MOI, JE NE VEUX PAS MOURIR
Version
française – MOI, JE
NE VEUX PAS MOURIR – Marco
Valdo M. I. – 2019
Chanson
italienne (italien et yiddish) – Mir
viln nisht shtarbn – Aldo
Giavitto – 1997
« Mir
viln nisht shtarbn !
MOI,
JE NE VEUX PAS MOURIR ! »
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Dialogue
Maïeutique
Mon
bon Lucien l’âne, mon ami, voici une chanson dont ta mémoire,
comme celle de tous ceux qui la connaîtront, comme la mienne à moi
qui en ai fait cette version française, toutes ces mémoires ne
sauront se libérer aisément. Bien qu’elle se réfère à un
moment particulier, elle le doit, comme universelle. Les guerres ont
toutes les mêmes effets pour ceux qu’elles tuent et pour les
vivants qu’elles laissent. L’enfant dont la mère hurle de
terreur alors qu’elle fuit en le tenant dans ses bras sera marqué
à jamais par cette horreur – quelle que soit la guerre, quel que
soit l’assaillant, quel que soit le siècle, l’année, l’heure
ou le moment de ce trauma.
Je
le pense aussi, Marco Valdo M.I. mon ami. J’ajouterai donc quelle
que soit la langue dans laquelle il dira ou criera ou hurlera :
« Mir
viln nisht shtarbn !
MOI,
JE NE VEUX PAS MOURIR ! »
Ceci
étant dit, Lucien l’âne mon ami, il se trouve – même si la
mémoire rappelle les enfants du ghetto de Lodz – une grande ville
de Pologne, qui furent emmenés au
centre d’extermination de
Chelmno et pour ceux – enfants et adultes – qui restaient à la
mi-1944, à celui d’Auschwitz ; au total, ils furent près de
200 000 à être ainsi éliminés. Mais par sa force évocatrice,
qui est comme un écho au tableau de Charles Szymkovicz
– un peintre que j’aime et que je sais que tu aimes beaucoup –
qui
évoque lui aussi les enfants du ghetto, par
le malheur qu’elle dénonce, elle pourrait relater mille autres
fuites éperdues de mille autres lieux, de mille autres temps,
conséquences de la permanence de la guerre et du désastre humain
qu’elle constitue. L’héritage qui en découle est enfoui et
gardé dans le creux du silence, dans cette zone d’ombre de l’être
qu’est l’inconscient. La canzone est un tableau en trois
séquences qu’il te faudra découvrir et qui mènent à la
proclamation qui lui donne son titre :
« Mir
viln nisht shtarbn !
MOI,
JE NE VEUX PAS MOURIR ! »
Eh
bien, moi non plus, dit Lucien l’âne. Comme tu le sais, je ne veux
pas mourir et je m’y emploie depuis longtemps. Cependant, tissons
le linceul de ce vieux monde médiocre, écrasant, barbare, assassin
et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Moi,
quand je suis né, les bombes sifflaient.
La
lueur des feux de Bengale éclairait
L’obscurité
de deux yeux que la terreur
Barrait
dans la confusion
De
la nuit avec le jour, de la sueur avec le pleur,
Le
visage d’une femme qui me serre sur le cœur,
Courant
sans but, pieds nus, sans direction…
Toi,
quand tu es né, tu criais dans le silence
Comme
les cent autres qui sont morts à ta place
En
un instant, mais loin, au-delà d’une frontière
qui
distingue
La
vie du souffle, le rire du sourire,
Le
visage d’une femme sur les lambeaux de son visage
Aussi
tremblant qu’un ancien rêve…
Toi,
quand tu naîtras, rare gage d’espérance
Dans
le ventre d’une histoire qui bouleverse, mais nous enchante
La
lumière de deux yeux ne simplifie pas la rupture, mais allège
Les
songes trépidants, la pression des couchants,
Les
souvenirs semés comme pollen du temps,
Mais
l’héritage de chaque homme est son silence…
Mir
viln nisht shtarbn…
MOI,
JE NE VEUX PAS MOURIR
Mir viln nisht shtarbn !
Mir viln nisht shtarbn !
MOI,
JE NE VEUX PAS MOURIR !