéraient un pouvoir fort, une dictature ; les
républicains qui essayaient de se maintenir au pouvoir et de sauver
la République et les révolutionnaires – de gauche ou de droite –
qui visaient eux aussi la conquête du pouvoir.
Sur
le terrain économique et social, la confrontation n’était pas moins vive. Pour les patrons, il s’agissait tout simplement de
déconstruire le système social (hérité de l’Empire) trop
favorable aux travailleurs, de déconstruire (sinon détruire) les
organisations ouvrières, de se libérer de toute concertation,
d’imposer la liberté d’exploiter, qui est celle du loup) dans la
bergerie, du renard dans le poulailler ; bref, de se débarrasser
de toute entrave à la « liberté économique ». Il
s’agissait également de mater toute velléité de résistance dans
les entreprises et dans le pays.
Je
vois ça très bien et d’autant mieux que c’est ce qui est en
train de se passer aujourd’hui, ici, dans ce pays où nous résidons
et sans doute dans les autres pays d’Europe : Regardez ce
qu’ils font aux Grecs, ils vous le feront bientôt. On assiste au
démantèlement systématique de tout ce qui gêne les riches :
diminution des salaires, instauration de la précarité dans le
travail, diminution des pensions, allongement de la durée du
travail, recul de l’âge de la retraite ; tirs de barrage
médiatiques et répression policière contre les pauvres et ceux qui
les défendent ; ils dressent les gens les uns contre les autres
et tentent de jeter la responsabilité de leurs attaques sur leurs
victimes. Je constate aussi que tout cela se fait sans la moindre
honte, sans aucune pudeur, à visage découvert, avec une arrogance
croissante. On est en plein dans la Guerre de Cent Mille Ans que les
riches font obstinément et sans aucun scrupule contre les pauvres.
Dans
la chanson, Kurt Tucholsky, alias Theobald Tiger, détaille – par
la voix d’un héraut du patronat – la situation, toutes les
exigences des patrons et les forces (armées et privées) qu’ils
mettent en place pour appliquer manu militari leur sympathique
programme.
« Dans
les entreprises travaillent
pour nos idées
Les Officiers de l’ancienne armée,
Les Casques d’acier, les gardes d’Hitler… »
Les Officiers de l’ancienne armée,
Les Casques d’acier, les gardes d’Hitler… »
Mais
arrivé à la dernière strophe, changement de programme,
renversement de la vapeur : Tucholsky-Tiger appelle à la
défense et à la conquête du pouvoir dans l’entreprise, dans
l’économie, dans l’État par les « prisonniers du
travail ». Il en annonce l’avènement :
« Le
jour arrivera
Où le prisonnier du travail dira :
« Pas pour vous.
Mais pour nous. Pour nous. Pour nous. »
Où le prisonnier du travail dira :
« Pas pour vous.
Mais pour nous. Pour nous. Pour nous. »
Sans
doute en manière de mobilisation face aux périls qu’il n’arrête
pas de dénoncer.
Et
nous pareillement, nous dénonçons l’iniquité du système,
l’injustice de l’exploitation, la dangerosité de l’économie
libérale, ce qui est notre manière de tisser le linceul de ce vieux
monde inique, injuste, dangereux et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Vous
devez supprimer ces foutus barèmes
Vous devez faire confiance à votre directeur
Vous devez abandonner ces comités de conciliation
Vous devez avoir plus confiance dans le chef.
Plus de conseil d’entreprise chez nous,
Nous voulons être de libres entrepreneurs !
À bas les groupes – suivez notre enseigne !
Vous suivre, non
Mais nous-mêmes, oui.
Vous devez faire confiance à votre directeur
Vous devez abandonner ces comités de conciliation
Vous devez avoir plus confiance dans le chef.
Plus de conseil d’entreprise chez nous,
Nous voulons être de libres entrepreneurs !
À bas les groupes – suivez notre enseigne !
Vous suivre, non
Mais nous-mêmes, oui.
Pas
besoin de maisons pour vos poumons,
Pas de pensions et pas d’assurances.
Vous devriez tous avoir honte,
Pas de pensions et pas d’assurances.
Vous devriez tous avoir honte,
De
prendre encore de l’argent au pauvre État !
Vous ne devez plus rester groupés –
Voulez-vous bien vous disperser !
Pas d’unions dans notre secteur !
Pour vous non.
Mais pour nous, oui.
Vous ne devez plus rester groupés –
Voulez-vous bien vous disperser !
Pas d’unions dans notre secteur !
Pour vous non.
Mais pour nous, oui.
Nous formons pour le long terme
Des trusts, des cartels, des fédérations, des ententes.
Avec les flammes de nos hauts fourneaux, nous sommes
Unis dans des sociétés par des intérêts solides.
Nous dictons les prix et les contrats –
Aucune loi de protection ne nous contrarie
Nous sommes bien organisés ici…
Chez vous, non.
Mais chez nous, oui.
Ce que vous faites, c’est du marxisme.
Pas de ça !
Nous conquérons pas à pas le pouvoir.
Personne ne nous dérange. En toute tranquillité
C’est
la dernière leçon de l’économie.
La revendication n’est pas encore lancée,
Un professeur allemand ne nous l’a pas encore confirmée.
Dans les entreprises travaillent pour nos idées
Les Officiers de l’ancienne armée,
Les Casques d’acier, les gardes d’Hitler…
La revendication n’est pas encore lancée,
Un professeur allemand ne nous l’a pas encore confirmée.
Dans les entreprises travaillent pour nos idées
Les Officiers de l’ancienne armée,
Les Casques d’acier, les gardes d’Hitler…
Vous,
dans les caves et dans les mansardes,
Ne voyez-vous pas ce qu’ils font de vous ?
Avec quelle sueur se fait le profit ?
Arrivera ce qui arrivera.
Le jour arrivera
Où le prisonnier du travail dira :
« Pas pour vous.
Mais pour nous. Pour nous. Pour nous. »
Ne voyez-vous pas ce qu’ils font de vous ?
Avec quelle sueur se fait le profit ?
Arrivera ce qui arrivera.
Le jour arrivera
Où le prisonnier du travail dira :
« Pas pour vous.
Mais pour nous. Pour nous. Pour nous. »