dimanche 7 octobre 2018

Hans le Blême


Hans le Blême


Chanson française – Hans le Blême – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
95
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
IV, III)


Champ derrière les dunes - sous la neige


Dialogue Maïeutique

Durant que Till et Lamme s’en vont sur les mers combattre l’Espagnol, comme tu vas l’apprendre ici même Lucien l’âne mon ami, la vie se poursuit au village dont ils sont partis et naturellement, sous le manteau de la guerre, continue l’histoire de Nelle et de Katheline, sa mère. Nelle, à présent, est une jeune femme et Katheline s’enfonce plus encore en sa folie, conséquence de ses supplices. Voilà où nous en sommes en cette fin d’hiver.

Je vois ça d’ici, dit Lucien l’âne, la plaine maritime, ses polders, ses digues, ses haies, ses canaux et ses dunes qui se finissent d’une plage que vient lécher la mer du Nord, le tout est couvert de neige et de glace. Les jours vacillent, on entend au loin le pas du printemps. Soit, mais quel est cet étrange Hans le Blême, qui donne le titre à la chanson et dont jusqu’ici, nul n’avait jamais parlé ?

Ah, dit Marco Valdo M.I., tout comme sous le manteau de la guerre, la paix continue ; inversement, sous le manteau de la paix, la guerre continue. Ceci tient, Lucien l’âne mon ami, ce que depuis longtemps tu avais compris, au fait que guerre et paix sont deux états de la même chose ; l’une et l’autre se compénètrent et ne forment qu’un continuum. Ainsi, j’en viens à Hans le Blême dont la chanson trace le portrait et dévoile peu à peu l’identité. Je ne peux dès lors t’en dire plus à son sujet. Si ce n’est qu’il s’agit d’un personnage particulièrement odieux, un fort contre les faibles, un fier contre les modestes, un lâche, un menteur, un louvoyeur, une véritable anguille quand il se voit contraint d’assumer ses paroles et ses actes.

Oh, Marco Valdo M.I. mon ami, j’insiste quand même ; dis-moi qui il est.

Si tu y tiens vraiment, Lucien l’âne, je ne saurais te le refuser. Il s’agit de ce mystérieux personnage qui vînt certaines nuits chez Katheline et qui avait, par ruses et promesses, poussé la pauvre folle à lui révéler où étaient cachés les sept cents carolus d’or, héritage de Claes le charbonnier et les avait volés. Par ailleurs, on apprend que c’est le père de Nelle et que ce noble personnage entre ce jour à cheval dans le village comme un des membres de la suite du Bailli. Pour la suite, reporte-toi à la chanson.

Oui, voyons la suite, dit Lucien l’âne, et puis, tissons le linceul de ce vieux monde vénal, corrompu, tricheur, escroc et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Neiges et glaces sur le monde,
Au premier mois où le veau gèle
Au ventre de la vache qui vêle,
Neiges et glaces se confondent.

Les gamins et les chats
Vont à la chasse aux moineaux,
Pauvre gibier, maigre repas
Quêtant miettes et eau.

« Hans, mon cœur tire à toi,
Le feu brûle mon visage.
Où sont tes baisers si froids ?
Quand reviens-tu, mon Roi mage ? »

Un coureur, grelots à la ceinture,
Passe à toute allure.
Il crie : « Voici venir le Bailli !
Qu’on rassemble le pays ! »

Passe le cortège des officiers,
Suivi d’une troupe de nobles gens,
Tous de velours et de fourrures parés,
Tous bons amis du Bailli, caracolant.

Au milieu, un bec de vautour, poil roux, joues blêmes,
Costume vert aux fils d’or, manteau de velours noir,
Couvert d’une toque verte au plumeau noir,
Porte fier sa bouche mince et son air de carême.

Katheline, de joie affolée, fend le cortège,
Stoppe le cheval du blême cavalier,
Rit et crie : « Hans, te voici, mon aimé,
Tu es le plus beau des soleils sur la neige. »

Le bailli fait halte et toute la troupe de gentilshommes.
« Que me veut cette gueuse ? », demande le blême.
Tenant la bride à deux mains, elle dit : « Mon homme,
Emmène-moi au bout de la terre, je t’aime !

Ne t’en reva pas, reste là !
Mon aimé, j’ai tant pleuré pour toi.
Regarde, Nelle, notre enfant ! »
Il lève son fouet menaçant.

« Va-t-en, femme, dit le blême,
Je ne te connais pas ! »
Il pousse son cheval, la renverse et même,
Lui ouvre la tête d’un seul pas.