LA
NEIGE N’ARRIVE JAMAIS
(pour
ceux qui ne sont plus Charlie !)
Version
française – LA NEIGE N’ARRIVE JAMAIS (pour ceux qui ne sont plus
Charlie !) – Marco Valdo M.I. – 2017
Chanson
italienne – Ceux
qui ne sont plus Charlie (La neve non arriva mai) – Anonimo
Toscano del XXI secolo
– 23 janvier 2017
Du
lynchage médiatique et autres
modernités
Cher
Lucien l’âne, voici une chanson écrite à chaud malgré son titre
et les circonstances climatiques qu’elle évoque. Ce
qui est certain dans
ces
temps tourmentés
par
un
vent d’hiver, c’est que rien
que ma formulation me vaudrait auprès de certaines
gens
– au
minimum
– une
excommunication ou carrément une pendaison. On évoquerait le
« mauvais goût » de cette « chanson écrite à
chaud », alors
qu’elle raconte une histoire de
gens ensevelis sous des mètres de neige. Personne
ne pourra prétendre que je ne l’ai pas
remarqué et
que par ailleurs, je le revendique. Mais
voilà, je n’ai pas plus l’intention de retirer cette expression
« écrite
à chaud » que
d’émasculer la langue française.
Émasculer
la langue française ?, en voilà une drôle expression. Que
veux-tu dire, Marco Valdo M.I. mon ami ?
Il
se trouve, répond
Marco Valdo M.I., qu’en
français, cette expression signifie tout simplement « écrite
tout de suite », « écrite sans délai » et
ne pas en user, car certains pourraient mal comprendre, ce serait
plus qu’une faute, ce serait une erreur ; ce serait abdiquer
devant le règne de la facilité et m’incliner à mon tour devant
la conjuration des imbéciles, déjà dénoncée par J.K. O’Toole,
un auteur étazunien.
De plus, l’écrire de cette manière,
c’est-à-dire
« à
chaud » et
dans l’urgence, était en quelque sorte une nécessité interne aux
événements que
la chanson
relate et une
urgence
qui ne résultait pas
de la « faute » de l’auteur – le célèbre Anonyme
Toscan, mais bien
de
celle des médias rapporteurs, qui
dès demain passeront à une autre catastrophe, à un autre désastre.
De
quelle catastrophe,
de quel désastre est-il question dans la canzone ?, demande
Lucien l’âne.
En
deux mots, Lucien l’âne mon ami, la canzone réagit à un lynchage
de Charlie (hebdo – anciennement Hara-kiri
hebdo, journal bête et méchant, définitivement interdit après une
première page, une
« une » mémorable
où il était titré
sous une croix de Lorraine : « Bal tragique à Colombey :
Un mort » – le mort était l’ex-Président de la
République, Charles De Gaulle. C’était
le choc de deux événements. D’un côté, la mort de Charles De
Gaulle (1 mort) ; de l’autre, il
y avait eu au même moment, un bal tragique (dans
la région parisienne)
avec des dizaines de morts, mais la presse se souciait bien plus du
cadavre de Colombey que de ces anonymes citoyens rôtis dans un
dancing.
Je
disais un lynchage de Charlie (hebdo) par des national-populistes
italiens qui s’en prenaient violemment à l’hebdo (Charlie) suite
à une caricature montrant la mort skiant à vive allure sur une
pente enneigée et
s’écriant : « Italie : de la neige, il n’y en
aura pas pour tout le monde ». Une
caricature
violente ?
D’abord,
Marco Valdo M.I. mon ami, je me demande ce que serait une caricature
molle ? Un dessin de Dali, peut-être ?
Soyons
sérieux : c’est le propre d’une caricature que de choquer,
c’est dans sa nature, elle est faite pour ça : créer un choc
mental salutaire. En vérité, la caricature ne choque que les gens
inintelligents,
précisément parce qu’ils le sont et qu’ils ne comprennent pas.
En s’en prenant à la caricature, ils
s’en prennent à leur propre insuffisance. On comprend fort bien
que ça leur fasse mal et qu’ils soient en rage et
comme ils ne peuvent, ni ne veulent – ce serait d’ailleurs assez
suicidaire – tourner leur rage contre eux-mêmes, il
leur faut donc un bouc émissaire pour diriger leur fiel
en dehors d’eux-mêmes ; alors, ils s’en prennent au dessin
(avant de s’en prendre physiquement
au journal, au livre – ce sont les bûchers et ensuite, à
l’auteur, au
dessinateur – ça
s’est déjà vu)
pour purger leur bile.
Il
y avait donc nécessité de sortir du bois pour que ne puisse
prospérer sans réplique la lâcheté de s’en prendre à Charlie
(hebdo bête et méchant) et
calmer ces gens qui se comportent comme les fanatiques d’un
Prophète ou d’un Dieu idiots ou
de je ne sais quelle idéologie totalitaire.
Il
me semble que s’ils réfléchissaient un brin…, dit Lucien l’âne,
mais peut-être est-ce là précisément le problème : ils
ne réfléchissent pas. Comme certain ministre de chez nous, ils ont
comme devise : « J’agis d’abord, je pense après ! ».
Je ne sais trop s’ils ne peuvent pas réfléchir (insuffisance) ou
s’ils ne veulent pas réfléchir (inconscience). Je ne sais
d’ailleurs pas quel est le pire.
Pour
mieux faire
comprendre la chose, dit
Marco Valdo M.I., je
vais parler brièvement d’une autre affaire à cet égard
similaire.
Pareillement
donc,
ces
jours-ci,
un processus similaire s’est
mis en action de l’autre côté de l’Atlantique lorsque dans
le cadre d’une
cérémonie officielle à vocation télévisuelle universelle, un
homme public met sur l’estrade ses enfants et petits-enfants, y
compris un certain Barron qui serait mineur d’âge.
Puis,
cet
homme s’étonne
qu’on s’en étonne et s’indigne
qu’on
s’en indigne et qu’une journaliste prenne la défense de cet
enfant ainsi exposé et otage de
l’ambition et d’un orgueil mal placé – un orgueil mal placé a
ceci de commun avec un
furoncle mal placé, il suppure.
La
question qui se pose ici
est de savoir à qui revient la responsabilité de la mise en cause
de l’enfant Barron de 13 ans ?
Elle
ne peut en aucun cas être attribuée
à
la journaliste qui a
fait
remarquer cette incongruité, cette immense faute déontologique et
les
dégâts que pareil traitement pourraient comporter pour cet
enfant
jeté dans la cage aux lions.
En
effet, dit Lucien l’âne. Réglons d’abord cette première
question.
À
mon sens, et au sens de toute personne raisonnable, si faute il y a
et il y en a même
plus
d’une, elles sont imputables
entièrement
et uniquement aux adultes « responsables » qui ont
organisé
cette pratique monarchique, de surcroît hors de propos dans une
République.
On
a élu Monsieur Machin, soit,
même
si la chose n’est pas claire et qu’elle est mise en discussion ;
mais
on
n’a certainement
pas élu
sa
femme, son fils, son petit-fils, son oncle, sa tante, son petit ami,
son
chien…
Dès
lors, à partir du moment où l’enfant (ici, le prénommé Barron)
est mis en avant sur la scène comme une marionnette, il devient une
marionnette présidentielle et
cet enfant-marionnette risque
de
subir le sort d’une figurine de foire qu’on place comme cible au
tir à pipes.
C’est
précisément un
des
dangers
que dénonçait la journaliste.
D’accord
avec toi, Lucien l’âne, ton raisonnement est imparable. Il s’agit
avant tout d’épargner l’enfant et il serait parfaitement
imbécile et injuste de s’en prendre à la journaliste.
De
plus, s’il n’y avait pas eu
cette malheureuse exposition en public, qui aurait su que
Barron
s’appelait Barron, si
on l’avait laissé
avec les enfants hors des affaires de son grand-père. À
cet égard, la
journaliste notait aussi
l’isolement du gamin dans la Tour patriarcale
et
elle y voyait – à juste titre – une
situation qui serait préjudiciable pour un enfant, quel que fut cet
enfant.
Je
continue le
récit :
il
y a comme un soupçon de mégalomanie chez
ce président dont il appert qu’il devrait être affublé d’un
titre plus conforme à ses comportements de satrape et de monarque
absolu. Peut-être
y rêve-t-il ? Peut-être va-t-il l’exiger et qui sait, vu la
tournure des choses, l’obtenir aux forceps ?
Oh,
dit Lucien l’âne en riant, j’ai quelques propositions :
dans
un premier temps, Ras, Rais, Roi, Koning, Koenig, Dux, Duce,
Conducator.
Puis,
dans quelques semaines, car les choses vont vite : Kaiser ou
mieux encore, Empereur ou Imperator.
De
ce fait, tout qui se trouve sous la houlette du berger immobilier est
en quelque sorte devenu, comme dans l’entourage des rois de France,
un oint du Seigneur.
En
l’occurrence, de
ce que j’ai entendu de cette Cour relookée, il
y en a tant à oindre, qu’on s’y
trouve
dans
la
nécessité impérative d’accélérer
la réalisation des oléoducs en construction.
Oindre
et adouber, ce sont là des pratiques féodales et franchement,
moyenâgeuses tout
comme serait une pratique ancienne de faire la guerre au pays voisin,
mettons pour une histoire de mur mitoyen.
Toutes
ces pratiques
me paraissent assez déplacées
dans un pays qui, au départ (1776)
et
dans sa Constitution (1787),
s’est construit contre ce genre de pratique.
« De tout ceci, on peut tirer :
Qu’une avalanche au centre de l’Italie,
Et les barouds racistes organisés
À Goro-Gorino, par quelques chrétiens fanatisés
Importent plus que tous les réfugiés de la Syrie. »
3.
Morale finale : dans leur Italie,
On n’est plus Charlie.
On est Charlie dans le brouhaha,
Quand Charlie moque Allah ;
Quand il y a de l’indignation
Pour une sorte de liberté d’expression.
Quand par contre, on crève,
Et quand le mouroir arrive
D’une criminelle gestion
(dans un hiver maison)
Sur son propre territoire,
Alors, il faut et faut sur le champ
Un bouc émissaire.
Et combien sont-ils, maintenant,
À penser : quelle misère !
Ils pensent qu’au fond,
Ils ont eu ce qu’ils méritent
Et que l’Isis a bien fait de tuer
Ces impudents détracteurs
De nos italianissimes grands cœurs,
Ce Pays de Sauveteurs
Qui secourent à toute heure
Le blessé, l’assassiné
Par son État national;
En traitant de « chacal »
Celui qui met les points sur les « i »,
Comme le fit un jour, à propos de Longarone,
Le fasciste Indro Montanelli
(À propos de barrages –
Soit dit entre parenthèses).
Ce n’est que prières et bavardages
Et statuettes du Père Pie,
Quand dans les intempéries,
On creuse parmi les ruines
Éternelles de cette belle Patrie.
Ils disent : Désastre par imprudence.
Ainsi, on escamote toute faute
Et seul reste le désastre.
Sur la prochaine maisonnette
On mettra une caricature.
Et l’hiver prochain, la jérémiade
Sonnera en échos la même litanie,
Là-haut sur la montagne :
« Il ne neige pas ! Il n’y a pas de neige !
Une catastrophe pour l’économie ! »
Sur les montagnes éventrées
Aux pistes de ski si bien fréquentées,
Aux pentes violées
Par les tire-fesses et les télésièges,
Aux forêts entières essartées,
Pour faire place aux banales
Idioties hivernales,
Aux hôtels dans les vallées glacières,
Aux spas, aux bien-être et autres piscines,
Aux victimes d’avalanches.
Voilà
qui est bien dit, reprend
Marco Valdo M.I.,
et
à
présent, revenons
à la chanson de l’Anonyme toscan qui elle aussi met en cause
certain lynchage journalistique, certaines attaques partisanes contre
la liberté artistique,
journalistique, de
création, de pensée, d’expression et tout ce qui s’y rattache.
La
parole, l’écrit, le dessin et la caricature sont libres et doivent
le rester.
Il
reste néanmoins
entendu
qu’on peut toujours les contester, y apporter des remarques, des
appréciations – qui sont elles-mêmes des paroles, écrit…
Mais
là où ça ne va plus, c’est quand on répond au dessin par le
TNT, la mitraillette ou
le lynchage médiatique.
Ils
ont lynché Charlie par analphabétisme, car ils ne savent pas lire
l’image ; ils ont lynché Charlie par manque de culture et de
sens civil ; ils ont lynché Charlie tout simplement par bêtise.
Cela
dit, l’Anonyme pose une question pour
laquelle il
n’y a jamais eu de bonne réponse de la part d’une presse qui
entend vendre du papier, du son (pas celui que mangent les ânes), de
l’image ou le tout ensemble, une presse qui entend satisfaire les
plus basses des pulsions et
joue sur
la
fascination de
la mort – ce
qui lui rapporte énormément.
Cette
présse (ces médias…) en sont restés
à la loi du mort-kilométrique, à savoir que plus le mort est
lointain, moins il importe ; plus
il est proche, mieux il se vend ; plus il est riche, plus il
fait recette – là aussi, le pauvre ne
compte
pour rien.
Ce
qui dans la chanson
se
traduit par :
« De tout ceci, on peut tirer :
Qu’une avalanche au centre de l’Italie,
Et les barouds racistes organisés
À Goro-Gorino, par quelques chrétiens fanatisés
Importent plus que tous les réfugiés de la Syrie. »
Oh,
dit Lucien l’âne, il faudrait y ajouter
l’« étranger-kilométrique » et les conséquences
racistes de pareils principes.
Juste
une dernière note complémentaire. En parallèle
à la
canzone,
il serait bien de renvoyer,
car
elle aide à comprendre, à
cette
réflexion poétique et caricaturale d’Erich Kästner qu’était
« Wintersport »,
dans
laquelle – était-ce
par anticipation ou prémonition ?
– il
écrivait :
« Des
avalanches dévalent de temps en temps
Et elles sont fort critiquées.
En quoi la neige intéresse-t-elle les gens ?
Elle tombe. Et c’est bien assez. »
Et elles sont fort critiquées.
En quoi la neige intéresse-t-elle les gens ?
Elle tombe. Et c’est bien assez. »
À
ce propos, à quoi bon accuser la nature, les intempéries, le
relief, le temps, les nuages, le froid ou que sais-je ?
La
neige est comme le chameau : la neige s’en fout.
Elle
tombe et puis, c’est tout.
Ce
qui me désole dans toutes ces affaires, dit Lucien l’âne, c’est
de découvrir la bassesse d’une grande partie de l’espèce
humaine et spécialement, dans celle qui bénéficie et tire le plus
profit des efforts de toute l’espèce, y
compris des anciens et des ancêtres.
Ça
me déçoit tant que je me demande si j’accepterai jamais de
redevenir un être humain et je me
pose la question de savoir comment et quand l’humanité va arriver
à se débarrasser de ces comportements nombrilistes et racistes.
Cela
dit, je propose
de lire cette chanson sans musique, comme l’étaient celles
d’Homère, de Villon, de Pétrarque ou de Kästner et puis, de
reprendre notre tâche et tisser tranquillement mais obstinément le
linceul de ce vieux monde réactionnaire, borné, nationaliste,
autoritaire, myope et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Cantate
ou « oraison civile », si on veut ainsi dire,
Sur
certains événements d’une brûlante actualité.
1.
Comme c’est archiconnu,
Quand la neige n’arrive plus,
L’économie s’en ressent,
Et en pareille circonstance évidemment
Pour des secteurs entiers, c’est embêtant.
Comme c’est archiconnu,
Quand la neige n’arrive plus,
L’économie s’en ressent,
Et en pareille circonstance évidemment
Pour des secteurs entiers, c’est embêtant.
Se
lamentent les aubergistes ,
Et les économistes,
Et les skieurs,
Et les restaurateurs
Et même les alpinistes.
Et les économistes,
Et les skieurs,
Et les restaurateurs
Et même les alpinistes.
Un
jour la neige arrive
Et même beaucoup qu’il en arrive .
Le téléski est comble,
Fini la neige artificielle,
Enfin, voici l’hiver réel.
Et même beaucoup qu’il en arrive .
Le téléski est comble,
Fini la neige artificielle,
Enfin, voici l’hiver réel.
La
neige est une charogne,
Elle m’insupporte.
La neige m’est étrangère,
Et pas pour rien :
Je suis un Méditerranéen.
Elle m’insupporte.
La neige m’est étrangère,
Et pas pour rien :
Je suis un Méditerranéen.
Elles
me font toujours un peu rire
Ces foules à skis, au fort sourire,
Ces familles qui pratiquent le telemark,
Et se prennent pour Ingemar Stenmark,
Et ces hors-pistes, fétus de marques.
Ces foules à skis, au fort sourire,
Ces familles qui pratiquent le telemark,
Et se prennent pour Ingemar Stenmark,
Et ces hors-pistes, fétus de marques.
Il
y a des
hôtels de
luxe
Dans les Apennins ou les Alpes,
Construits au pied de la montagne.
Mais très sûrs, on vous l’assure
Et vive l’aventure !
Dans les Apennins ou les Alpes,
Construits au pied de la montagne.
Mais très sûrs, on vous l’assure
Et vive l’aventure !
Un
jour la neige arrive,
Il en tombe beaucoup même.
Elle arrive, et comme on sait,
Là où frappa le séisme,
En lieu plutôt reculé.
Il en tombe beaucoup même.
Elle arrive, et comme on sait,
Là où frappa le séisme,
En lieu plutôt reculé.
Avec
sa petite route
sinueuse
sous des mètres de neige ;
Soudain, c’est l’avalanche,
Et la poudreuse déboule,
Mort, deuil, ruine.
sous des mètres de neige ;
Soudain, c’est l’avalanche,
Et la poudreuse déboule,
Mort, deuil, ruine.
Sous
l’auberge ensevelie, des corps.
Dans
ce pays, nous avons
Toujours des héros de l’après.
Avant, c’est un tissu très épais
D’idiotie et de prétention,
Assaisonné de mafias et de cohésion.
Toujours des héros de l’après.
Avant, c’est un tissu très épais
D’idiotie et de prétention,
Assaisonné de mafias et de cohésion.
Et
lorsque la neige arrive
Il faut un chasse-neige,
On en achèterait tant et tant
Pour le coût de seulement
Un F 35 d’entraînement.
Il faut un chasse-neige,
On en achèterait tant et tant
Pour le coût de seulement
Un F 35 d’entraînement.
On
pleure nationalisme.
On prie bienfaisance.
On oublie tous les torts,
On ramasse les morts
En creusant le décor.
On prie bienfaisance.
On oublie tous les torts,
On ramasse les morts
En creusant le décor.
Mais
jamais question de
conscience,
La conscience gêne,
On doit rester unis
Et sous peine d’ennuis,
Épargner le fortin et la garnison.
La conscience gêne,
On doit rester unis
Et sous peine d’ennuis,
Épargner le fortin et la garnison.
Chez
nous, les héros
sont légion :
Jamais dans l’action et toujours au balcon.
Ce pourquoi, on enquête à reculons
Sur l’habituel désastre frauduleux,
On enquête, mais respectueux
Jamais dans l’action et toujours au balcon.
Ce pourquoi, on enquête à reculons
Sur l’habituel désastre frauduleux,
On enquête, mais respectueux
Des
morts de la
route
soudain
sous terre,
Des morts d’avalanches de luxe,
Des morts de négligences et de crises,
Des morts tués par le néant,
Des morts d’un État déficient.
Des morts d’avalanches de luxe,
Des morts de négligences et de crises,
Des morts tués par le néant,
Des morts d’un État déficient.
2.
Et
pendant que les héros excavateurs
Et les courageux sauveteurs
Attendent depuis des années en vain,
Enterrés eux aussi sous des trains
De discours malsains,
Et les courageux sauveteurs
Attendent depuis des années en vain,
Enterrés eux aussi sous des trains
De discours malsains,
Leur
contrat de travail ;
Tandis que les politiques réunis
S’en allaient tous en une belle pagaille
Se donner de l’excellence et du cher ami,
Et se faire des selfies en après-ski ;
Tandis que les politiques réunis
S’en allaient tous en une belle pagaille
Se donner de l’excellence et du cher ami,
Et se faire des selfies en après-ski ;
Et
pendant que l’on fait des veillées
funèbres
Et des neuvaines de prières,
Et pendant qu’on vend pour urgence
Ce qui est chose
qui serait normale
Et des neuvaines de prières,
Et pendant qu’on vend pour urgence
Ce qui est chose
qui serait normale
Sans
doute un peu tigneuse
Publie un dessin, une simple image
Où l’on voit la camarde
Descendant à ski, dire rigolarde :
« Italie : de la neige, y en aura pas pour tout le monde ! »
Publie un dessin, une simple image
Où l’on voit la camarde
Descendant à ski, dire rigolarde :
« Italie : de la neige, y en aura pas pour tout le monde ! »
Pas
de quoi fouetter une chatte, dit-il
là-bas.
Elle a déjà fait de meilleures caricatures.
Pourtant, quand elle en fait de meilleures,
Certains messieurs, n’est-ce pas,
Ne le digèrent pas.
Elle a déjà fait de meilleures caricatures.
Pourtant, quand elle en fait de meilleures,
Certains messieurs, n’est-ce pas,
Ne le digèrent pas.
Ils
prennent un café au bar,
Puis, hurlent « Allah akbar ! »,
Et tirent comme des sapeurs
Sur ces maudits dessinateurs.
Et alors, tous sont Charlie dans l’heure.
Puis, hurlent « Allah akbar ! »,
Et tirent comme des sapeurs
Sur ces maudits dessinateurs.
Et alors, tous sont Charlie dans l’heure.
La
satire, on le sait,
fait mal,
Même quand en passant, elle parle
D’une avalanche normale,
Naturellement mortelle,
Dans un hiver banal.
Même quand en passant, elle parle
D’une avalanche normale,
Naturellement mortelle,
Dans un hiver banal.
Alors
que la neige enterre
Les zones sinistrées,
Précisément là où on a ouvert
L’hostellerie multistellaire
Si mal placée.
Les zones sinistrées,
Précisément là où on a ouvert
L’hostellerie multistellaire
Si mal placée.
La
liberté d’expression !
Qui ne vaut seulement que
Si elle ne vous vise pas.
Qui ne vaut seulement que
Si elle ne vous touche pas.
Qui ne vaut seulement que
Si elle ne vous vise pas.
Qui ne vaut seulement que
Si elle ne vous touche pas.
À
ce moment, inévitablement,
Se manifeste bruyamment
Le national-populiste :
Le maire d’Amatrice
Dont par ailleurs, on attend
Se manifeste bruyamment
Le national-populiste :
Le maire d’Amatrice
Dont par ailleurs, on attend
Qu’il
pense plus aux préfabriqués
Par le sort attribués
Plutôt que de répondre à des images,
Par une caricature
Héroïque et nationaliste
Par le sort attribués
Plutôt que de répondre à des images,
Par une caricature
Héroïque et nationaliste
De
ce Ghisberto, raciste
Et même, notoire fasciste,
Qui exalte le « Secours Alpin » ;
Ces Tartarins
Du Pays du lendemain.
Et même, notoire fasciste,
Qui exalte le « Secours Alpin » ;
Ces Tartarins
Du Pays du lendemain.
Puis,
Fiorello le clownique,
Paradigme emblématique
Du cerveau italique ;
Répond sans retard :
« Charlie ? Des salopards ».
Paradigme emblématique
Du cerveau italique ;
Répond sans retard :
« Charlie ? Des salopards ».
Et
entre temps, on
espère
Sauver d’autres victimes
Terrées sous cette auberge
Comme si ce quatre étoiles
Sauver d’autres victimes
Terrées sous cette auberge
Comme si ce quatre étoiles
Comme
au Bois du Cazier à
Marcinelle,
On creuse, on creuse et on espère
Tandis qu’à une frontière,
Dans l’indifférence générale
Et le gel d’une froidure banale
On creuse, on creuse et on espère
Tandis qu’à une frontière,
Dans l’indifférence générale
Et le gel d’une froidure banale
Des
milliers d’êtres humains
Qui crèvent de froid chaque matin
Et attendent que les gardiens
Libèrent une barrière ;
Mais là, vraiment, on désespère.
Qui crèvent de froid chaque matin
Et attendent que les gardiens
Libèrent une barrière ;
Mais là, vraiment, on désespère.
De
tout ceci, on
peut tirer :
Qu’une avalanche au centre de l’Italie,
Et les barouds racistes organisés
Qu’une avalanche au centre de l’Italie,
Et les barouds racistes organisés
À
Goro-Gorino, par quelques
chrétiens
fanatisés
3.
Morale finale : dans leur Italie,
On n’est plus Charlie.
On est Charlie dans le brouhaha,
Quand Charlie moque Allah ;
Quand il y a de l’indignation
Pour une sorte de liberté d’expression.
Quand par contre, on crève,
Et quand le mouroir arrive
D’une criminelle gestion
(dans un hiver maison)
Sur son propre territoire,
Alors, il faut et faut sur le champ
Un bouc émissaire.
Et combien sont-ils, maintenant,
À penser : quelle misère !
Ils pensent qu’au fond,
Ils ont eu ce qu’ils méritent
Et que l’Isis a bien fait de tuer
Ces impudents détracteurs
De nos italianissimes grands cœurs,
Ce Pays de Sauveteurs
Qui secourent à toute heure
Le blessé, l’assassiné
Par son État national;
En traitant de « chacal »
Celui qui met les points sur les « i »,
Comme le fit un jour, à propos de Longarone,
Le fasciste Indro Montanelli
(À propos de barrages –
Soit dit entre parenthèses).
Ce n’est que prières et bavardages
Et statuettes du Père Pie,
Quand dans les intempéries,
On creuse parmi les ruines
Éternelles de cette belle Patrie.
Ils disent : Désastre par imprudence.
Ainsi, on escamote toute faute
Et seul reste le désastre.
Sur la prochaine maisonnette
On mettra une caricature.
Et l’hiver prochain, la jérémiade
Sonnera en échos la même litanie,
Là-haut sur la montagne :
« Il ne neige pas ! Il n’y a pas de neige !
Une catastrophe pour l’économie ! »
Sur les montagnes éventrées
Aux pistes de ski si bien fréquentées,
Aux pentes violées
Par les tire-fesses et les télésièges,
Aux forêts entières essartées,
Pour faire place aux banales
Idioties hivernales,
Aux hôtels dans les vallées glacières,
Aux spas, aux bien-être et autres piscines,
Aux victimes d’avalanches.